Chapitre 8

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- Un an ?! m’exclamé-je, abasourdi.

- C’est ce que je propose. On peut allonger, si tu veux, raille Aomano en relevant le menton.

Je secoue la tête et peste entre mes dents. J’ai déjà perdu quinze ans de ma vie dans une prison, et il faudrait maintenant que je passe une année à acquérir des bases pour diriger ?

- Techniquement, la formation pour devenir dirigeant dure de la naissance aux dix-sept ans de l’héritier. Estime-toi heureux que l’on ne fonctionne pas comme ça.

La voyante me sonde de ses yeux sombres. Sunhee est assise en face de Semai et Sheyang. Ils discutent, mangent et boivent. Quant à Dahlia, elle révise ses techniques de combat.

- D’accord, maugrée-je.

- Bien. Tu apprendras à te battre avec Sheyang, étant donné qu’il est un ancien professeur d’art martial. Et pour diriger, tu suivras mes leçons ainsi que celles de Dahlia.

- Et pourquoi les vôtres ? Vous n’avez reçu aucune formation pour diriger, vous.

- J’étais amie avec la princesse de Honiria, et elle m’a appris des choses que j’ai transmise à Dahlia.

Je soupire. Je n’ai pas envie de faire des études ou des choses dans le genre.

- Et s’il intégrait une école classique, plutôt ? propose Dahlia. J’irai avec lui, si ça peut le rassurer.

- Il faut regarder les programmes des écoles classiques, mais c’est vrai que cela pourrait être utile, pour apprendre à lire et écrire, par ailleurs. Et en cours d’éducation physique, ils apprennent les arts martiaux.

- En tant qu’évadé de prison, je ne suis pas sûr que je puisse aller à l’école.

- Personne ne sait que tu t’es évadé de prison, à part les dirigeants, intervient Sheyang.

- C’est décidé, nous inscrivons Dahlia et toi à l’école.

Je manque de m’étouffer, mais la jeune fille me sourit gentiment en me tapotant l’épaule.

* * *

L’école de la cité des Fleurs est immense. Les toits en tuiles noires, légèrement courbés aux extrémités, se découpent contre le ciel. Les salles de classe sont baignées de lumière naturelle, filtrée à travers les fenêtres. Des calligraphies élégantes ornent les murs. Au sol, des tatamis sont disposés, en face d’un bureau en bois. Dessus, de l’encre et du papier sont disposés.

Le principal de l’école nous fait asseoir dans son bureau, une petite salle aux murs pâles. De la fenêtre, je peux voir la cour, où des cerisiers fleurissent. Des étudiants qui semblent avoir mon âge discutent, rient ou encore font leurs devoirs.

- Vous voulez donc intégrer vos enfants en cours d’année ? demande l’homme.

Aomano hoche la tête, resserrant la main de Sheyang dans la sienne.

- Oui, Dahlia et Hyuk sont jumeaux.

Je doute que le principal croit que nous sommes tous les quatre de la même famille. Il ne dit rien et griffonne sur un papier.

- D’accord… Hum… Je les intégrerai à une classe à partir de demain. Cela vous convient-il ?

- Oui, répond Aomano en me lançant un regard sévère.

- Tout ce que vous avez à faire, c’est vous rendre auprès de Kori, notre couturière. Elle vous donnera les uniformes pour vos enfants.

Sheyang hoche la tête et s’empresse de se relever, tout en lâchant les doigts d’Aomano.

- Au revoir, dit-on en choeur avant de sortir pour rejoindre le bureau de la couturière.

Aomano soupire.

- Je n’aime pas l’idée de mentir, grince-t’elle.

Je hausse les épaules et toque à la porte de Kori. La femme fait coulisser la cloison et nous sourit.

- C’est pour quoi ?

- Des uniformes pour mes enfants, s’il vous plait.

- D’accord.

Elle farfouille dans ses étagères avant de sortir deux tenues et de nous les tendre, le sourire toujours dessiné sur son visage.

- J’espère que vos enfants se plairont à l’école des Fleurs.

Aomano maugrée quelque chose d’incompréhensible avant de nous entraîner vers la sortie du bâtiment.

- Que ce soit clair, vous avez intérêt à rester discrets. Vous allez étudier là-bas seulement un an. Après, on reprend notre quête initiale, lance-t’elle.

Sheyang reste de marbre et se contente de marcher jusqu’à la maison. Sunhee et Semai nous attendent, tous les deux en train de cuisiner.

* * *

Le lendemain, je me lève tôt pour me préparer. L’uniforme est un pantalon noir et une tunique blanche fine. Je coiffe mes cheveux sombres et rejoins l’entrée de la maison, où Dahlia m’attend. Elle porte, dans ses longs cheveux bouclés, un bandeau en satin bleu. Elle est vêtue d’un haut blanc et d’une longue jupe accordée au bandeau qui tombe jusqu’à ses pieds.

- Je ne suis jamais allée à l’école, claironne-t’elle.

Elle attrape un petit sac et m’en tend un.

- Tu penses que c’était une bonne idée ?

- Non, raillé-je en mettant des chaussures.

Dahlia rit légèrement et ouvre la porte de la maison. Le vent frais s’engouffre dedans et je frissonne.

- Allons-y ! s’exclame-t’elle.

Je la rejoins dehors et referme la porte. Nous évoluons dans les rues de la cité des Fleurs jusqu’à l’école. Le principal nous attend devant l’entrée et nous conduit dans les couloirs jusqu’à une salle, où une dizaine de filles et de garçons de notre âge écrivent.

Ils relèvent la tête vers nous et nous toisent d’un regard interloqué.

- Bonjour ! Je vous présente Dahlia et Hyuk, deux jumeaux qui vont intégrer votre classe. Accueillez-les correctement.

Les autres élèves se regardent un instant puis se mettent à murmurer entre eux. Je suis mal à l’aise, mais Dahlia m’attrape par le poignet pour me conduire dans le fond de la salle. Nous nous asseyons et elle annonce :

- Hyuk ne sait ni lire, ni écrire.

Le rouge me monte aux joues et nos camarades éclatent de rire. Je lance un regard noir à mon amie et elle se mord les lèvres.

* * *

La journée est beaucoup trop longue. Je ne sais pas comment je vais survivre un an ici. Tout ce que j’ai appris aujourd’hui, c’est lire quelques syllabes, pendant que les autres avançaient sur le programme : histoire de la cité, géographie, politique et économie. J’ai écouté un peu la politique, me disant que ça pourrait m’être utile pour devenir dirigeant.

Quant à Dahlia, elle est passionnée par l’histoire. Elle écoute attentivement, sourit jusqu’aux oreilles et ne cesse de me parler de ça depuis le cours dessus, à tel point que je n’en peux plus.

- Tais-toi, finis-je par dire, excédé.

- Eh ! C’est pour toi que je suis ici, je te signale.

Les autres élèves continuent de nous dévisager en chuchotant, et je soupire.

- C’est parce qu’ils ne nous connaissent pas. Tu verras, si on se fait des amis, ça ira beaucoup mieux.

- Ne compte pas sur moi là-dessus. Je suis ici pour apprendre des choses, pas pour me sociabiliser.

Dahlia secoue la tête et passe une main dans ses boucles brunes.

- Allez, Hyuk. On va parler à une fille. Ou un garçon, si tu préfères.

- J’ai dit non.

- Qui sait, tu rencontreras peut-être la fille de tes rêves.

Un rire sarcastique s’échappe de ma bouche.

- La fille de mes rêves ? Et puis quoi encore ?

Dahlia soupire, exaspérée par mon attitude.

- Tu es trop pessimiste. Il faut juste que tu te laisses une chance. Regarde là-bas, cette fille. Elle a l’air sympa.

Mon amie me désigne une jeune fille aux cheveux raides et noirs et à la peau pâle. Elle est assise seule dans un coin et fixe ses papiers. Elle lève les yeux vers nous et détourne le regard, comme gênée.

- Tu vois ? Elle est déjà intéressée.

- Ou alors elle se demande pourquoi on la fixe, rétorqué-je. Dahlia, écoute, je ne cherche pas à tomber amoureux ou je ne sais quoi.

Elle éclate de rire et attrape une feuille.

- Ça arrivera bien un jour.

Je lève les yeux au ciel et me concentre sur la pluie qui commence à tomber du ciel, dehors. Les cours reprennent jusqu’au soir, où nous regagnons la maison de Sheyang.

Aomano nous demande comme s’est passé le premier jour, et je laisse Dahlia raconter la journée avec enthousiasme, tandis que je rejoins Sunhee pour manger un peu.

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