Chapitre 33

7 minutes de lecture

24 décembre 2015

Nous étions chez les parents de Paul pour Noël. Il se glissa dans mon dos et m’enlaça alors que je regardais distraitement par la fenêtre de sa chambre.

« Ça va, Louise ?

_ Oui. » Je souris, un peu mélancolique mais tentant de le cacher.

« On ne dirait pas… »

Je soupirai : « C’est bizarre de me dire que c’est Noël et que je ne vais pas le fêter avec mes frères. »

Virgile était avec Julia dans sa famille. Nicolas n’avait pas pu revenir à cause de son travail, mon père était à Londres pour la promo de son dernier roman traduit en anglais, il avait emmené Marité.

Et moi, j’étais avec Paul. Je ne désirais rien tant que fêter Noël avec lui, mais j’avais imaginé ça chez Mathie, avec ma famille. Pas qu’on serait dispersés aux quatre coins de la France – voire de l’Europe…

Paul me serra un peu plus fort.

« Ça va aller. C’est une année comme ça, l’an prochain ce sera différent… »

Objectivement, je savais qu’il avait raison, mais une partie de moi refusait de grandir et de ne plus vivre les Noël magiques qu’on avait pu connaitre dans notre enfance, et que j’avais retrouvés il y a quelques années…

« Virgile doit être bien occupé, mais vue l’heure Nicolas est sûrement à son hôtel, tu pourrais l’appeler. » suggéra Paul.

Je jetai un coup d’œil à mon portable, il était 18 heures passées.

« Oui, je vais faire ça. »

Je m’assis par terre, près d’Attila, et composai le numéro de mon frère. On parla un long moment, et cela me fit beaucoup de bien. Je me sentais mieux en raccrochant, et mon sourire, en descendant les escaliers pour retrouver Paul et sa famille au rez-de-chaussée, n’était pas forcé comme un peu plus tôt.

Je me glissai dans la cuisine pour aider Christine qui mettait la dernière main au repas du réveillon. Attila me suivit, et s’assit dans un coin où il ne dérangerait pas trop, me regardant préparer les blinis qui accompagneraient le saumon fumé – il se tenait toutefois prêt à en attraper un, si jamais il glissait à terre…

On réveillonna sagement tous les six, et Attila au bout d’un moment quitta ma chaise pour aller s’installer au coin de la cheminée, la truffe posée sur ses pattes. On monta se coucher peu après minuit, et Paul m’ôta la chemise de nuit que je venais d’enfiler :

« Je crois que tu as besoin de te détendre… »

Un instant, je crus qu’il me proposait un massage, mais ses doigts glissèrent rapidement vers des endroits beaucoup plus stratégiques que mes épaules ou mes reins.

Réfugiés sous la couverture – il faisait toujours un peu froid dans sa chambre malgré le chauffage – on se caressa longuement, en silence : Attila dormait au pied du lit, et les frères de Paul dans les chambres à côté de la nôtre. Paul m’avait allongée sur le dos et, couché près de moi, un bras passé sous ma nuque, il me caressait tout en m’embrassant. Ma main glissée entre nous, je le caressais comme je pouvais, la position n’étant pas des plus faciles. Puis il releva simplement un peu ma cuisse pour se glisser en moi, et je dus me mordre les lèvres pour ne pas gémir trop fort. C’était doux et fort à la fois, tendre mais si intense. Au bout de quelques minutes, je me tournai un peu pour me retrouver sur le côté, dos à lui, et Paul m’attira contre son torse, et sa main descendit le long de mon ventre, caressante, jusqu’à atteindre le pli entre mes cuisses serrées. Et même si je m’y attendais, je dus mordre ma main pour m’empêcher de faire du bruit, et m’accrochai aux draps, à l’oreiller, à tout ce que je trouvais, tandis que le plaisir montait en moi, si bon, si fort, je m’accrochais toujours au bord du matelas et pourtant je me sentis décoller. Je flottais, comme en-dehors de mon corps, le sang pulsait dans mes tempes, et je sentis Paul se contracter en moi, se tendre dans mon dos. Son souffle chaud dans mon oreille se coupa un subitement et ses bras se refermèrent plus fort autour de moi, au point de me sentir coupée en deux.

Nous sommes redescendus sur terre lentement, avant de sombrer dans le sommeil qui me cueillit apaisée, détendue.

Le lendemain matin, le petit-déjeuner fut animé par l’impatience de Guillaume, qui lorgnait sur les paquets au pied du sapin.

« Guillaume, ça suffit ! » gronda Alain au bout d’un moment. « Tu sais très bien qu’on attend Papy et Mamy pour ouvrir les cadeaux ! »

J’échangeai un regard avec Paul, avant de proposer à son frère de m’accompagner pour la promenade d’Attila.

« Quelle bonne idée ! » se réjouit Christine, qui nous poussa dehors après avoir fait enfiler à Guillaume des vêtements chauds, des gants et un bonnet. Paul resta aider sa mère en cuisine, et son frère et moi avons marché et couru une grosse heure sur une route déserte. Il ne faisait pas très froid, c’était agréable.

A notre retour, les parents d’Alain étaient arrivés, tout le monde nous attendait pour déballer les cadeaux. Si j’étais toujours un peu mélancolique à l’idée de ne pas être avec mes frères, le bonheur de Guillaume en découvrant son hamster valait tout l’or du monde.

« C’est le plus beau jour de ma vie ! » déclara-t-il, l’air extatique. Paul rit discrètement, et me glissa dans un murmure : « Jusqu’à l’année prochaine… »

Je comprenais mieux pourquoi on m’avait demandé d’envoyer Attila dans le jardin le temps de l’ouverture des paquets ! Guillaume, fier comme Artaban, faisait le tour du salon avec son hamster dans les mains, pour le montrer à tout le monde.

« Comment vas-tu l’appeler ? » lui demanda sa grand-mère.

« Attila !

_ Ce n’est pas possible, Guillaume. Il ne peut pas y avoir deux Attila. »

Dans un murmure, je suggérai « Spiderman » à Stanislas, qui me mit un coup de coude dans les côtes avant de poser le doigt devant ses lèvres. Lui avait compris la plaisanterie, mais Guillaume risquait de la prendre au premier degré… et si appeler son cochon d’Inde Batman à huit ans pouvait être mignon, vingt ans plus tard ça l’était moins…

Guillaume me regardait, suppliant, comme s’il espérait m’entendre dire que ça ne me dérangeait pas d’avoir un deuxième Attila. Je lui souris gentiment, et proposai qu’on prenne le temps d’y réfléchir calmement, après le repas, « parce qu’un nom c’est important, il faut être sûr d’en choisir un qui lui convienne bien ». Après un instant de réflexion, il finit par accepter ; il remit la bestiole dans sa cage, et me tendit un paquet : « C’est pour toi. C’est Stan et moi qui l’avons choisi ! » Surtout lui, si j’en croyais son sourire fier, et je défis précautionneusement le papier, pour découvrir un grand foulard multicolore, une sorte d’écharpe très fine dans un tissu tout plissé. Je l’entortillai tout de suite autour de mon cou, et les embrassai tous les deux.

Ce fut comme un signal, et en moins de cinq minutes le salon fut jonché de rubans froissés et de papiers déchirés, tandis que chacun s’extasiait sur ses cadeaux.
Paul m’avait offert un pendentif en ambre et argent, avec les boucles d’oreilles assorties. Un motif de feuilles, à la fois discret et fantaisie. Christine me tendit un paquet contenant un joli sac à main, une petite besace de cuir, au rabat couvert de badges et de motifs en appliqué, colorés, très graphique. Je le reconnus au premier coup d’œil : nous l’avions vu avec Paul dans une vitrine, il avait remarqué qu’il me plaisait.

« Tu essaies de la transformer en fille, Maman ? » se moqua Stan. Il est vrai que j’utilisais habituellement mon fidèle sac à dos, lorsque j’avais des choses à transporter, ou bien mes poches si je me contentais de mes clés, papiers et téléphone…

Paul avait reçu des livres, une écharpe et des choses pour son appartement (des plats pour le four, et un peu de vaisselle), Stan des DVD et un beau pull de laine. Leurs parents et grands-parents ont trouvé dans leurs paquets, qui du vin, qui des chocolats ou une bonne bouteille de Whisky…

Après le repas, Guillaume s’est approché de moi pour me demander : « Tu veux bien m’aider à trouver un nom pour mon hamster, maintenant ? »

Paul et Stanislas s’installèrent près de nous avec le jeu d’échecs, participant à la conversation sans en avoir l’air. Finalement, après de longues recherches et tractations, dictionnaire à l’appui, et l’élimination de nombreux noms jugés trop peu glorieux, Guillaume sortit le hamster de sa cage et refit le tour de la famille pour présenter à chacun… Gengis Khan. Le valeureux roi Mongol aux nombreuses conquêtes eut même droit de cité dans la chambre de Guillaume (contrairement à feu Batman), en raison de la présence d’Attila dans la maison. Mais Christine avait prévenu son fils : c’était seulement un essai, et s’il ne s’en occupait pas correctement, Gengis Khan déménagerait dans le couloir…

En fin d’après-midi, Paul m’accompagna lorsque je sortis Attila, et nous avons marché main dans la main en bavardant. Rassuré sur mon humeur, mon coup de blues était passé, Paul me dit : « Tu as vraiment le truc, avec Guillaume. Tu sais comment le prendre pour ne pas le braquer… Même nous parfois on a du mal, alors qu’avec toi, ça marche comme sur des roulettes, ça a l’air naturel… »

Je n’y avais jamais vraiment réfléchi jusque-là, mais subitement je pensai que c’était peut-être d’avoir été si longtemps écorchée vive, toujours sur la défensive, à penser qu’on voulait me contrarier dès qu’on me disait non… qui faisait que je comprenais si bien Guillaume ; il avait lui aussi souvent cette impression d’injustice quand on lui refusait quelque chose. C’était peut-être pour ça que je savais tourner les choses pour lui faire mieux accepter. Peut-être aussi étais-je plus patiente que sa famille, qui devait vivre depuis vingt-sept ans avec ses questions, ses réactions et ses caprices de petit garçon condamné à ne jamais grandir…

« Alors Moustique, c’était bien, le Noël chez Paul ? » me demanda Virgile le lendemain soir, lorsque nous sommes rentrés à Clermont-Ferrand, et que nous sommes arrivés chez lui pour manger, comme convenu. A ma grande surprise – je n’aurais pas pu le jurer quarante-huit heures plus tôt – ma réponse affirmative fut sincère. C’était différent, mais c’était un bon Noël.

Avec Virgile et Julia, nous avons dîné simplement. La grosse soirée aurait lieu pour la Saint Sylvestre, comme tous les ans : toute la bande se retrouvait pour le réveillon.

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