Blindée jusqu’à l’os.

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Mon père est un trafiquant d’armes russe. J’ai envie de dire que c’est presque normal, mais c’est quelque chose dont je veux m’éloigner au maximum.

D’ailleurs depuis la mort de ma mère, il est distant. Très distant. Heureusement que j’ai vingt-quatre ans et que j’ai un métier légal, musicien. Plus précisément, guitariste dans un groupe de rock.

Mon paternel m’exaspère, il ne vient même pas à mes concerts tout ça parce qu’il voulait pour moi autre chose. Genre, être l'héritier de son organisation. Bien sûr, c’est hors de question pour moi.

Aujourd’hui, il devait être là, mais non. Il n’est pas venu, les jours suivants du festival non plus. Certes, cela ne me démoralise pas pour chanter sauf que cette fois, il avait promis de s’intéresser à autre chose qu’au business. Et dire qu’avant nous étions communistes. Enfin bon, c’est le passer.

Quand mon groupe a fait son dernier passage, je décide de rentrer directement. Je n’y crois pas, je gâche mon temps à essayer de lui faire lever ses yeux de ses foutues armes.

Me voilà devant notre manoir. Rien de notable, c’est un bien immobilier moderne à l’apparence sobre, construite pour y vivre et y survivre. Des vitres blindées et des caméras de surveillance. Ainsi qu’un bunker sous-terrain dans la cave avec des portes blindées, et la cave elle-même a une porte blindée et les deux-pièces le sont elles aussi. Tout est putain de blindé, même le portail d’entrée. Plus parano, tu meurs.

Je hais cette résidence, le reflet de l’angoisse de mon père.

À ma grande surprise, je pose à peine les pieds sur le sol en sortant de mon 4x4 que mon père m’accueille.

- Ivan, il faut rentrer immédiatement.

- Et sinon, bonjour ?

Je constate que deux de ses hommes l’escortent armés jusqu'aux dents. Je regarde autour de moi et il y a en vraiment beaucoup. D’habitude, ils ne sont que six, là, c’est comme s’il avait appelé tout le monde.

- Je te laisse trois jours, tous juste, et voilà que tu sombres de nouveau dans le trip du chef parano.

Il est stressé et tape du pied. Je décide de rentrer alors pour le rassurer puis je vais dans le salon. Il est Grand, spacieux, blanc immaculé avec un lustre en cristal.

Tout ce que je déteste.

- Tu sais, père, l’homme qui a commandité le meurtre de maman, tu la tuer lui et le réseau. Il est inutile que tu aies autant de sécurité.

- Tu comprendras quand toi aussi, tu seras dans les affaires.

J’ai bien entendu ?

- Je croyais que c’était clair ? Je ne reprendrai pas les affaires. Tu as oublié ta promesse ?

- J’y ai pensé mûrement et j’en suis arrivée à cette conclusion, il faut que tu deviennes le nouveau chef de mon organisation.

Sérieusement ?! Il revient sur ce sujet. Misère de misère !

- Et ce n’est pas négociable.

- Ok et comme je te l’avais promis, je pars définitivement, puisque l’envie de m’imposer ce choix te reprend.

À ce moment, une lumière bleue frôle ma joue suivie d'un sifflement et d'un bruit de verre brisé ; au loin, un coup de tonnerre retentit. C'est seulement après tout cela que l'alarme s'enclenche, je me retourne et un des hommes est à terre, la tête explosée.

- Ivan ne reste pas debout, elle nous cible !

Il renverse la table du salon pour nous couvrir. À peine cacher qu’un second tire traverse la vitre blindée, puis la table, puis le mûr derrière et dans la trajectoire un autre garde. Je saisis tout juste la dangerosité de ce qui nous cible que plusieurs de nos hommes surgissent de toute la maison et nous escorte jusqu’à la cave. Pour chaque vitre qui éclate, c’est une vie qui se brise.

Arrivée à la cave, nous fermons la porte puis nous en éloignons. On entend plusieurs tirs et crie, un garde sort du bunker, paniqué et essoufflé.

- Monsieur, il faut rentrer dans le bunker maintenant !

Je le rassure.

- La porte blindée est fermée, ils…

Il hurle.

- Son mort ! Et elle a une arme lourde qui peut détruire les portes blindées ! Alors, rentrons maintenant !

La porte avec fracas se fait transpercer. Certains restent pour l'arrêté, d’autres nous suivent. La porte est lourde, pire que celle d’un coffre-fort en termes d’épaisseur. Une fois fermé, personne ne passera. Rien n’est plus inviolable que cette porte. Je soupire de soulagement une fois verrouillé.

- Nous voilà en sécurité.

- Non mon fils, cela ne fait que commencer. Si seulement tu n’étais pas venue.

Et j’ai compris pourquoi il s'était comporté comme ça à mon arrivée. Il voulait vraiment que je parte.

- Tu attendais quelqu’un, père ?!

- Oui, une chose qui ne s'arrêtera jamais avant de m'avoir tué.

Il m’invite à le suivre dans le poste de surveillance, là où toutes les caméras sont reliées. Quel spectacle horrifique, le blanc pur du sol est souillés par le sang de nos hommes, les impacts de balles ruinent l’intérieur de la maison, il n’en restera plus grand-chose si des tirs traversent encore tous les murs. Et cette chose en noir. Elle regarde fixement la caméra de la cave avec ses yeux bleus. Souriante, elle demande.

- Me voyez-vous Vladislav Medvedev ?

Mon père lui répond.

- Oui, je vous vois.

Elle semble satisfaite, nous regardant fixement comme si elle pouvait vraiment nous voir.

- Fort bien, pouvez-vous me laisser entrer ?

Il tape des poings sur la console et avec rage.

- Pas question ! Je ne perdrais pas mon fils en plus de ma femme !

- Votre fils, ne devait-il pas être à son festival ?

Un clignement de yeux plus tard, elle décide de s’éloigner un peu de la caméra de quelques pas

- Ouvrez-la et je le laisserai sortir pour qu’il puisse aller loin de tout ça.

- Vous ne rentrerez pas.

C’est petite bourgeoise sadique ricane, la main sur son buste.

- Vous croyez sincèrement que cette porte va vous sauver ?

- On sera prêt à votre arrivée.

Sa voix austère monte d'un ton, cette fois, elle prend une attitude guerrière, les poings serrés.

- Ni le temps ni vos hommes ne pourraient vous extirper de cette situation. Quand j’entrerai, je vais vous abattre comme des chiens qui ont la rage. Vladislav Medvedev, je vous ai prévenu une fois, assumez vos actes.

Alors mon père ordonne.

- Déployez-vous, elle arrive.

Il me regarde ensuite, l'air inquiet, mais il semble ressentir une immense joie.

- J’ai vu ton concert à la télé, c’était vraiment de la bonne musique. Malheureusement, j’ai un rendez-vous avec la mort.

En réalité, c'est de la fierté pour moi son fils ; il me pousse, sort de la pièce et la verrouille de l’extérieur.

- Papa ! Ouvre la porte.

J’entends sa voix, la caméra du couloir.

- J’ai programmé une minuterie, dans une heure fils, tu pourras l’ouvrir, en attendant reste sagement dans le poste. Par pitié, ne regarde pas les caméras. Oh et une dernière chose. Ne t’arrête jamais de jouer de la musique.

- Papa ! Papa ! Ouvre cette satanée porte et revient !

- Pauvre enfant…

Cette fausse compassion de notre assaillante m'énerve et je lui hurle dessus.

- Qui êtes-vous ?!

Armée d’un fusil inconnu et massif expirant de la vapeur, au seuil de notre porte elle me répond.

- L’Ombre Bleutée et je viens réclamer vengeance.

Son arme tire une sorte de vaisseaux lumineux. Un laser qui découpe très lentement la porte. Depuis l’intérieur, on peut voir le métal fondre. La coupe est plus grande qu’un homme en taille, impossible à bouger normalement. Surtout que le morceau n’a pas de pleins pieds et va jusqu’au plafond qui de base est à deux mettre de nos têtes.

Elle enfonce ses malfaisantes mains dans le métal pour pousser. Deux de nos hommes le font pour l'empêcher de nous atteindre. C'est à ce moment qu'elle recule pour ensuite charger, elle saute contre la haute de la porte, touchant presque le plafond. Le morceau tombe sur nos hommes et la voilà.

La poussière n’est même pas retombée qu’elle tire sur tout ce qui se trouve dans la pièce. Les balles rebondissent sur la porte, mais elle ne semble même pas toucher. Son arme est si puissante qu’elle perfore nos murs en béton. Ceux qui se planquent derrière dans des pièces annexes risquent de se prendre une balle perdue malgré les vingt centimètres de matériaux.

Les têtes explosent une par une. Mon père se replie dans la salle d’armes. Entre temps, d’autres hommes tombent.

Il ferme la porte beaucoup moins blindée que la précédente. Elle se trouve devant, elle prend son temps pour analyser la situation. Un de nos hommes vient seul, il a miraculeusement échappé au massacre hors du bunker avec un marteau de chantier, sûrement celui de l’aile ouest, il descend discrètement. Il arrive derrière l’Ombre, j’espère qu’elle va crever.

Cette idiote toc à la porte tout en disant.

- Ouvrez-moi, on a beaucoup de choses à se dire.

Notre héros arrive pour lui fracasser le crâne ; d’une main, elle arrête la masse, sans tourner la tête ni bouger le reste du corps. Inconcevable ! À ce stade, c’est plus que de l’instinct ! Sans même être perturbé, la chose se retourne et dit.

- Soleil.

Elle enfonce le canon de son arme et ouvre le feu, le corps du héros implose, de lui, il ne reste que deux bras maintenus à la masse.

- Pas besoin de ça.

Le marteau est jeté contre un mur avec une force inhumaine, complètement incrusté dedans. Elle pose son arme puis frappe de ses poings l'accès, comme deux massues, elle déforme le métal, cette puissance fait vibrer la porte. Elle réussit à faire un trou et écarte le fin blindage avec ses affreuses mains.

- Toc toc, me voilà.

Ce n’est que sa tête qui passe pour l’instant, c’est déjà trop, tout le monde alors fait parler les armes. Elle prend son temps, vraiment tout son temps, pour se faufiler dans le trou, les balles ricochent et blesse nos hommes. Il y en a un qui prend un lance-roquettes. mais, qu’est-ce qu'il fiche fou ?! Il tire malgré l’interdiction de mon père ! L’explosion fait sauter des munitions. Pourvu que cette fois, elle soit morte.

La fumée se dissipe, l’ombre se tient debout au centre de la pièce.

- Oh, que c’est ironique, ce lieu cause votre perte Vladislav Medvedev.

Mon père est sur le dos blessé au bras à cause d’un fragment. Un garde se relève ; il est décapité par un Katana noir.

- Je vous l’avais dit que ce lieu ne vous protégerait pas.

Mon père gémit de douleur, stupéfait tous comme je le suis.

- Comment avez-vous pu survivre à ça ?

- Et vous, comment avez-vous pu continuer à vendre des armes illégalement alors que votre femme a payé le prix fort à votre place ?

Mon père est en colère, c’est toujours ce qui se passe quand quelqu’un aborde le sujet.

- Comment osez-vous parler d’elle !?

Il tire avec son arme de poing, chaque balle cette fois la touche, mais elle ne tressaille même pas ! Le chargeur est vide, L'Ombre bleutée juge mon père, je le vois dans son regard, le mépris est palpable.

- La vérité fait mal. Marchand de morts, vous vendez des armes à d’autres mafias et à des terroristes, tout en éliminant tous ceux qui oseraient vous arrêtez, innocent compris. À quoi vous attendiez-vous au juste ? À survivre ?

Il lui crache à la figure, elle reste de marbre.

- Bien, ainsi soit-il, une dernière volonté ?

- épargnez mon fils, il est innocent.

- Ça, je le sais. vous pouvez dormir et rêver, il sera épargné.

Mon père à terre se fait trancher la gorge, elle le regarde se vider de son sang, je lui hurle de le sauver, mais toujours elle reste immobile et imperturbable. Ainsi, il est mort. L’ombre décide de sortir de notre manoir. Des robots à forme humaine l’aident à emporter toutes les armes, même celles détruites. Je ne savais même pas que ces choses étaient au point, voilà qui va rendre certains métiers inutiles.

Il leur en fallut du temps, suffisamment pour que ma porte s’ouvre. Il ne reste plus que la masse comme arme valide. Je la retire avec beaucoup de mal, mais j’y arrive. Je retourne au poste de surveillance, elle revient et se dirige vers le bunker, sûrement pour me tuer. J’attends derrière la porte et je vais la surprendre.

Elle a un battement vers l’intérieur, je me cache là. Ma cible l’ouvre, elle s’avance de quelques pas et j’attaque, je vais pour frapper à l’horizontale sa colonne vertébrale, mais elle attrape le poids, encore !

- 1.

Sérieusement ?

- 2.

Je fais quoi maintenant ?

- 3.

Je cours vers la sortie !

- soleil ! Vous avez bougé.

Un ton enjoué qui traduit sa folie, je tremble avec ma masse face à cette meurtrière.

- Si vous avancez, je vous frappe au visage.

Elle rétorque sur un ton encore plus caustique.

- Vous n’avez ni la force ni le poids pour me faire peur, petit rockeur.

Les sombres machines accourent et pointent les armes qu’ils volaient contre moi. D’un geste, elle leur ordonne de les baisser.

- J’allai voir si vous aviez besoin d’aide pour enterrer tous ces gens, mais vu que vous êtes mal léché comme un ours, je vais les emporter et les incinérer.

- Je vous l’interdis !

- C'est comme vous voulez. Mais imaginons que des gens viennent ici et qu’ils découvrent la scène, ils vous poseront des questions indirectes sur moi, par conséquent, vous vous mettrez en très grand danger.

- Alors, tuez-moi maintenant que l’on en finit !

Je lève le marteau, cette fois, je l’aurai ou je mourrai ! Le poids tombe, le manche est coupé, le katana noir dégainé, je n’ai absolument rien vu. Elle le range dans le fourreau avec un calme troublant. Je viens de l'agresser quand même, pour la seconde fois.

- Je n’ai aucune raison valable pour vous tuer, Ivan Medvedev. Ne m’en donnez pas une en voulant vous faire assassin.

Elle se moque encore de moi ?

- Vous me demandez de vous laisser partir sans rien faire !?

- Exactement.

D’un autre geste, elles montrent à ses subalternes les cadavres, qu’ils ramassent aussitôt.

- Je vais appeler la police !

- Ah ah ! Mais Faite donc, histoire que je rigole un bon coup en vous observant expliquez ce qu’il y avait dans le bunker. N’oublions pas aussi votre complicité pour avoir caché aux autorités le business de votre père. Ils vont vous prendre pour un fou ou un menteur. Peut-être même les deux.

Elle a raison.

- Vous ne pouvez rien à faire, à part me subir.

L’une des machines emporte mon père.

- Laissez-moi au moins mon père !

- Non. Mais rassurez-vous, je vous enverrai ses cendres.

Elle me tourne le dos, je lui saisis l’épaule.

- J’ai dit que je…

Avec la force d'une tempête, elle me fait une clé de bras, aucune résistance possible. Mon souffle est coupé devant une telle célérité.

- Vous n’avez aucun mot à dire qui pourrait me convaincre de changer d’avis. Je vais partir et vous, vous garderez tout ceci secret, sinon votre carrière de rock star risque de finir prématurément. D’ailleurs, ne cherchez pas à vous venger de moi.

- Qu’a fait mon père pour vous avoir mise en colère.

Elle me lâche, mon membre me fait mal au niveau de l'articulation, alors j’essaie en le bougeant de faire passer la douleur.

- Vous voulez vraiment le savoir ?

J’acquiesce.

- Bien, pour faire court votre père a tout simplement vendu des armes dans mon pays. Elles ont permises de tuer des innocents. Je l’ai donc contacté pour qu’il cesse ses activités, il a refusé, j’ai tué ses hommes qui étaient sur place, je l’ai rappelé, il a refusé et j’ai donc décidé de le tuer.

- Mon père n’est pas responsable de ce que font les gens de ses armes.

- Bien sûr que si, puisqu’il était au courant que ces gens étaient des trafiquants de drogues et d’organes. Enfin bref, passons, j’ai énormément de choses à faire.

Cette fois, si je la laisse partir, non sans regarder ce qu’elle fait. Dehors, dans des camionnettes noires sans marque de fabrique, ils entassent les corps comme si c'étaient des sacs de pommes de terre. Celles des armes sont déjà parties.

Elle observe la scène, assise sur les marches, jusqu’à ce que tout soit prêt, puis embarque. Je reste à mon tour assis sur ses mêmes marches, seul dans mes pensées, j’essaie vainement de me réveiller de ce cauchemar.

Au loin, j’ai cru voir une forme noire, une sorte de triangle ou d’avion.

Tout est saccagé, entaché de sang, il va me falloir des jours pour tous nettoyer, j’ai voulu regarder les enregistrements des caméras de surveillance, mais elles n’existent plus. Alors c'était pour les vidéos et non pour ma tête qu'elle était venu dans la salle de contrôle, elle a importé les disques durs qui les contenaient et laissés uniquement des machines vides de mémoire.

Ces lieux ne sont plus que des ruines et des souvenirs douloureux. Une raison de plus de détester cette maison. Pour sûr, je vais la brûler.

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