Celles qui chassent.

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Je me nomme Patrick, j’habite à Marseille et je suis policier.

Avec mes collègues Samah et Éric, souvent nous patrouillons de nuit. Pour nous accompagner mon courageux chien, un berger allemand pure race que j’ai nommé Obscur.

Nous allons dans les quartiers nord de la ville, trafic de drogue et parfois meurtre dans des guerres de gangs rivaux. Cela étant dit, il est rare que ce genre de chose se passe sous nos yeux.

Nous sommes dans le 14e arrondissement et plus précisément à Sainte-Marthe, tous semblent tranquilles. Soudain, des coups de feu venant de derrière un immeuble non loin de la gare, nous accourons ; arrivés sur place il n’y avait personne.

Tout ce qu'il y a c'est un sachet de drogue que mon chien a reniflé au sol et quelques douilles de munitions.

La semaine suivante des signalements de personne disparue, toutes sont du 14e arrondissement.

Il est probable que ce soit un règlement de compte. Mon équipe n'est pas dans l'investigation. Alors on reprend nos habitudes.

Dans le 15e arrondissement cette fois, j'espère que l’on n’aura pas, encore, un malade qui tire au mortier d'artifice comme le mois dernier.

C'était Rue de la Lagarde, depuis un immeuble vers l'un des étages les plus hauts.

Nous y voilà, j'y jet un oeil inquiet a l'exacte fenêtre d'où venais le tir, je vois quelqu’un qui crie depuis une des fenêtres.

- Aidez-moi !

Il hurle et disparait, comme s’il était tombé au sol.

Nous montons précipitamment, les armes sorties. Prêt à ouvrir le feu sur le moindre suspect, chaque porte qui s'ouvre est un potentiel danger.

Nous entendons un étrange tir, une sorte de sifflement aigu. Ce n'est pas un feu d'artifice ça, c'est plus puissant. Une arme de guerre surement.

Des gens dans le couloir nous observent. Samah la plus autoritaire et nerveuse de nous leur ordonne de rester à l’abri. Elle leur hurle dessus à plusieurs reprises.

- Restez chez vous ! C'est la police !

Elle a un coffre d'enfer à n'en pas douter, ça, plus son agressivité les gens obéissent sans discuter.

On arrive devant la porte d’entrée de l’appartement qui est littéralement sortie avec ses gonds.

Nous entrons avec prudence et observons chaque recoin des pièces.

RAS, Éric m’interpelle.

- Patrick, regarde-moi ces marques.

Sur le sol et les murs, les traces d'une lutte sont présentes, ce qui nous interroge c'est leurs natures étranges, des griffes ou des coups de lame et une brulure d'une origine inconnue.

Il n'y a aucun témoin visuel, par contre ils ont entendu une voix désincarnée parler en plus des bruits de meubles qui tombent, la lutte était violente selon leurs dires. Pourtant il n'y a même pas de trace de sang.

Le plus mystérieux, c'est comment ont-ils fait pour nous éviter ?

On aurait dû les croiser et les collèges en bas venu en renfort n'ont rien vu. C'est exactement le genre de truc qui m'agace, les zones d'ombres, voilà pourquoi je préfère faire des choses simples, comme patrouiller avec mon chien Obscur.

Me voilà de nouveau dans le 14e, on arrive dans le regroupement résidentiel les Aygalades.

La nuit promet déjà une certaine animation ; garées devant l'ancien espace jeune délabrer, en plein milieu des immeubles à la vue de tous, d'étranges camionnettes noires entouraient d’hommes qui déchargeaient des marchandises à la va-vite.

L’un d’eux nous voit, il ouvre le feu ! Des trafiquants! On se met à couvert derrière l’angle d’un immeuble à portée raisonnable de leurs tirs.

Puis on entend un étrange son, une sorte de détonation perçante, un homme crie alors.

- Se sont-elles ! Fuyez !

Éric appelle des renforts.

Une camionnette démarre et se dirige vers notre position, ont pointes nos armes sur cette dernière puis un flash bleu et lumineux s’abat sur lui suivi du sifflement. Le véhicule s’arrête, l’homme qui le conduit semble paniqué ; il sort du véhicule et se fait abattre par la lumière.

Je vois d’où cela vient.

- Les tirs viennent du toit de l’immeuble d’en face.

Alors Éric demande.

- Centrale qui est sur zone ?

La centrale répond.

- Personne pour l’instant, les renforts arrivent bientôt.

Un homme sort à son tour et court vers nous les mains en l’air.

- Je me rends !

Il est plutôt grand, muscler, de peau noire comme moi à ceci près qu’il a le crâne entièrement rasé. En bref, un personnage bien bâti qui me ressemble, ce qui rend la scène d'autant plus perturbante.

Des coups de feu retentissent derrière lui, des cris et des injures. Les trafiquants se font harceler et rendent la pareille tout en restant derrière leurs camionnettes pour éviter d’être en ligne de mire du tireur et de nous, coincer entre deux feux depuis leurs véhicules.

Samah dit à l’homme

- Halte !

Il hurle en continuant

- Je n’ai pas d’arme ! Je n’ai pas d’arme, laissez-moi me cacher !

Il se jette au sol à plat ventre.

Un tir lui passe juste au-dessus, il se met à couvert en rampant.

On l’attrape, il s'agrippe de toutes ses forces et nous le traînons jusqu'à notre abri.

Samah lui passe les menottes.

- Qui peut bien faire chialer un grand gaillard comme toi, hein ?

Il répond en pleurant.

- Les Chasseuses !

Je demande tout en gardant un œil sur la fusillade.

- Qui sont-elles et pourquoi vous en avez si peur ?

- Vous devriez le savoir ! C’est vous qui avez envoyé ces montres !

Il y a de la sueur qui coule sur son front comme s’il était sous la pluie.

- Mais on ne vous a rien envoyé.

Samah semble avoir un déclic comme moi

- C'est peut-être elle, l’ombre bleutée, celle qui a sauvé l’enfant de l’incendie.

L’homme sursaute presque à chaque tir. Pourtant il reste concentré malgré son envie de se carapater, épatant.

-Elle ne fait pas que sauver, elle a tué certains des nôtres, nos boss, nos contacts, elle…

Ses dents claquent, sa mâchoire tremble.

- Purge Marseille ! Si on a du sang sur nos mains, elles nous tuent. Et elle ; cette femme ! Elle connaît presque tout de nous ! Et moi je suis le dernier chef, elle veut ma peau !

Il se met à genou et supplie les mains jointes.

-Par pitié, enfermez-moi ! J’avouerai tout s'il le faut !

Samah lui demande.

-Alors pourquoi vous êtes en vie ?

- C'est simple, elle aucune preuve de mon meurtre...

Il met sa main sur la bouche.

- Je l’ai dit, oh non…

On entend un souffle, des pas, celui d’un animal.

En se retournant, on la voit, la louve aux regards bleu acier, les crocs sortis.

- Elle m’a entendu ! Elle m’a entendu ! Elle a la vérité ! Elle a la vérité ! La louve m’a entendue ! La maitresse au grand sourire va me tuer !

Il se débat, prend les jambes à son cou et court à découvert.

- Halte ! Arrête le Obscur !

Il refuse, il a peur de cette louve imposante.

Un rire se fait entendre, il vient de cette dernière ? Un tir bleu provint du toit, qui fait fondre la jambe de l’homme qui tombe à terre. Atroce, il souffre le martyre.

Je pointe l’arme sur la bête qui semble me sourire, d’un battement cils elle n’est plus dans ma ligne de mire, j’entends un craquement

- Oh putain !

Samah tremble et point du doigt ce qu’elle voit

- Elle la tuée !

Je regarde dans la même direction, une tête roule sur le sol ; une... tête? Elle le décapite avec sa mâchoire ?! Mais qu'est-ce que? Du sang ? Oui c'est le sang qui coule de sa gueule !

Ce n’est pas une louve, c'est un démon des enfers, un cerbère qui chasse les âmes et s'en délecte. Mais que fait-elle ? Elle prend le bras du cadavre et le traine comme si c'était un vulgaire bout de bois ! Elle passe à vive allure non loin des autres qui commencent à invoquer Dieu ; le bras s'arrache, la chienne l'emporte avec en disparaissant dans un buisson.

La femme du toit rit, on l’entend distinctement.

- Pauvre âme, il a avoué son crime. Son silence lui aurait permis de vivre. Désormais la nuit, il n'aura plus peur. Quant à vous autres, j'ai vu vos crimes et je sens votre noirceur. Malfrats, assassins. Je suis votre fin.

Éric sollicite encore nos collègues

- Centrale, bordel que faites-vous !? Dépêchez-vous, on a une psychopathe qui va tuer tout le monde !

Les sirènes sont proches, mais se rire horrible et les pleures des hommes sont plus fort.

- La chasse est ouverte. Ma louve et moi connaissons toute la vérité. Il est totalement inutile de la nier. Messieurs, votre temps est écoulé. Comme punition, je viens réclamer votre sang. Tel un fleuve à nouveau il doit s’écouler. Tel est mon impitoyable jugement.

Un tir provient d’elle ; l’une des camionnettes et criblée de part en part, le métal est en fusion puis quelqu'un s'exclame.

- Il n’a plus de tête !

Cette exclamation est suivie de multiples sanglots et cette fois, c'est leurs mères qu'ils appellent. Il faut que les renforts le sachent.

- Attention, l’individu sur le toit à une arme anti-véhicule. Restez très prudents.

Les hommes sortent de leur cachette et se font canarder, certains semblent couvrir la retraite de leur camarade en tirant sur leur agresseur, un geste d'ultime désespoir.

Éric rapporte ce qu'il voit ; les renforts entourent la zone. Nous, on se lance à la poursuite de l'un des fuyards .

Des collègues arrivent sur les lieux.

- Ils sont tous morts près des camionnettes. C'est un carnage, où est le tireur ?

Éric leur répond.

- Il y a en d’autres en fuite, dont le tireur et sa chienne qui les suivent.

On entend un collègue qui crie dans notre radio.

- Oh ! Que ? C’était quoi ça ?! Une tête ! C’est la tête d’un homme !!! Oh, mais ce n'est pas vrais ! D’où elle vient ?!

Puis ce rire noir et malfaisant qui crépite dans notre fréquence.

- Il en reste deux, ils sont frères jumeaux et vont se rejoindre, car ils sont liés par leur naissance. Mais la mort va les séparer, ainsi s’achèveront leurs existences. La haine alimente leur vie, c’est leur essence. Malheureux, ce qui va les détruire, c'est moi la vengeance. Miséreux qui ne font plus que nuire, des âmes sans aucune défense. À leurs anciens souvenirs, ils ont oublié leur enfance. Il est vain de les laisser mûrir et de donner une nouvelle chance.

L'individu nous a semées juste avant le tunnel qui passe sous l'avenue du soleil, mais il a suffi de l'emprunter et au détour d'un virage pour le retrouver dans une étroite traverser dite "du cimetière" pour le voir en compagnie d'une personne.

- Arrêtez-vous ! Police !

On leur crie. Ils tirent sur nous, on se met à couvert derrière l'angle du virage, une sorte de petit un muret qui retient la terre, la seule protection disponible.

Mon chien a de nouveau peur. Il renifle, queue et oreilles baissées, un mauvais présage. Soudain plus d’éclairage.

- Non ! Pitié !

Un tir, on entend des pas rapides qui viennent vers nous, l’un d’eux a survécu, il hurle à pleins poumons, Samah l’intercepte.

- Arrête-toi !

Il arrête sa course, mais pas à cause de l’ordre ; dans son cœur il y a une lame noire, son regard d’incompréhension et de surprise est flagrant. Ses yeux s'écarquillent pour se perdre lentement dans le néant , ils nous offrent une fenêtre sur son âme qui part.

Nous faisons face à cet évènement où nous ne sommes que des spectateurs impuissants, la lame qui ressort, il tombe à genou. Derrière lui se trouve cet impitoyable être noir aux lumières bleutées armées d’un katana. Elle décapite sa proie froidement. Nous sommes horrifiés, tant de brutalité contre une personne désarmée.

Samah reprend son calme.

- Posez votre arme !

Et l'être sombre répond.

- C’est votre façon à vous de remercier celle qui vous a sauvée de leurs tirs? Ainsi soit-il alors. Je n’en attendais pas moins des forces de l’ordre. Cependant …»

Elle fait quelques pas en arrière, sa chienne la rejoint, puis elles nous tournent le dos

- vous n’avez pas suffisamment de force pour que vos ordres aient la moindre emprise sur moi.

Samah hurle.

- Un pas de plus et je tir !

Elle le fait et Samah tire, ce dernier ricoche sur l’épaule de l’Ombre. Elle s’arrête, tourne sa tête comme pour se moquer une dernière fois de notre impuissance. Un sentiment déplaisant que je connais que trop bien.

- Vous êtes-vous aussi sans aucune défense.

Elle s’éteint complètement dans la nuit, lumière bleue par lumière bleue, pas à pas elles ne sont plus là.

L'éclairage se remet en fonctionnement, révélant la noirceur des atrocités commises.

Les corps brulés et transpercés jonchent les environs, l’odeur du sang et de la chair brulée a imprégné l’air ainsi que notre mémoire.

Une semaine s'écoule, durant cette dernière plus de la moitié des disparus ont été retrouvés, tous ont des liens plus ou moins directs avec la drogue. Certains vivants, d’autres morts. Un traumatisme pour les policiers qui auront vu sur le parking des corps sans âme avec cette fois la tête sur les épaules.

Il y avait marqué en gros sur notre parking en noir les mots « Dormez et rêvez. »

Rêvez ? J’entends encore son poème mortuaire. Sa voix qui me susurre les mots encore et encore.

Vous êtes sans défense. Un sourire qui se sent dans sa voix. Vous êtes sans défense. Riante. Je suis perturbé, mon âme cherche le sens de ses mots. Je les trouve et je comprends.

C'est une vérité dure à accepter, celle qui peut nous faire prendre des décisions comme se suicider ou quitter son travail. Moi j'ai encore de la volonté de me battre pour protéger les citoyens. Car être sans défense ne signifie pas avoir aucun contrôle sur les choses.

Des réseaux entiers sont détruits, je suis tenté de dire tant mieux, mais peut-on vraiment accepter cette pseudo-justicière ? Elle tue sans le moindre remords et en pleine rue, ignore la justice, celle du tribunal, celle de la république que je défends.

Même mon chien en a peur, cette raison à elle seule me suffit pour me convaincre de la dangerosité de cet individu.

Cette terreur palpable chez certains témoins ou plutôt ses anciens prisonniers. On sent l’emprise funeste qu’elle eut. Ils osent à peine la mentionner, ils regardent par-dessus leurs épaules comme si elle allait surgir derrière eux.

On peut les comprendre, vu ce qu’elle peut vous infliger.

Nous avons peu de craintes, Marseille n’est plus pareille maintenant. Il y a moins de trafiquants certes, mais plus de chagrin, plus de méfiance et surtout une ombre ainsi que sa louve qui chassent des tueurs.

Son terrain favori, l’obscurité.

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