2.4. Voyages d'Arthus Valcor : Le Fijakmat.

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Journal de voyage d'Arthus Valcor, jour 24 du mois d'Hendecabre.

La chance, si tant est qu’elle existe en Grégorie, semblait enfin sourire à notre petite équipe aujourd’hui. Après deux jours à traverser des terrains accidentés, nous sommes tombés sur un bosquet à proximité d’un point d’eau, une rareté dans ce désert de dangers. Les arbres, bien que tordus et malingres, formaient un abri naturel contre le soleil implacable.

Kaël, toujours méthodique, s’est immédiatement mis à cartographier le site, tandis que Roldan et Drelag exploraient les environs pour s’assurer qu’il n’y avait pas de menace immédiate. Neria, quant à elle, a collecté des échantillons de plantes qu’elle examinait avec une fascination presque enfantine.

Thryss a utilisé ses talents pour purifier l’eau du point d’eau avant que nous ne remplissions nos gourdes. Son contrôle sur l’eau reste un spectacle fascinant, même après l’avoir vu faire un nombre incalculable de fois. Il se plaît à expliquer le fonctionnement de sa vision, bien que ses termes techniques nous échappent souvent.

Morna a pris en charge la préparation d’un camp sommaire. Sous la direction vigilante de Drelag, elle a construit des structures rudimentaires pour signaler le campement à tout intrus potentiel. Chez les Dragoviens, les jeunes comme Morna apprennent à transformer chaque instant en une opportunité d’apprentissage ou de démonstration de valeur.

Après avoir mangé, nous nous sommes réunis pour un débriefing autour d’un petit feu. Kaël a étalé ses relevés, notant les anomalies du terrain et les dangers rencontrés. La Grégorie, si hostile, commence à se dessiner sous nos yeux. Nous avons collectivement décidé de poursuivre notre route vers l’ouest à l’aube, avec l’espoir de découvrir des zones plus hospitalières.

La nuit tombe rapidement, plus dense qu’en Egladregor. Même les étoiles semblent étouffées par l’atmosphère du continent.

Drelag, toujours en éveil, a insisté pour que nous établissions une rotation pour monter la garde. Il a pris le premier tour, assis à l’écart, son imposante silhouette se découpant dans la lueur de la lune.

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C’est à la troisième rotation, alors que Roldan assurait la surveillance, que l’horreur a frappé.

Un cri strident a déchiré l’air, si puissant et soudain que je me suis réveillé en sursaut, désorienté et une douleur aiguë dans mon crâne. Mes oreilles sifflent, mon corps ne répond plus. Simultanément, un flash lumineux aveuglant a jailli de l’obscurité, rendant toute visibilité impossible. Mes yeux brûlent et la même image, floue, reste figée sur ma rétine. J’ai la tête qui tourne.

La créature avait surgi du sous-bois. Aveuglés et étourdis, nous n’avions aucun moyen de coordonner une défense efficace. Le monstre a bondi sur Kaël avec une vitesse déconcertante pour ses courtes pattes. Il a tenté de la repousser avec son arme, mais la mâchoire de la créature s’est refermée violemment sur son bras, déchirant chair et muscle dans une gerbe de sang.

Roldan, Drelag et Morna ont récupéré et réagi avec une rapidité stupéfiante, chargeant la créature et projetant un souffle de feu sur ses flancs. Le monstre a lâché prise, poussant un cri de rage mêlé de douleur avant de battre en retraite vers les ténèbres.

J’ai pu l’observer un instant : une masse grotesque à la peau luisante et tendue. Sa tête, énorme et bulbeuse, semblait pulser, et sa mâchoire disproportionnée claquait dans un bruit sourd.

Morna s’est précipitée pour aider Kaël, qui se tenait le bras en gémissant. Neria, réveillée et horrifiée, s’est élancée à son chevet. Ses compétences d’herboriste furent mises à rude épreuve alors qu’elle tentait de stopper l’hémorragie et de prévenir une infection.

Lorsque l’adrénaline est retombée, nous avons réalisé à quel point la situation était grave. Le bras de Kaël était inutilisable pour le moment, et sa douleur, bien qu’atténuée par les cataplasmes de Neria, restait évidente.

Nous avons passé le reste de la nuit sur le qui-vive, les armes à portée de main. Le sommeil ne revint pour aucun de nous.

On en a appris plus sur cette chose : le Fijakmat, signifiant « Crieur Aveuglant » en langue dragovienne. C’est une aberration, une créature grotesque dont les capacités défient tout ce que j’ai pu observer en années d’exploration. Son cri et son flash lumineux sont des armes terrifiantes, des outils de chasse parfaitement adaptés à un environnement où la confusion est souvent fatale.

Kaël est un survivant, mais cette blessure va ralentir notre progression et augmenter les risques à venir. Cette nuit, je m’interroge sur la sagesse de cette expédition. Nous sommes entrés en Grégorie en quête de connaissance, mais à quel prix ?

Demain, nous poursuivrons vers l’ouest. Peut-être y trouverons-nous des réponses. Ou d’autres cauchemars.

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