Chapitre 23

6 minutes de lecture

Octobre 2015

J’avais fini par accepter d’accompagner Paul chez ses parents. Je doutais de me sentir vraiment prête un jour, alors un peu plus ou un peu moins… Et ça avait tellement l’air de lui tenir à cœur que je m’étais décidée. Je m’étais assurée que la présence d’Attila – hors de question de le laisser à Clermont - ne dérangerait pas ses parents, mais Paul avait balayé de la main le moindre petit obstacle que je soulevais. Il fallait bien avouer, aussi, que la perspective de revoir Stanislas et Guillaume me faisait plaisir. Pourtant, en ce vendredi soir, alors que nous roulions depuis bientôt quatre heures, et que je voyais se multiplier les panneaux indiquant la direction de Bordeaux, je me sentais de plus en plus nerveuse.

Attila dormait sur la banquette arrière de la voiture de Paul, que j’avais protégée d’une vieille couverture. Je bougeai un peu sur mon siège, changeai de position, et fermai les yeux. Un peu plus tard, Paul mit son clignotant pour quitter l’autoroute.

« On arrive ?

_ Pas encore. Bientôt. » répondit-il brièvement, concentré sur la route et le poids lourd qui nous précédait. Je refermai les yeux, en me concentrant sur ma respiration pour me calmer. Je sentis qu’on passait le péage, puis un rond-point, et ensuite j’arrêtai de penser à la route et à la voiture. J’aurais voulu être ailleurs. En montagne, par exemple. Marcher sur un sentier rocailleux, sentir les cailloux sous mes semelles à crampons, et le poids du sac à dos pesant sur mes épaules…

La main de Paul, sur mon genou, me ramena à la réalité.

« Ça va ? »

J’acquiesçai avec un petit sourire forcé, et Paul sourit aussi. A moins que ce ne soit un soupir ? Il lâcha ma cuisse pour reprendre le levier de vitesse, et je regardai le paysage pour me changer les idées. Finalement, Paul arrêta la voiture dans un chemin de terre.

« Qu’est-ce qui se passe ? » demandai-je, un peu perdue.

« On a encore dix minutes de route. Une pause nous fera du bien. Viens, on va se dégourdir les jambes. »

Attila était partant, bien sûr, et je le laissai courir pour se défouler. Nous avons marché aussi, quelques dizaines de mètres, avant de revenir vers la voiture, et Paul me colla contre la carrosserie pour m’embrasser. Son corps contre le mien, sa jambe entre les miennes, ses mains sur mon visage et sur mon corps, ses lèvres, me firent perdre la tête.

« Si c’est une tentative pour faire diversion, c’est réussi. » réussis-je tout de même à glisser entre deux baisers, pour lui montrer que je n’étais pas dupe.

« Ça va bien se passer, ne t’inquiète pas, d’accord ? » Il était plutôt fier de lui, et en profita pour recommencer. Il me noya sous les endorphines, et quand nous avons repris la voiture pour les derniers kilomètres, je me sentais presque bien. Un peu nerveuse, mais ça allait.

Guillaume nous guettait, et courut ouvrir le portail en nous voyant arriver. Stan sortit à son tour, et ouvrit le coffre pour prendre nos bagages.

« Tu n’as que ça ? » s’étonna-t-il en voyant mon sac à dos. Le sac de Paul était plus gros que le mien.

« Qu’est-ce que tu veux, l’habitude de la rando ! »

Je n’étais pas du genre à transporter cinq tenues complètes pour deux jours hors de chez moi, ‘histoire de pouvoir choisir sur place’, comme Julia par exemple. Ce qui désespérait Virgile à chaque fois qu’il l’emmenait quelque part…

Le plus encombrant, c’était le sac avec les affaires d’Attila, couverture, gamelles et croquettes. A peine sorti de la voiture, mon chien fit fête à Guillaume, et ne le quitta plus. Paul entoura ma taille de son bras pour m’entrainer vers la maison.

Ses parents nous accueillirent très simplement, et je me sentis rapidement à l’aise. Autant qu’on peut l’être en entrant d’un coup dans une maison inconnue. Pendant qu’Alain canalisait un peu Guillaume qui était excité par notre arrivée, Christine me fit visiter la maison, et me montra la chambre de Paul, où il venait de monter nos affaires.

Attila ne me quittait pas, collé à ma jambe depuis qu’on était entrés dans la maison.

« Ça ne vous dérange pas qu’il dorme dans la chambre avec nous ? » m’assurai-je. Elle lui jeta un regard un peu dubitatif, avant de me dire : « En toute honnêteté, je préfère le savoir avec toi…

_ Je comprends, il est impressionnant.

_ Ne t’inquiète pas, Maman, tout se passera bien. » la rassura Paul.

L’apéritif, pris au salon, fut l’occasion de briser la glace et de faire connaissance.
J’offris à Christine le dernier roman de mon père, tout juste sorti de chez l’imprimeur et dont il venait de recevoir quelques exemplaires, mais qui ne sortirait pas en librairie avant quelques semaines, et qu’il lui avait dédicacé. Paul m’avait dit qu’elle aimait beaucoup les bouquins de mon père, et en effet cela lui fit très plaisir. De là, la conversation roula sur mon père, et son travail, le mien, mes études… Finalement, un seul sujet fut évité : ma mère. Je soupçonnais Paul d’avoir donné des consignes à ses parents…

« Alors, ça va ? » murmura-t-il à mon oreille au moment où nous quittions le salon pour passer à table. Je souris, un vrai sourire cette fois, pour le rassurer : oui, ça allait.

Pendant le repas, Guillaume s’inquiéta de l’endroit où dormirait Attila, et je lui expliquai que j’avais installé sa couverture dans la chambre de Paul.

« Han ! Le traitement de faveur ! » fit Stan. « J’y crois pas, quand je pense que le cochon d’Inde n’a jamais eu le droit de rentrer dans notre chambre !

_ Guillaume aurait été capable de dormir avec… J’ai surement sauvé la vie de ce pauvre Batman… » fit remarquer Christine, et je pouffai en entendant le nom du cochon d’Inde.

« Qu’est-ce que t’as contre Batman ? C’est très bien, Batman, comme nom ! » Un grand sourire aux lèvres, Stan continua : « On avait huit ans. Et j’ai pas de leçons à recevoir d’une fille qui appelle son chien Attila.

_ Hey ! Je t’… » Je t’emmerde. J’avais failli dire je t’emmerde au frère de Paul, en plein de repas, devant leurs parents. « … Je te permets pas.

_ OoooOH ! Je te permets pas… Comme elle est polie ! T’as vu, M’man, la belle-fille idéale, hein ?

_ Stan, arrête d’embêter Louise.

_ Je suis désolée. » m’excusai-je. « J’ai passé trop de temps avec mes frères et leurs amis, je crois… » J’avais envie de disparaitre sous la nappe. Paul me serra la main en souriant, et son frère en rajouta une couche : « Hey, on ne se tripote pas sous la table ! »

Paul leva nos mains au-dessus des assiettes en lui lançant un regard assassin, et leur mère les arrêta fermement :

« Ça suffit, les enfants. Pas de noms d’oiseaux entre vous. Qui m’aide à débarrasser ? »

Je sautai sur l’occasion pour me lever, et portai les plats à la cuisine avec elle, prenant le temps de digérer son « les enfants » : j’étais manifestement comprise dans le lot. Cela me faisait étrangement chaud au cœur…

Après la vaisselle, Guillaume ouvrit une armoire et demanda : « On joue à quoi, ce soir ? »

Je me retrouvai donc embarquée dans une partie de Scrabble. Paul m’expliqua que la tradition des jeux de société datait de leur enfance, et que cela avait beaucoup servi pour faire comprendre à Guillaume des concepts tels qu’attendre son tour, écouter parler les autres sans les interrompre, ou encore le faire lire et compter sans que ce soit une corvée.

Après une partie de Scrabble en équipes, Guillaume rangea le plateau et les pions, tout fier d’avoir gagné, avec Paul. Ce dernier me tendit la main pour m’aider à me lever du tapis où je m’étais assise pour jouer, Attila couché près de moi – à côté du tapis, à cause des poils !

« Tu veux sortir le chien ?

_Oui, ce serait bien. » ecceptai-je en jetant un coup d’œil au monstre, qui se tenait sagement près de moi.

Je suivis Paul dans le jardin, puis dans la rue, et on marcha une vingtaine de minutes dans la nuit, sur les trottoirs faiblement éclairés. Attila furetait à droite et à gauche, découvrant le village. Quand nous sommes rentrés, la maison était calme, tout le monde était couché.

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