2.1. Voyages d'Arthus Valcor : Introduction en Grégorie.
Journal de voyage d'Arthus Valcor, jour 19 du mois d'Hendecabre.
Quel étrange sentiment que celui qui m’habite ce soir. Entre la fébrilité et la peur, une excitation presque enfantine m’empêche de trouver le sommeil. Dans quelques heures, mes compagnons et moi traverserons la frontière de la Grégorie, ce continent tant redouté et pourtant si énigmatique. L’idée même que je suis à l’aube de percer les mystères d’une terre que personne – ou presque – n’a foulée depuis des siècles est à la fois exaltante et terrifiante.
Cela fait maintenant quinze ans que j’ai quitté Epeïros pour parcourir le monde. J’ai découvert les terres fertiles et brûlantes d’Egladregor, traversé les régions glaciales de l’Alpade, et navigué sur les fleuves tumultueux de l’Adagon. Chaque expédition m’a changé, chaque région m’a enrichi. Mais parmi toutes mes aventures, la Grégorie se tient à part : un défi ultime, l’ultime page blanche d’Unigaea.
Le danger est partout dans ces terres hostiles, où les créatures semblent avoir pris plaisir à défier les lois mêmes de la nature. On raconte que les plus puissantes d’entre elles contrôlent le climat, provoquant des tempêtes et des pluies de feu comme d’autres respirent. Aucun explorateur n’est revenu pour confirmer ces histoires, mais je ne peux m’empêcher de les trouver plausibles. Si les légendes se révèlent vraies, les menaces qui nous attendent surpassent tout ce que j’ai vu ou imaginé.
Ces dernières années, j’ai tout fait pour préparer cette expédition. J’ai appris des meilleurs artisans comment renforcer mes armes et mon équipement contre les températures extrêmes et les impacts puissants. J’ai recruté une équipe de compagnons aussi intrépides que compétents :
- Roldan, un vétéran des expéditions alpadiennes, expert en survie dans les environnements hostiles.
- Neria, une herboriste et guérisseuse renommée, capable de trouver des remèdes même dans les milieux les plus arides.
- Kaël, un cartographe de génie, dont la précision des relevés a permis à de nombreux explorateurs de revenir vivants.
- Thryss, notre Sirénien. Sa capacité à manipuler l’eau, ses capacités amphibies et sa vision perçante seront des atouts majeurs. Sa présence intrigue autant qu’elle rassure : C’est la première fois qu’un Sirénien quitte ses îles pour une expédition terrestre aussi dangereuse.
De retour en Egladregor pour débuter cette ultime aventure, j’ai trouvé chez mes vieux amis Dragoviens un accueil chaleureux et une aide précieuse. Ces guerriers d’honneur, dont j’avais gagné le respect lors de mes précédentes explorations, m’ont escorté avec générosité à travers leur continent jusqu’aux confins de la Grégorie. Ce soir, deux d’entre eux ont choisi de m’accompagner :
- Drelag, un chasseur accompli, dont les cornes marquées racontent une vie de combats glorieux.
- Morna, une jeune Dragovienne à l’esprit vif et curieux, avide de prouver sa valeur.
Avec eux, je sais que notre groupe bénéficie non seulement d’une force redoutable, mais aussi d’une connaissance instinctive de la survie.
Nous campons au pied des grandes plaines de Nedasregor, sous la bienveillance majestueuse d’un groupe de Denadorns. Ces colosses paisibles broutent les hautes branches des gigantesques Néalitis sans prêter attention à notre petit campement, mais leur présence rassure. Ils incarnent l’équilibre d’Egladregor : massifs, inébranlables, mais dociles, pourvu qu’on respecte leur espace.
Je me suis aventuré seul quelques instants pour écrire ces mots, à l’écart de la chaleur du feu de camp. Le ciel d’Egladregor est dégagé ce soir, constellé de lumières scintillantes. Je me surprends à penser que cette clarté pourrait bien être la dernière que je vois avant des semaines, voire des mois.
Demain, nous pénétrerons dans un territoire où les Dieux eux-mêmes semblent hésiter à s’aventurer. Les légendes décrivent des créatures gigantesques, capables de marcher parmi les tempêtes qu’elles engendrent, et des forêts qui semblent changer de forme pour piéger les intrus. Nos préparations suffiront-elles ?
Je ne suis pas naïf. Je sais que cette expédition est probablement la plus périlleuse de ma vie. Mais quelque chose en moi refuse de renoncer. Peut-être est-ce ma curiosité insatiable, ou cette quête d’immortalité que seule la découverte peut offrir. Ou peut-être est-ce l’envie de laisser une trace indélébile dans les récits du monde, de prouver que même la Grégorie peut être explorée.
Ce soir, je fais un vœu silencieux sous les étoiles : que les esprits des anciens explorateurs me guident, que les Dieux détournent leurs regards de notre petite équipe, et que nous puissions revenir, vivants et enrichis, avec des histoires que personne d’autre n’aura jamais entendues.
À demain, Grégorie.
Annotations