Chapitre 2: "Agathe"

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Je m'allongeai par terre, dans le couloir, m'arrêtai de bouger et, me mis à compter les secondes. Chacune d'entre elles avait une tonalité différente dans ma tête, une sonorité particulière qui n'appartenait qu'à elle.

D'abord, il y avait un. Un son unique pour l'unique seconde que ce nombre représentait. Puis il y avait deux. Deux comme eux, deux comme feu, deux comme dieu. Le deux était toujours rassurant, car il n'y a jamais deux sans trois. Lui, il était grand, massif, imposant, comme une énorme falaise à la paroie rugueuse. C'était une falaise si haute qu'elle permettait d'atteindre un quatre juste, clair et précis. Et enfin, venait le cinq. C'était une vieille femme extrêmement grande et mince, au dos courbé, aux cheveux tirés et aux longs doigts osseux.

Avec ses doigts, elle attrappait les enfants par les cheveux, et les gobait tous crus, avec pour seul assaisonement, leurs habits.

Je réouvris les yeux, regardai ma montre et ricannai doucement. Deux heures étaient passées pendant que j'avais compté mes cinq pauvres secondes à la noix.

Cinq.

La vieille femme me revint à l'esprit, provoquant un léger frisson dans ma nuque. Je posai mes mains par terre, à côté de moi, afin de me relever avec plus de facilité.

Mes pieds nus collaient au carrelage du couloir. J'entrai dans la cuisine. Il faisait sombre et dehors, les nuages cachaient le soleil.

J'allumai la lumière et l'automne vint s'écraser contre moi : le froid, l'ennui, la fatigue, le mauvais temps, les restes de plats réchauffés qu'on mange, seul à table, sans un bruit à part les craquements de la maison et le grésillement de l'ampoule qui diffuse sa fausse lumière.

Je m'assis à une chaise, posai mon menton sur la table et, fermai les yeux, encore une fois. Juste pour m'oublier, me fondre dans ce décor fade, lassant et répétitif, m'éterniser dans ce mois de novembre, pourtant déjà si long.

Bientôt, le bruit de la pluie, violente, contre la vitre fut rejoint par celui de la grêle, tombant avec fracas dans la gouttière.

Je pressai mes paupières encore plus fort, me mis à sangloter.

Soudain, le déluge cessa et les nuages se dégagèrent pour laisser passer un mince rayon de soleil, ne faisant qu'accroître le son de mes pleurs à mes oreilles.

Agathe, ma douce Agathe, comme je t'aimais.

La boîte à chaussure.

Je me levai d'un coup sec, renversant la chaise sur le sol, et me précipitai vers la porte de la chambre que j'ouvris le plus rapidement possible malgré la clef qui me glissait entre les mains.

La boîte n'avait pas bougé. Je fonçai dessus, retirai le couvercle sans douceur et restai figée de stupeur devant son contenu les yeux écarquillés.

Alors, tout doucement, je la pris dans mes bras, la berçai avec tendresse. Elle dormait si profondément que, ni l'une, ni l'autre ne nous étions entendues.

Elle avait la peau toute douce... Comme Agathe.

Je la rapprochai encore de moi pour pouvoir entendre battre son petit coeur en parfaite syncronisation avec la douce mélodie de sa respiration.

Mon regard se décrocha d'elle pour revenir sur la boîte.

Là, au fond, sur la couverture qui avait servi de petit lit douillet à mon trésor, restait un petit bout de papier.

Quatre petits mots de rien du tout mais, comme le nombre qu'ils étaient l'indiquait, quatre mots juste, clairs et précis.

Un petit "prends soin d'elle" suivi de sa signature, sa façon rien qu'à elle d'alligner les six lettres qui composaient son prénom : "Agathe".

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