L’Anarchie et la sombre réalité.

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Ce que je suis est simple à comprendre, une militante anarchiste de vingt-huit ans, d’origine franco-allemande, ayant fait un cursus science politique.

Mon avis sur ce monde l’est tout autant, un simple constat pragmatique. Il est gangréné par la hiérarchie, l’ordre et les lois imposées qui viennent de tout en haut, alors il faut semer le chaos, brûler les symboles du capitalisme.

Qu’ils comprennent que l’on ne veut plus de leur loi et de leur ordre construits contre la volonté du peuple et pour l'assujettir. Personne ne soit au-dessus d'autres, c’est le cœur de mon combat.

Semer le chaos, pour un nouvel ordre plus juste.

À Paris ou à Berlin, parmi les blacks blocs, je suis là, montré notre volonté et affronter cet ordre que je hais au plus profond de mon âme.

Pour qu’enfin une vraie démocratie soit promulguée. En-tout-cas, c’est ce que je souhaite.

Un soir à Paris, après une manifestation, je me suis changé en tenue ordinaire, je fais mine de juste traîner dans la rue. Soudainement, je me sens comme happé par une force et endormi.

Maintenant, je me réveille dans une salle obscure avec pour lumière une lampe. J’essaie de me lever, mais je suis attaché à une chaise. Cela n’augure rien de bon.

Devant moi, se trouve quelqu’un de caché dans l’ombre.

- Qui êtes-vous ?! Que me voulez-vous ?!

- Vous êtes l’anarchiste Amber Engel n’est-ce pas ?

La voix appartient à une femme ; elle semble me connaître, je suis sûrement fiché sur leurs listes.

- Qui vous envoie ?!

Elle rit, simplement à cette question.

- Personne.

Elle se dévoile de par sa lumière azur, souriante et moqueuse, elle s’avance. L’Ombre bleutée, j’ai toujours cru que c’était qu’une invention, mais elle est bien réelle.

- Quant à ce que je veux, c’est la vérité.

- Vous n’avez pas le droit de…

Elle me saisit avec force et rapidité. Ensuite, elle me dit avec autorité.

- Vous n’avez aucun droit ici, autre que ceux que je vous accorde. Pas de question futile, pas de mensonge.

Elle lâche son étreinte, je respire. Nul doute je la déteste.

- Alors ? Cela vous fait quoi d’être votre tour une victime de violence ? Cela fait mal ?

- Nos actes sont justifiés.

Elle me gifle.

- Les miennes aussi, Engel. Alors ça fait quoi ?

Je comprends, cette femme est une extrémiste, son regard est imprégné d’une folie que j’ai déjà vue, elle ira très loin si je ne lui donne pas ce qu’elle veut. Cet implacable regarde le dit clairement.

- Mal.

- Bien.

Son visage s’approche du mien.

- Avez-vous peur ?

J’acquiesce, elle me détache aussitôt. J’essaie de m’enfuir, mais la porte est verrouillée.

- Naïve, comme je l’étais.

- Nous n’avons rien en commun, Ombre bleutée.

Elle louvoie vers moi, infâme prédatrice rieuse.

- Vraiment ? Nous usons pourtant de violence toutes les deux. Nous voulons aussi autre chose que ce système qui vieillit.

- Attendez, vous êtes anarchiste ?

- Pas de question futile.

Il faut que je sache.

- Je veux la vérité, moi aussi.

Elle continue son approche lente.

- Vous voulez la vérité ? Si vous la connaissiez, vous ne seriez pas ici ou alors…

Cette femme est malade, constamment en train de ricaner, ou alors c’est sa manière de me narguer.

- c’est que vous êtes encore naïve.

- Je ne le suis pas.

- Si, vous l’êtes. Question, pourquoi voulez-vous renverser le système ?

- Car il est corrompu, il ne représente pas le peuple, tout lui est imposé et son bonheur est ignoré. Et là elle rit, aux éclats cette fois.

- Pauvre sotte, pauvre enfant ! Elle ne sait pas !

- Je ne comprends pas ce que vous me voulez.

Subitement, elle s’approche et plaque ses deux mains contre la porte avec fracas à gauche et à droite de ma tête, ça résonne fort et cette pression me met mal alaise.

- Voilà une autre vérité, vous ne comprenez rien. Le système représente tout à fait le peuple.

- Faux, nous avons…

Elle me coupe et avec un peu plus d'animosité elle hausse le ton.

- Choisis ces gens. Des êtres corrompus, qui sont prêts à tous pour de l’argent. Qui impose leur vision de la vie à autrui au détriment du bonheur des autres.

- Je ne vois pas…

Elle hurle avec rage.

- Tu ne vois rien !

Une gifle, encore.

- Pauvre sotte. N’avez-vous jamais eu un de vos proches, victimes d’une arnaque ? N’avez-vous jamais eux des gens malveillants vous imposant une façon de vivre par leurs jugements incessants ? N’avez-vous jamais vécu une trahison ?

- Non…

- Moi oui. Je les ai vus comme je vous vois. Des gens pourris, corrompus jusqu’au plus profond de leurs âmes, des égoïstes et des tyrans de la plus basse couche sociale jusqu'à la plus haute. Alors, se poser la question, pourquoi avons-nous de tels dirigeants, est ridicule. Car ce sont nos représentants et ils le font très bien.

J’allai sortir des contre-arguments, celui qu'ils ont manipulé et bien d’autres, mais je réalise que son résonnement est réaliste.

Non, je refuse d’y croire.

- Les gens ne sont pas comme ça.

- Ah bon ? Vous allez me dire, je suppose, qu’on les a rendus comme ça ?

Apaisée pour je ne sais quelle raison ; ses yeux safre, imprégnés de compassion, trouvent une réponse.

- Optimiste.

Sa main se colle contre ma bouche. Un tissu ?

- Vous allez dormir et réalisez que cette triste réalité est vraie, en tant spectatrice et surtout actrice.

Je me réveille dans ma chambre, en France. C’était un rêve ? Bon… Je vais boire un chocolat chaud devant ma télévision.

J’allume et… elle se bloque sur une chaîne étrange. Un homme qui pleure, consolé par sa femme qui semble déprimer. Apparemment, son fils s’est suicidé. Mais c’est quelle chaîne d’ailleurs ?

Des mots apparaissent, mais qu’est-ce que…

- Un policier, qui n’a fait que son devoir.

Je ne comprends pas ce qui se passe, la télé change brusquement de canal, comme ça sans raison. Le lendemain, je reçois une lettre venue par erreur, une liquidation judiciaire d’un café parisien, le lendemain encore une autre, celui d’un licenciement. Ma radio qui émet des dialogues privés, ma boite mail et mon téléphone portable qui ne cessent eux aussi de me faire part de sordides histoires.

Là où je pose mes yeux, il y a toujours ces flux incessants de misères qui viennent.

Sans arrêt, encore et encore. Finalement, ce n’était pas un rêve et j’ai sûrement sur le dos l'Ombre bleutée qui va me harceler.

Puis à la fin du mois, le silence, que je romps en participants à une manifestation, une fois achevé, là encore, je réussis à m’enfuir indemne. En pleine nuit, je cours pour me cacher, mais une personne m’interpelle, vociférant des choses incompressibles.

C’est une femme, marquer par une rage et habitée par un désir de violence qui se traduit par un visage crispé et les dents bien visibles.

Elle est armée d’une matraque ! craque ?! Elle m'a brisée la jambe ! Je hurle comme je n’ai jamais hurlé ma détresse, suppliante mon agresseuse, rampante au sol avec la souffrance qui se propage avec l’angoisse.

Je crois que mon heure est arrivée, elle est happée soudainement dans les ténèbres qui s’imposent et je m’évanouis.

Me voilà de retour dans cette salle. Je suis allongé sur un lit, étrange, pas de douleur, je me relève sans mal.

J’entends encore son rire et je vois son sourire. Cela me met hors de moi, mais je dois rester digne, ne pas montrer ma colère face à elle, qui sûrement s’en délecte.

- Vous. Vous êtes l’origine de cette farce.

- Une farce ?

Dit-elle penchant la tête d'un côté toute en la faisant reposer sur son index. Puis, elle se remet sa tête droite et laisse le doigt en suspens.

- Oh, je vois. Votre aveuglement vous fait penser que je suis l’instigatrice de cette interpellation musclée.

- Bien sûr que c’est vous.

Une certaine tristesse se dévoile quand elle hausse un peu plus son menton, j’ai comme le sentiment qu’elle me cache quelque chose.

- Aux risques de vous décevoir, je n’y avais même pas songé. Si je voulais vous briser, je l’aurais fait moi-même. D’ailleurs, votre jambe se porte-t-elle mieux ?

J’acquiesce, je peux la bouger sans problème.

- Ce coup, il était mérité.

- Non, il ne l’était pas.

- Cette femme.

Elle me tend une lettre comme si cela explique tout.

- Elle a tout perdu à cause de vous.

Je l’ouvre et je ne comprends toujours pas.

- Encore une liquidation judiciaire.

- Lisez-les toutes.

De ce que je vois, ce sont des comptes dans le négatif, personnels même pas ceux de l’emprise.

- Elle doit avoir le même âge que moi, je ne suis pas inquiète quant à son avenir, nul doute qu’elle s’en sortira.

Un seul coup, d’une violence inouïe, qu’elle m’inflige en plein dans mon ventre, je suis à terre, plier en deux

- Cette fois si, je peux frapper avec ma force véritable.

- Pourquoi…?

Je suis saisi au cou puis, elle me fracasse contre le mur avec une incroyable violence, j’ai l’impression d’être brisée, l'irradiante douleur me paralyse.

- Parce que vous le méritez. Parce que tout ce que vous avez fait, c’est de mettre à terre des tas de gens.

- Non, ce n’est pas vrai ! Et pourquoi s’acharner sur moi ?!

Elle rit comme si c'était une évidence.

- Parce que mes yeux sont tombés sur vous Engel. Une jeune femme intelligente qui se bat avec un bandeau sur les yeux ne peut qu’attirait mon attention.

Mensonge.

- Je ne suis pas la seule.

- En effet, mais vous êtes la seule à me ressembler.

Encore cette histoire de ressemblance

- Nous n’avons rien en commun, Ombre Bleutée !

- Oui, vous êtes différente. Mais pour porter vos convictions, pour vous protéger, vous vous cachez avec un masque. Car au fond, vous savez que ce que vous faites est punissable, abject, égoïste.

- C’est faux ! Je ne suis pas égoïste !

Elle sert encore plus son étreinte.

- Vous l’êtes. Je me vois en vous comme je me vois dans un miroir.

Elle me jette au sol, je roule plusieurs fois avant de pouvoir me relever.

- Engel, ce qu’il vous faut, ce sont mes yeux.

Un flash, puis des mots et des images flottent dans mon champ de vision. L’ombre bleutée, les bras ouverts me dit d'une voix presque exaltée.

- Je vous prête ma technologie. Partout où ma quête m’a menée, vous pourrez y découvrir d’innombrables vérités.

J’ai des sensations étranges et deux mots résonnent « réveille-toi. » J’expire à pleins poumons, je suis dans mon lit, seul. J’observe autour de moi, il n'y a rien d’anormal. Sauf ma jambe cassée qui est recouverte d’une étrange texture blanche et fibreuse, l’autre aussi, mon ventre, mon buste, mon corps tout entier est caché en dessous.

Cette consistance, la même que celle de l’ombre.

Je me rends compte que c’est à cause de fameuse armure, que ce rêve était un lien qu’elle a créé entre nous par ce biais.

Désormais j’appréhende mieux la peine et la souffrance que j’ai infligée, j’ai voulu la vérité et elle m’a frappé avec toute sa brutalité. Mais avec beaucoup moins de force que la violence des fautes que j’ai commises. Tous ces gens dont j’ai plus ou moins rendu la vie difficile sous prétexte que d’autres souffraient.

Quelle idiote !

Mon cœur ne peut le supporter, cette violence qui me saute dans les yeux dans tous ses aspects.

Cela me hante, à un tel point que je me mutile par culpabilité, j’écorche mes bras avec mes onglets jusqu’au sang. Rongé par cette dernière malgré la protection de l’armure, cette douleur, je la ressens dans mon cœur, mes convictions, c’était pour leur bien, j’y ai cru, maintenant, je ne sais plus. La journée puis la semaine passent sans fermer l’œil, cela me dévore. Je me sens sale, mes nombreuses douches ne suffisent pas à me nettoyer.

Il ne me reste qu’un souhait, celui de mon enfance, la paix pour moi, pour nous tous. Je dois dormir, la nuit porte conseil.

Tien donc me voilà de nouveaux dans un rêve extralucide. Je ressens sa sombre présence, je me retourne, la revoilà entourée d’un brouillard noir.

- Pauvre enfant de l’humanité, votre âme est balafrée par tes péchés.

Et je réalise une chose.

- Si je suis comme vous, alors vous l’êtes tout autant.

Un rire, celui de la souffrance qui se cache.

- En effet, vous avez compris, maintenant. Que comptez-vous faire ?

Dois-je faire un choix ? Va-t-elle me juger encore ? Quoiqu’il arrive, ce que je souhaite est le plus important, alors je lui dis.

- Je veux la paix, je ne veux plus blesser et pour ça, j’abandonne toutes mes convictions, toutes mes certitudes, je ne veux pas finir comme vous.

- Un ange.

Dit-elle avec l'espoir dans sa voix

- Je sens en vous une volonté d’acier, vous y arriverez, à ne pas être comme moi, un démon, alors vous serez un ange.

Alors je suis touché par ce qui semble être la grâce divine qui se manifeste par une douce lumière dorée ; sauf, là où il a l’ombre, toujours dans ce brouillard noir.

- Que se passe-t-il ?

- Tu as fait un choix, et ton cœur semble trouver la paix. Comme moi, tu t’es fait violence pendant tout ce temps. Abandonner la conviction que la fin justifie les moyens t’a libéré.

Elle est plus familière, pour autant, j’ai l’impression qu’un fossé se creuse entre nous.

- Ombre bleutée, alors pourquoi utilises-tu la violence, avec ce que tu me montres avec tes yeux, cela n’a aucun sens.

Elle fait un pas dans la lumière, elle pose sa main sur mon épaule et la remonte vers mon cou, puis mon menton.

- Ce qui justifie les moyens, ce sont les personnes en face de nous, et devant moi, j’avais une personne qui n’a pas connu la douleur.

Des images de morts me viennent à l’esprit, des gens qu’elle a tués. C’est affreux, comment peut-on faire toutes ces choses ?

Non, garde la tête froide, les images sont fortes, mais mon esprit doit rester éclairé par mon souhait.

- Et pour les autres ?

- Les autres, depuis leur prison, ils continuent leurs méfaits, ils ne cherchent pas la rédemption, alors la mort est la seule solution.

- Tu es pire que moi. Je ne comprends pas pourquoi tu m’as fait dévier vers une trajectoire opposée à la tienne. Tu sembles convaincue de ce que tu dis et fais.

- La raison est simple, je suis un démon. Je reflète ce qu’il y a de pire en nous tous. Tu es fait de colère ? Je serai alors la colère. Tu te réjouis de la mort d’autrui ? Je serai cette dernière. Tu as vu mon pouvoir d’investigation, ma patience. Quand je prends ce masque, quels que soient mes actes, ils ont justifié par la vérité.

Je comprends, mais cette vision des choses, je n’en veux plus dans mon cœur. Je me réveille et ce dernier est plus léger.

J’ai toujours cette armure et mon lien avec l’ombre semble toujours présent. Je ne la revois plus en rêve, cependant, nous continuons par message à entretenir cette relation étrange ; l’ange et le démon. Notre partage est basé sur le désir profond de connaître la vérité.

Je suis Amber Engel, l’Ange de paix. Mon âme a été sauvée par celle qui ne peut trouver la sérénité. Alors mon devoir est de tout faire pour que le monde le soit. Ainsi, elle pourra enfin dormir et faire de paisibles rêves.

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