Chapitre 7
Après une nuit glaciale allongé sur le tapis de la boutique d’Aomano et Semai, je me réveille, le dos douloureux. Quand je me redresse, je peux voir Dahlia et Sheyang encore endormis, mais aucune trace de Sunhee.
Je me lève et balaye la pièce du regard. J’aperçois une porte entrouverte et je m’avance pour l’ouvrir. Sunhee et Aomano sont assises l’une en face de l’autre, autour d’une petite table en bois, un service à thé posée au milieu.
- Tu es réveillé, grince la voyante en reposant sa tasse de thé.
- Vous faites quoi ? demandé-je.
- Aomano me lit les lignes de la main, répond Sunhee en repoussant une mèche blonde.
Je pousse un soupir et entends des pas derrière moi. Sheyang apparaît dans l’embrasure de la porte.
- Bonjour… Alors, Aomano… Semai et toi, vous nous aidez ?
- Oui, oui, si tu veux… Attends, je suis concentrée… On en rediscutera après.
- Eh, j’ai déjà attendu une nuit pour que tu fasses je-ne-sais-quoi. Maintenant, si vous voulez bien nous aider, on y va.
La voyante relève ses yeux sombres vers Sheyang. Elle le toise du regard avant de secouer la tête.
- Comme tu veux. Je vais réveiller Semai, annonce-t’elle, excédée.
Aomano se lève et se rend dans une autre pièce. Je fais demi-tour et regagne la boutique. Dahlia est allongée au sol, les genoux repliés contre sa poitrine. Je m’avance vers elle et m’accroupit.
Quand elle ouvre les yeux, elle me sourit, se redresse et tente de discipliner ses cheveux bouclés.
- Bonjour Hyuk… Tu vas bien ?
- Oui. Aomano et Semai acceptent de nous aider.
Dahlia secoue la tête.
- Aomano est très en colère contre toi.
- Je sais, grincé-je.
La jeune fille sourit et se relève. Je me mets debout à mon tour et tourne la tête vers Sunhee, Semai et Aomano, qui viennent d’entrer dans la pièce. Sheyang leur emboîte le pas.
- Bon… On retournera à la cité des Fleurs mais avant ça, il faut trouver de nouveaux habits à Hyuk et Sunhee, décrète Semai.
- Je connais une couturière qui tient une petite boutique à quelques rues d’ici, déclare Aomano. Suivez-moi.
Nous sortons du magasin et arpentons les rues de Honiria. Le soleil se lève seulement et le ciel prend des teintes orangées.
Lorsque nous arrivons devant le magasin appelé «Camille et Camomille», je retiens un petit rire moqueur. Aomano me fusille du regard et pousse la porte de l’atelier de couture. À l’intérieur, l’atmosphère est chaleureuse et accueillante. Les murs sont tapissés de tissus colorés allant des étoffes légères aux velours riches, le tout soigneusement plié sur des étagères en bois.
Au centre de l’atelier, une grande table de travail en bois massif est couverte de ciseaux, de bobines de fils multicolores et de croquis de vêtements éparpillés. Des épingles scintillent sous la lumière du matin, et des rouleaux de tissus, soigneusement empilés, se dressent en colonnes.
Une odeur de thé flotte et une petite femme rondelette aux cheveux grisonnants entre. Elle dépose une tasse remplie d’un liquide ambré et se tourne vers nous.
- Aomano ! dit-elle. Comment vas-tu ? Je te sers un thé ?
La voyante secoue la tête.
- Je suis venue avec…
- Des amis, coupe la vieille femme.
- Je te présente Dahlia, Sheyang, Sunhee et Hyuk.
- D’accord… Donc, moi je suis Camille. Je suis née sur l’île de Honiria et j’ai repris l’atelier de ma mère.
Camille. En voilà un nom peu commun, me dis-je en observant la couturière.
Voyant mon air sceptique, la femme ajoute :
- Ce sont des prénoms courants ici. Je n’avais jamais entendu ton nom avant de te rencontrer, moi aussi.
Après un sourire, elle frappe dans ses mains.
- Bon, que puis-je pour vous ?
- Il nous faudrait des vêtements pour Hyuk et Sunhee.
- Je vais voir ce que j’ai en réserve.
Camille disparaît. Je me retourne vers Dahlia, qui fixe une cape pourpre. Elle attrape le tissu épais et le caresse du bout des doigts. Sheyang se dirige vers elle et lui dit quelque chose qui la fait sourire.
La couturière revient avec des habits en main. Elle me tend un pantalon et un nouveau haut, tandis qu’elle donne à Sunhee une jupe fluide et une chemise blanche. Camille nous indique des petites pièces isolées pour nous changer et je me rends dans un des placards sombres.
J’enfile la tenue et ressors, tenant mes vieux habits du bout des doigts. La vieille femme s’approche.
- Merci, si ça ne te dérange pas, j’aimerais les garder pour pouvoir les rapiécer.
Je secoue négativement la tête.
- Faites-en ce que vous voulez, réponds-je.
Je sens une main se poser entre mes reins et je me retourne. Dahlia me sourit gentiment, ses joues mates un peu rougies par la chaleur de l’atelier.
- Ils sont mieux ceux-là, non ?
La brune désigne mes habits.
- Oui, merci.
- Oh, ce n’est pas moi que tu dois remercier, c’est Aomano.
La voyante détourne le regard quand je plante mes yeux dans les siens.
Quelques minutes plus tard, Sunhee ressort, ses boucles dorées retombant sur sa chemise.
- On peut y aller, déclare-t’elle en enfonçant ses mains dans les poches de sa jupe.
Semai s’avance et tend un petit sachet en tissu contenant des pièces à Camille.
- Merci beaucoup, souffle la couturière.
Nous quittons l’atelier et avançons dans Honiria jusqu’au port, où le bateau de Dahlia et Sheyang est amarré.
Le vent frais s’engouffre dans les voiles tandis que je les déplie avec l’aide de Semai. Sunhee et Dahlia défont les cordages, tandis que Sheyang et Aomano s’occupent de vérifier les provisions.
- On peut y aller, décrète Sunhee.
* * *
Nous arrivons dans le village. Aomano et Semai observent la cité avec admiration. Ils écarquillent les yeux lorsque leur regard se pose sur le château.
- Ce n’est pas la cité des Fleurs, n’est-ce pas ? demande Semai.
- Non, réponds-je.
- La cité des Fleurs est à l’ouest, complète Dahlia.
Les jumeaux hochent la tête et sourient.
- Alors allons-y.
Sunhee secoue la tête.
- Attendez. Nous devons établir un plan, d’abord. Je veux me venger de Hyujin et Aria. Quant à Hyuk, il veut prendre le pouvoir.
- Tu es encore jeune, soupire Aomano en me toisant du regard. Comment comptez-vous vous y prendre ? Les dirigeants ont une armée et des gardes. Vous n’arriverez jamais à les atteindre. Et puis, tu ne sais pas diriger. Une fois au pouvoir, tu seras débordé, incapable de faire quoique ce soit. Tu n’as reçu aucune formation, aucun conseil.
- J’apprendrai en cours de route et je prendrai des cours de combat.
- Ça ne fonctionne pas comme ça, continue Sheyang. Et il m’a fallu douze ans pour apprendre à Dahlia à se battre correctement.
La concernée rougit faiblement en hochant la tête.
- Pour le moment, nous ne pouvons rien faire. Nous aurions dû réfléchir à ça avant de quitter Honiria, reprend Aomano.
- Sheyang et moi avons une maison dans la cité des Fleurs. Allons là-bas pour discuter de tout ça, propose Dahlia.
Nous acquiesçons et emboîtons le pas à Dahlia et Sheyang.

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