Chapitre 1

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Je passe une main dans mes cheveux sales et examine mes vêtements déchirés. Ma silhouette squelettique se dessine sous ces habits trop amples.

Un garde apparaît et me tend un bol rempli d’une bouillie maronnasse que je repousse d’un geste dédaigneux, accompagné d’un regard noir. Je préfère mourir plutôt que de manger cette horreur que l’on me serre tous les deux jours. Le reste du temps, on boit du potage fade.

Eni a la même réaction que moi quand on lui donne sa nourriture. Le garde repart en marmonnant.

- C’est vraiment dégueulasse c’qu’on nous donne à bouffer, raille Eni en cisaillant ses bras, faisant goutter du sang. Un jour tu verras, Hyuk, on les tuera tous et on s’enfuira d’ici.

Je grince des dents. Je déteste toutes les personnes de cette prison, à part lui. Eni, c’est mon père, mon frère. Celui qui a accepté de s’occuper de moi quand tout le monde refusait. Mais celle que je déteste par-dessus tout, c’est ma mère. Celle qui est tellement lâche qu’elle m’a abandonné après avoir accouché. Celle qui voulait me tuer, comme si ma vie était insignifiante, juste parce qu’elle ne voulait pas de moi.

Je me lève lentement, les membres engourdis par l’inaction.

- Que ferions-nous, si nous sortions ?

- On les tuerait tous, répète-t-il. Tous, j’te dis. Aria, Hyujin, leur famille, leurs gardes. On se débarrasserait d’eux.

- Ils ont fait quelque chose de mal ? demandé-je.

- Ah, ça, j’sais pas, gamin. Je suis ici depuis belle lurette.

Je hoche la tête, soudain désireux de savoir qui ils sont et ce qu’ils ont fait. Eni se penche vers moi.

- Tu sais que Hyujin est le fils de Hana, lui aussi ? Eh oui, gamin. T’es le demi-frère du seigneur de cette cité.

Je lève les yeux au ciel. Je me fiche de savoir qui je suis, qui est mon frère ou qui ne l’est pas. Ma seule famille, c’est Eni.

Je me rassois et ferme les yeux, essayant de dormir. Qu’est-ce que j’ai de mieux à faire, de toute façon ?

Les heures passent et les bruits familiers me donnent mal au crâne : les cris lointains des autres détenus, le cliquetis des clés, le son des pas des gardes…

- Eni, je veux sortir d’ici. Sérieusement, j’en ai marre. Dégageons, pesté-je.

Je sais qu’on ne peut pas s’évader de prison sur un coup de tête. Mais j’en ai vraiment assez d’être ici. Je n’ai jamais vu la lumière du jour en environ quinze ans. Je ne sais rien de la ville où je vis.

- Ça ne sert à rien, Hyuk. On est bloqués ici. On s’enfuira, je te le promets. Mais pas maintenant. C’est trop risqué.

- Je veux partir ! crié-je. Ça me rend fou d’être ici ! Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter d’être là ?!

- Calme-toi. On sortira au bon moment. Dans une semaine, ou deux.

Non. C’est trop long. Je n’en peux plus. J’ai besoin d’air. Ce n’est pas bon pour moi d’être ici.

- Soit tu m’aides à sortir, soit je me tue, asséné-je, les dents serrées.

Eni secoue la tête et je m’avance vers lui pour lui prendre sa paire de ciseaux. Il la retient avec force et je continue de tirer l’arme, espérant l’attraper. Je me mets à hurler des insultes que j’ai entendues dans la bouche d’autres prisonniers, jusqu’à ce qu’une voix douce parvienne à mes oreilles.

- Wow, du calme, du calme. Ça ne sert à rien de t’exciter comme ça.

Je lâche les ciseaux et tente de voir qui parle. Eni soupire et s’adosse contre le mur.

- Je ne veux pas entendre parler d’elle, crache-t-il en se recroquevillant contre lui-même.

Et c’est qui, elle ? pensé-je.

Je parcours du regard les autres cellules plongées dans l’obscurité.

- Devant toi, idiot, peste la voix.

Je tourne la tête vers la prison. Les mains nouées aux barreaux, une femme se tient debout. Ses cheveux blonds retombent en cascade sur ses épaules. Elle a de grands yeux verts et sauvages, et une silhouette longiligne.

- Qui es-tu ? grincé-je.

Elle éclate d’un rire dur, basculant sa tête en arrière.

- Je m’appelle Sunhee, j’ai trente-cinq ans. Heureuse de faire ta connaissance, Hyuk.

À travers les barreaux, elle me tend sa main calleuse. Je l’attrape et la sers, avant de lui tordre le poignet. Un sourire se dessine sur son visage.

- T’es violent, toi, dis donc. Je vais la faire courte, gamin. Je t’aide et en échange, tu m’aides. Marché conclu ?

- Ouais, grimacé-je.

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