Chapitre 38

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Les journées s'organisèrent au rythme d’Attila et de nos visites matin et soir chez le vétérinaire. A chaque fois, il semblait légèrement revigoré par sa piqure, puis son état revenait au même, il redevenait ce chien apathique et manquant d’appétit que je ne reconnaissais pas. Paul travaillait bien sûr, et nous ne nous voyions pratiquement pas. Fidèle à sa promesse, il me laissait en tête à tête avec Til. Nous échangions quelques SMS, notamment le midi pendant sa pause-déjeuner, il passait un moment avec moi le soir en sortant du travail, mais le reste du temps je me consacrais entièrement à mon chien.

Le cinquième matin, le Dr Ducroc soupira en voyant Attila passer la porte de son cabinet.

« Louise… » On était devenus presque intimes, et il m’appelait par mon prénom, comme lorsque j’avais dix-sept ans. « Les résultats des examens d’hier ne sont pas meilleurs.

_ … Il ne va pas guérir, alors ? » Je me haïssais d’avoir cette voix de petite fille au bord des larmes, mordant l’intérieur de mes joues pour ne pas m’effondrer. Le hochement de tête négatif et silencieux du vétérinaire ne fit que confirmer ce que je savais déjà, au fond de moi. Je m’agenouillai pour caresser Attila, plonger mon regard dans ses yeux jaunes et mes doigts dans le poil bouffant de son cou. Le Dr Ducroc s’accroupit pour se mettre à notre hauteur.

« Est-ce qu’il faut le… » Je ne parvins même pas à prononcer le mot.

« Rien n’est obligatoire, Louise. C’est à vous de décider.

_ Il souffre, n’est-ce pas ?

_ Oui. Je peux lui donner des antidouleurs plus puissants, mais ça ne le guérira pas.

_ Combien de temps, encore ?

_ Quelques jours, tout au plus… » murmura-t-il.

Je me mordais les lèvres. « Et si on le… comment ça se passe ?

_ D’abord, j’anesthésie l’animal, et ensuite j’injecte le produit euthanasique. » m’expliqua-t-il, de façon très neutre, ajoutant que ce n’était pas douloureux pour l’animal.

Je regardai longtemps Attila, qui tremblait un peu et semblait lutter pour conserver sa position assise. Je pris une grande inspiration, puis levai le regard : « Alors il faut le faire. Je ne supporte pas de la voir souffrir pour rien, et s’affaiblir.

_ Bien. Dans ce cas… »

Le vétérinaire me fit signer tous les papiers nécessaires, et rédigea sa facture.

« Je sais que ça peut paraitre un peu cavalier, mais ce sera plus simple pour vous, après… »

Je le remerciai d’un sourire forcé, qu’il me retourna. Il rangea le chèque dans son tiroir, puis on aida Attila à monter sur la table d’examen. Je lui retirai sa laisse et son collier, et les tassai dans mon sac à dos, par-dessus le reste de mes affaires. Pendant ce temps, le docteur retirait le bandage qui protégeait le cathéter posé sur la patte de mon chien quelques jours plus tôt.

Je ne voulais pas voir ce qu’il faisait. Je rivais mon regard aux yeux de loup d’Attila, caressais son crâne, grattais la base de ses oreilles et sa gorge comme il aimait tant, et il se laissait faire en me regardant avec amour, grognant légèrement, son petit grognement de plaisir.

« Il va s’endormir, maintenant. » J’entendis la voix du Dr Ducroc, comme assourdie.

Attila ferma les yeux au son de sa berceuse, comme lorsqu’il était un chiot minuscule et qu’on était aussi terrorisé l’un que l’autre, le soir, dans l’appartement de ma mère et du minable qui dormait dans son lit. Ensuite, je continuai à le caresser en lui parlant.

« Je t’aime, Attila, merci pour tout ce que tu as fait pour moi… Je ne t’oublierai jamais, mon loup. »

Je l’embrassai entre les deux yeux, et je sentis tout son corps se contracter, puis il expira, et j’attendis en vain la prochaine inspiration.

« C’est fini, Louise… »

Un dernier baiser sur le crâne de mon chien. Je laissai courir ma main tout le long de son corps, jusqu’au bout de sa queue touffue, je n’avais plus que quelques poils entre mes doigts, puis le vide.

Je ramassai mon sac à dos, marmonnai au revoir, et je partis sans me retourner. Je traversai le hall d’accueil au pas de course, et me ruai dehors. Je comprenais, à présent, pourquoi on avait fait les papiers avant…

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