À la porte du rêve

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Réponse au défi [ À votre porte se trouve... votre idéal ]

Je suis devant mon ordinateur, dans notre salon, sur notre canapé.
C'est la page blanche. J'ai envie d'écrire, mais je me perds dans mes pensées.
La fatigue m'empêche de me concentrer. Mes pensées ont plutôt tendance à me freiner depuis quelques temps, prises dans des vagues et des tourbillons, que je jugule de mon mieux.

Tiens, on toque à la porte d'entrée.
Je suis censée être seule aujourd'hui.

Un peu inquiète, je vais voir.

Mais...
_Mais... Mais, tu es moi ?
Enfin pas tout à fait.
Une femme se tient face à moi.
La trentaine, des cheveux châtains mi-longs lâchés formant de belles boucles, comme si elle sortait de chez le coiffeur, la femme me sourit avec indulgence. Elle est peut être un peu plus petite que moi, juste quelques centimètres. Elle a les traits du visage un peu plus fins que moi, mais c'est la même silhouette. Elle est élégante, bien habillée, sans paraître guindée. Elle dégage un grand calme, sans sévérité. Elle invite à la discussion, à la rencontre.
_Tu es moi, mais...
Quelque chose est différent, je ne trouve pas le mot.
_Salut, dit-elle simplement. Il fallait que je vienne te faire une petite visite... inattendue.
Bien sûr, "inattendue".

Je me dis qu'il y a quelque chose à saisir, alors je me... je la laisse entrer.

Milles questions me passent par la tête, le temps que je lui fasse passer notre sas d'entrée, puis que je l'installe dans notre canapé.
Sans y penser, je nous fais deux cappucinos.
Elle ne dit rien, sourit en laissant son regard aller sur les objets de la pièce. Livres, jeux vidéos, jouets pour enfant en bas âge, plaids, guitare.

Une fois face à elle, un premier mot me vient. Je sens que je rougis, ce qui n'est pas son cas. Elle reste patiente et calme, attend que ce soit le moment. Elle sait attendre et en même temps invite à l'échange. Que j'aimerais savoir être ainsi, en tout temps.
Je me lance.
_Comment...
_Question inutile, me coupe-t-elle gentiment. Je suis là, maintenant, c'est ce qui compte.
_Pourquoi...
_Parce que tu te sens seule encore trop souvent. Tu cherches quelque chose.
J'ai les larmes aux yeux instantanément.
Je ne dis plus rien, mes idées s'embrouillent.
Douce mais ferme, elle me guide.
_Que cherches-tu ?
_Je ne suis pas sûre...
Je n'ose pas dire encore ce que j'ai au fond de moi. Elle paraît si sûre d'elle.
_Si, nous sommes sûres.
Elle me fixe. Je me regarde.
_Toi... tu as pris les bonnes décisions, n'est-ce pas ? je demande.
Je ressens une pointe de jalousie, et beaucoup de tristesse.
_J'ai pris des décisions. Avec des répercutions agréables et désagréables.
Elle a raison, je me sens un peu bête.
_Tu parviens à prendre des décisions, et a les assumer. Oui, je vois. C'est ce qui me fait défaut parfois. Et concernant...
_Ça n'a jamais commencé. Ce que je sais, c'est comment moi je vais. Et comment va ma famille.
_Et comment vas-tu ? Comment as-tu géré les dernières années ?
_Il y a eu des périodes difficiles, mais j'ai su demander de l'aide à ceux qui m'aiment et veulent mon bonheur. Ça fonctionne.
_Ça va à la maison alors ?
_Oui, j'ai décidé de parler rapidement de ce qui me gênait, je continue à le faire avec bienveillance et la volonté d'avancer ensemble. La réaction positive ne s'est pas faite attendre.
_C'est super... Et au boulot ?
_J'ai mis les pieds dans le plats, l'ambiance n'est pas encore au beau fixe mais les choses sont dites et chacun doit maintenant prendre sa décision. J'ai envie de continuer à me former, alors je prends ce temps. Je m'investis dans tout ce dont je fais partie. Je m'y épanouis.
_Et avec notre entourage ? Les amis, la famille ?
_Je reste celle qui organise et qui écoute, souvent, sans forcer. Je m'y sens bien, ça me satisfait.
_Et... tu es heureuse ?
_Ce n'est pas lisse, la vie n'est pas lisse. Mais la plupart du temps, oui. Je fais ce qu'il faut.
_Tu fais ce qu'il faut oui...
_Tu n'as pas compris.
_Comment ça ?
_Je fais ce qu'il faut pour être heureuse.
_Et ça t'a réussi. Tu as la vie idéale... selon moi. Les réactions idéales. La place idéale. Tu ne te trompes pas. Avec le retour idéal : le bonheur.
_Oui.
Je reçois cette réponse comme une sentence.

_Mais... tu as conscience que je n'existe pas ?
_Quoi ?
_Tu ne sais pas ce qui se cache dans le coeur et la vie de chacun. Personne n'a jamais les réactions, ne prend les décisions idéales dans sa vie. C'est OK de se tromper. Ça te rend... toi-même.
_Super...
_Tu dois me laisser partir.
_Mais ça me rend si triste...
_Alors tends à me ressembler. Et sache que je suis indulgente avec moi-même. Garde tes objectifs, tes envies, ne les oublie pas. Cherche, tu trouveras.
_Je vais te chercher.
_Non, ça ne peut pas être moi. C'est trop tard, ce moi-là, ton idéal d'aujourd'hui, il doit partir. Tu dois chercher autre chose. D'ailleurs, quelqu'un vient te chercher.

Notre chat me saute sur les genoux.
J'émerge de mon rêve, les yeux humides.

Ce moi idéal est parti.
Je dois en faire mon deuil.
Et tendre vers un autre moi idéal, qui trouvera ce qu'elle cherche : juste un peu de bonheur.

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