Chapitre 52

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Fin août 2017

Nicolas nous a ensuite raccompagnés chez nous, Meaza est restée chez eux puisqu’il faisait simplement l’aller-retour. Avant de repartir cependant, il m’a glissé :

« Lou, je voudrais te parler deux minutes, si tu veux bien ? »

J’étais un peu étonnée par la question, après tout ce n’est pas le temps qui nous avait manqué jusque-là dans la voiture… à moins qu’il veuille me parler loin des oreilles de Clément ?

« En fait… Tu sais, j’ai toujours imaginé que le jour de mon mariage, j’aurais deux témoins : toi et Virgile. Mais si je fais ça, Meaza... Elle ne connait personne à part toi, nous, quoi… Elle n’est pas assez proche de Julia… Elle va te demander si tu veux bien être son témoin. Et moi, je demanderai à Virgile. »

Mon frère semblait vraiment ennuyé à l’idée que je ne sois pas son témoin. Je l’ai serré dans mes bras. « On sera tous les deux vos témoins à Meaza et à toi, Nico. Peu importe ce qui est marqué sur le papier à la mairie, on s’en fout ! On sera vos témoins à tous les deux. »

Son sourire brouillé me prouvait à quel point il était touché par ce que je lui disais, et quant à moi je luttais pour ne pas laisser déborder mes yeux. La fatigue me rendait sentimentale… Mon frère m’a serrée encore fort dans ses bras en me disant qu’il m’aimait, puis il est reparti, Meaza l’attendait. J’ai fermé le portail derrière lui, et je suis remontée à la maison. Lenka ne quittait pas Clément d’une semelle alors qu’il ouvrait les fenêtres. Elle me regardait cependant, et au bout d’un moment se mit à faire des allers et retours entre nous deux, comme si elle hésitait. Je la pris dans mes bras pour la caresser, et elle posa sa tête et ses pattes sur mon épaule, se blottit contre moi et ne bougea plus.

Clément sourit en nous voyant : « Vous êtes mignonnes, toutes les deux, comme ça…

_ Ah bon, pas le reste du temps ? »

Il resta interdit, je n’étais pas du genre à quémander des compliments, puis éclata de rire en nous enlaçant toutes les deux.

« Mais si, vous êtes toujours mignonnes… »

J’ai reposé Lenka sur le plancher au bout d’un moment, et elle m’a suivie jusqu’à la buanderie au sous-sol, où j’ai vidé nos sacs à dos et rempli la machine à laver.

Le reste de l’après-midi fut consacré à décharger et développer mes photos. Je m’étais installée dans le canapé du salon, Clément à côté de moi triait le courrier reçu pendant notre absence et jetait de temps en temps un coup d’œil à ma tablette, donnant son avis sur les photos. Lenka était couchée sur ses genoux et refusait d’en bouger.

« On lui a vraiment manqué, je crois…

_ Oui, la pauvre, elle a dû se sentir abandonnée… »

C’est un sentiment que je connaissais bien…

« Et si on en prenait un deuxième ? Elle ne s’ennuierait plus quand on est pas là…

_ Ah non ! Un chien ça suffit !

_ Ok, ok… je disais ça comme ça… »

Un deuxième chien, et puis quoi encore ? Deux fois plus de poils sur le canapé, deux chiens à rechercher le jour où ils décident de se sauver, et Dieu sait que Lenka était la reine de l’évasion, deux fois plus de croquettes à transporter quand on part en randonnée, non merci…

Meaza m’a appelée quelques jours plus tard pour nous inviter à manger avec eux un soir, en même temps que Virgile et Julia. Avec les deux enfants et Lenka, on s’est retrouvés très serrés dans le petit appartement, ça m’a rappelé les rares fois où toute la bande s’était retrouvée chez moi pour un briefing avant une rando…

Entre le plat et le dessert, Nicolas et Meaza nous ont annoncé officiellement la date de leur mariage : quatre semaines plus tard, l’avant-dernier samedi de septembre, et ils nous ont demandé à Virgile et moi d’être leurs témoins. On a dit oui, évidemment, et Clément très pragmatique a demandé combien de personnes ils pensaient inviter, histoire de prévoir les tables et les chaises.

Julia, quant à elle, a parlé robe et bouquet pour Meaza, et on a convenu de se retrouver entre filles dès que possible pour faire les boutiques. Connaissant mes deux belles-sœurs, je m’attendais à devoir en freiner une qui voudrait faire dépenser à l’autre l’équivalent du PIB d’un pays africain pour une robe qu’elle ne porterait qu’un jour, et à pousser cette dernière à se marier dans autre chose qu’une jupe et un chemiser tirés de son armoire… ça promettait des moments épiques, cette virée shopping entre filles !

Le vendredi suivant, Clément a repris le chemin du collège pour sa première prérentrée dans cet établissement en tant que prof. Il est revenu en me disant « J’ai revu mon prof de maths ! Il enseigne toujours, il est plus de première fraicheur le pauvre… » Il se marrait en me disant ça. « Et il est toujours aussi ronchon ! »

Les premiers contacts avec ses collègues s’étaient bien passés, et il avait pu visiter le gymnase qui avait été refait à neuf quelques années plus tôt, ce n’était pas du luxe d’après ses souvenirs de collégien. Il était très content aussi du niveau d’équipement du gymnase et du terrain extérieur, filets, raquettes, balles diverses, tapis et agrès de gymnastique, matériel d’athlétisme, rien ne manquait et tout était en bon état.

Le lendemain, samedi, je l’ai laissé chez Virgile avec Nicolas : ils gardaient les enfants pendant que Julia, Meaza et moi allions passer un après-midi entre filles à faire les boutiques. On avait échappé à la journée complète, ouf ! Nico m’avait donné des consignes : le prix de la robe n’était pas un problème, il avait confié sa carte bleue à Meaza, mais j’étais priée de ne pas laisser Julia la pousser à acheter quelque chose qui ne lui plaise pas.

Pour commencer, Julia nous a emmenées dans une rue où je n’allais presque jamais, et où elle savait pouvoir trouver des boutiques spécialisées dans les robes de mariées. Dans la première, lorsqu’on a annoncé à la vendeuse la date du mariage, elle a ouvert des yeux grands comme des soucoupes, et clairement pensé qu’on était folles d’imaginer trouver une robe en si peu de temps. Elle n’a pas osé le dire, toutefois, mais j’ai bien compris le message. De toute façon, je voyais Meaza regarder avec circonspection les modèles présentés sur les mannequins. J’ai donc remercié poliment la vendeuse avant de sortir, entrainant Julia dans mon sillage ; Meaza était déjà presque dehors.

« C’est beaucoup trop cher, c’est seulement une robe ! » murmura-t-elle tout bas en se mordillant les lèvres. Je l’ai rassurée d’une pression sur le bras et d’un sourire complice, tout en surveillant Julia qui lorgnait déjà sur la vitrine suivante, où on pouvait admirer une superbe meringue froufroutante pleine de dentelle, de perles et de broderies.

« Julia, je crois qu’on va faire autrement. Meaza veut une robe beaucoup plus simple que ça, et en trois semaines elle ne pourra pas avoir du sur-mesure de toute façon. Direction la place de Jaude ! »

On a traversé tout le centre-ville, et on s’est baladées en faisant du lèche-vitrines. Jusqu’au moment où Meaza a ralenti le pas. Me retournant, je la trouvai plantée devant un mannequin habillé d’une robe toute simple, de couleur crème, avec des bretelles larges et une jupe patineuse. On est entrées dans la boutique et on a demandé directement à une vendeuse, qui nous a dirigées vers les cabines d’essayage et nous y a apporté la robe sur un cintre.

« Alors ? »

Julia s’impatientait, une vraie gamine. Elle ne tenait pas en place, et ce n’était même pas son mariage ! Meaza a finalement tiré le rideau, et Julia s’est immobilisée, sans un mot. Moi aussi je restai silencieuse.

« Oh, ce n’est pas bien ? Je croyais pourtant… » balbutia Meaza en faisant déjà demi-tour.

« Non, non, si, c’est bien ! Elle te va très bien ! Regarde-toi dans le miroir. Tourne, un peu… »

La robe tombait parfaitement, elle lui allait même mieux qu’au mannequin dans la vitrine ! C’était très simple, mais ça lui correspondait, et ça correspondait à leur mariage aussi.

« Tu as des chaussures blanches, pour mettre avec ? » demanda finalement Julia, une façon de dire qu’elle aimait aussi. « Et il faut te trouver un châle, ou alors une veste. Fin septembre il peut faire froid… »

A la fin de l’après-midi, nous sommes rentrées chez Virgile et Julia, victorieuses : Meaza avait sa robe, des ballerines assorties, et une petite veste qui irait très bien avec, mais qu’elle pourrait aussi porter tous les jours par la suite si elle voulait. Le tout, sans ruiner mon frère. Julia n’a même pas laissé les sacs toucher le sol, elle est allée suspendre la robe et la veste dans son placard, en interdisant à Nicolas de seulement essayer de les voir. J’étais chargée de vérifier avec lui sa tenue, histoire de ne pas faire de faute de goût. Pendant notre absence, et avant que les deux enfants ne se réveillent de leur sieste, les trois garçons avaient eu le temps de mettre au point quelques détails techniques concernant le repas qui aurait lieu chez nous. Ils avaient tout prévu, le repli à l’intérieur en cas de mauvais temps, la quantité de viande à acheter, le dessert à commander chez un pâtissier, et pour le reste on ferait des salades composées comme d’habitude lors des barbecues. Julia a proposé de décorer le jardin, de suspendre des lampions aux arbres et d’accrocher des rubans un peu partout. Clément était d’accord, à condition qu’on ne mette pas le feu à son verger, ni au chalet.

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