Trouver une échappatoire

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 — Dites, on peut pas ralentir un peu ?

 — Non, Cléo, il faut qu’on rejoigne les autres.

 — Mais je crois que j’ai une pointe !

 Agatha roula des yeux. Leur ami momie ne comprenait pas la situation, pas plus que Jonah. Ils n’avaient pas pris le temps de leur expliquer, car il n’y avait pas une seconde à perdre. D’autant que leurs doutes tendaient à se confirmer.

 — L’odeur persiste, souligna Romulus. Elle nous suit, j’en suis sûr !

 — Qui ça, elle ?

 Jonah tourna la tête. Il ne voyait personne, mais ses camarades les avaient entrainés par la partie boisée du parc, remplie de végétations. Buissons, arbres et même gros rochers étaient autant de cachettes que la vampire pouvait très bien mettre à profit pour rester discrète jusqu’au dernier moment.

 — Les voilà ! lança Agatha avec soulagement lorsqu’apparut le vieux saule. Juliette, Lisa ! On doit partir !

 — Déjà ? Mais on a fait qu’une partie…

 — On vous expliquera en chemin !

 La gorgone et le tableau partagèrent un regard interrogateur. Comme Romulus et Agatha leur faisaient signe de se presser, Juliette attrapa le cadre de son amie et le disposa dans une brouette. Elle entreprit de pousser l’engin, bientôt escortée par leurs camarades, en direction d’une sortie du parc.

 — Alors, c’est quoi, le souci ?

 — Il y a une vampire qui nous suit, annonça Romulus de but en blanc.

 — Une vampire ? La maman de Jérémy ?

 — Non, c’est pas elle. J’l’ai jamais vue, celle-là.

 Comme Cléo, Jonah et Juliette paraissaient plus surpris qu’effrayés, ils ne purent s’empêcher de regarder derrière eux. Au moment où ils passaient le portail du parc, la dame en robe noire s’extirpait de la végétation. Sous son ombrelle, elle avançait d’un pas rapide, droit sur eux.

 — Qu’est-ce qu’elle nous veut ? demanda Cléo.

 — Je préfèrerais ne pas le savoir, répondit sèchement Romulus.

 Jonah, Lisa et Juliette déglutirent. Eux, ils avaient deviné. De nombreuses rumeurs couraient sur la famille de Jérémy. Le père de Romulus avait déjà tenté plusieurs fois de mettre le Comte Carotide sous les barreaux. Mais le noble vampire réussissait toujours à prouver son innocence ou, à défaut, le manque de preuves. Seulement, personne n’ignorait le mystère principal autour de leur illustre famille, à savoir comment ils se procuraient le sang dont ils se nourrissaient. Les explications étaient absentes. Les rumeurs, elles, ne manquaient pas.

 D’un même mouvement, les enfants décidèrent de rejoindre l’avenue principale d’Halloween, à savoir la rue Stevenson. La rue était remplie de boutiques populaires et de nombreux passants y déambulaient sans arrêt. Jonah se retourna pour la troisième fois pour constater que leur poursuivante était toujours à leurs trousses, même si elle gardait encore ses distances.

 — Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ?

 — On va se séparer, proposa Agatha. Toi, Cléo et Rom’, vous allez à la Mine au Sucre, chez ton oncle, et nous, on va à la boutique de ma maman.

 — Pour quoi faire ?

 — On va brouiller les pistes, elle ne peut pas suivre les deux groupes, et on va tous se réfugier auprès d’un adulte.

 Ils approuvèrent d’un signe de tête et, au signal de la sorcière, ils se séparèrent. Les filles traversèrent la route, après s’être assurée qu’aucun centaure ne passait à ce moment-là, et se retrouvèrent sur l’autre trottoir. D’un geste de main discret, Juliette souleva son bonnet, laissant ses serpents observer ce qu’il se passait derrière elles. Leur sifflement de fureur n’était pas de bon augure. Non seulement, c’était sur elles que la vampire avait jeté son dévolu, mais en plus celle-ci se rapprochait de plus en plus.

 — Dépêchons-nous ! les encouragea Agatha, qui commençait à avoir des sueurs froides.

 Cependant, une mauvaise surprise les attendait. Lorsqu’elles arrivèrent à la pharmacie de sa maman, la petite sorcière fut rappelée à la réalité par un panneau « Fermé » posé sur la porte. Aujourd’hui, sa mère livrait des potions à la Clinique du Sacré-Sortilège. La petite sorcière ne put se retenir.

 — Saperlipopette !

 — Qu’est-ce qu’on fait, qu’est-ce qu’on fait ? s’écria Juliette en tournant la tête de droite à gauche à la recherche d’une alternative.

 — Prenez la ruelle ! s’exclama Lisa en pointant la petite voie adjacente à la pharmacie.

 Agatha voulut répondre que ça ne servait à rien, que celle-ci était un cul-de-sac où sa maman déposait ses poubelles, mais c’était trop tard. Aussitôt l’idée émise que Juliette avait poussé la brouette de Lisa dans cette direction. Ne pouvant abandonner ses amies, la détective en devenir les suivit, la boule au ventre, la baguette en main.

 La sombre allée avait une forte odeur d’eau de javel et de désinfectant. Deux poubelles attendaient impatiemment qu’on les embarque, débordant de fioles vides dont une ou deux s’étaient brisées au sol. Hélas, il n’y avait pas d’échappatoire. Il fallut quelques mètres à Juliette pour qu’elle comprenne qu’elles s’étaient jetées droit dans un piège. Son juron fut beaucoup moins poli que celui d’Agatha.

 — Venez ! s’écria Lisa. Vite !

 — Quoi ?

 — Dans mon tableau !

 Agatha sourit, saissant l'idée. Comme Juliette était trop désemparée pour comprendre, elle l’attrapa par la main et saisit celle que Lisa leur tendait. Elles furent tirées en avant et passèrent la frontière entre réalité et peinture. Chaque fois qu’elles y pénétraient, elles avaient l’impression de traverser une cascade d’eau froide sans pour autant être mouillée. Sous la force de Lisa, elles lui tombèrent dessus et finirent toutes les trois l’une sur l’autre. Elles réprimèrent un rire nerveux puis se relevèrent au plus vite.

 — Cachez vous sous mon lit, vite, je vais faire semblant de ne pas bouger !

 Sans se faire prier, Juliette et Agatha se faufilèrent sous le mobilier. Si la gorgone préféra se terrer le plus loin possible, la sorcière, elle, ne put s’empêcher de laisser trainer sa caboche afin de voir ce qu’il se passait depuis leur monde. Lisa, elle, joua les statues, en petit portrait modèle.

 Elles n’attendirent pas longtemps. D’abord, ce sont ses pas qu’elles entendirent. Réguliers, ses pieds claquaient sur le sol. Le bruit s’arrêta quand elle arriva près de la brouette. Depuis le tableau, sa silhouette paraissait bien plus grande. La vampire resta immobile, sans comprendre où ses proies étaient passées. Puis, l’espace d’un instant, elle tourna le visage en direction du tableau-vivant.

 Depuis sa cachette, Agatha ne l’aperçut que l’espace de quelques secondes. Mais cela suffit à la troubler profondément. De loin, elle n’avait pu voir comme les traits de la jeune femme étaient tristes. Ses lèvres rouge vif et son teint pâle comme un cadavre étaient marqués d’une certaine déception. La sorcière n’y voyait pourtant aucune colère. Ses yeux étaient rougis. Elle baissa ensuite la tête et poussa un soupir abattu. Qu’elle que soit la raison pour laquelle cette femme les cherchait, Agatha avait désormais la conviction que ce n’était pas pour boire leur sang.

 Pourtant, Agatha ne bougea pas plus. La vampire s’était déjà détournée, ignorant la magie autour du tableau de Lisa. Le bruit de ses pas reprit, puis faiblit avant de disparaitre totalement.

 — J’aime bien jouer à cache-cache, lança Lisa quand ses amis sortirent de sous son lit. Mais la prochaine fois, j’aimerais quand même qu’on mette un peu moins d’émotion dans nos parties.

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