Chapitre 10
Après six mois d’apprentissages avec Ambre, nous avons fait vingt-neuf leçons. Il ne m’en manque qu’une. En revanche, il me reste encore six mois à passer à l’école des Fleurs. Dahlia adore ça, elle est excitée à chaque fois que l’on doit y aller.
Une fois rentrés le soir, après mes leçons avec Ambre, mon amie retravaille avec moi les mouvements d’arts martiaux. Je sens que je m’améliore, mais à côté de Dahlia, je suis encore faible.
Elle me porte un coup de pied sur l’épaule puis un poing dans la mâchoire et je m’éloigne. Je grimace de douleur en passant ma main sur le sang qui s’écoule de ma joue et jette un regard noir à Dahlia.
- On s’arrête là, pesté-je.
La jeune fille essuie la sueur sur son front et s’approche de moi.
- Je suis désolée, je pensais que tu allais te défendre.
- Dahlia, je m’entraîne depuis six mois, pas depuis douze ans. Je ne suis pas en mesure de riposter quand tu m’attaques.
Mon amie soupire. Elle sait que je n’ai pas tort, mais elle veut que je progresse, que je puisse me battre contre n’importe qui et atteindre mon objectif.
- Écoute, je ne voulais pas te blesser.
- J’espère bien.
Elle lève les yeux au ciel et disparaît dans le jardin, où Sunhee et Sheyang ramassent des plantes pour Aomano.
* * *
J’ai déjà commencé à échafauder un plan dans ma tête pour prendre le pouvoir. Aomano a suggéré que je gagne la confiance du peuple et que je m’engage dans le développement de la cité pour me faire repérer de certaines personnes importantes, sans pour autant m’approcher de Hyujin et Aria, qui m’enverraient en prison sur le champ.
J’ai mal à la tête à force de réfléchir en vain.
- Hyuk, concentre-toi.
Ambre me donne un petit coup sur l’épaule. Je lève les yeux vers la princesse, qui me regarde avec exaspération.
- Et si je reprenais simplement le plan de Hana et Seok ? lancé-je.
- Non, tu n’as pas assez d’influence sur les gens, ni assez de contacts. Ou alors, il faudrait que…mais oui, j’ai trouvé ! s’exclame la femme en frappant dans ses mains.
Je hausse un sourcil et Ambre reprend :
- Tu finis l’école et je finis de t’apprendre à devenir un bon dirigeant. Après, on retourne sur Honiria et je convaincs ma petite sœur de déclarer la guerre à la cité des Fleurs.
- Et après ?
La princesse fronce les sourcils et secoue la tête.
- Je n’ai pas d’autres idées. Mais j’ai six mois pour finir, ça ira, ne t’en fais pas. Et puis, Lucy s’y connaît dans l’art de détrôner, grince-t’elle.
* * *
Dahlia et moi nous préparons à rejoindre l’école. Sur le chemin, nous croisons Kimi qui nous lance un regard dur. Je l’ignore mais sa main m’attrape. Elle enfonce ses doigts dans ma chair et me lacère la peau avec ses ongles. Je lève les yeux vers elle. Kimi sert les dents et s’exclame :
- Qu’est-ce que vous faites dans cette école ? Ça fait six mois que je vous trouve étranges… Quant au fait que vous êtes jumeaux, je n’y crois pas. Alors qui êtes-vous et que faites-vous ici ?
La jeune fille resserre sa prise autour de mon avant-bras et ses yeux brillent de colère. Dahlia s’avance vers elle, prête à la frapper, juste avant de reculer. Kimi ne doit en aucun cas savoir que Dahlia sait se battre. Elle trouverait ça encore plus étrange.
- Répondez-moi, ou je vous dénonce au directeur.
- Il ne te croira pas, déclare mon amie, confiante.
- Tu crois ? Je te signale que c’est mon père, ajoute Kimi. Je vais poser les questions une par une, et vous avez intérêt à répondre honnêtement. Qui êtes-vous ?
- Dahlia et Hyuk.
Je reste silencieux, fixant la main de Kimi sur mon bras. Elle a plus de force qu’il n’y paraît.
- Vous n’êtes pas de la même famille.
- Si tu le sais, pourquoi tu poses la question ? grince Dahlia.
- Parce que vous êtes des menteurs, et que vous n’avez rien à faire dans l’école des Fleurs. Je voulais vous entendre me l’avouer.
- Qu’est-ce qui te fait dire qu’on est étranges ?
Kimi éclate d’un rire sarcastique.
- Hyuk ne savait ni lire ni écrire en arrivant ici. Vous mentez sur votre gémellité.
Elle continue d’énoncer tous nos faits et gestes suspects et finit par conclure :
- Je suis sûre que même vos parents ne son pas vos vrais géniteurs.
Elle repousse une mèche noire et relève le menton.
- Donc maintenant, dites-moi la vérité et je vous laisserai tranquilles.
Je reste de marbre, mais je vois Dahlia s’énerver à côté de moi.
- Tu ne sais pas de quoi tu parles, lance-t’elle. Tu penses vraiment que tu peux nous intimider ? Nous n’avons rien à te cacher, et aucun compte à te rendre.
Kimi sourit froidement.
- Très bien. Mais je ne suis pas dupe, contrairement aux autres. Je garderai un œil sur vous. Une seule erreur, et je n’hésiterai pas à en parler à mon père.
Elle lâche finalement mon bras, me laissant un souvenir douloureux de ses ongles. Elle s’éloigne rapidement en direction de l’école, sa jupe virevoltant autour de ses jambes fines.
Dahlia desserre la mâchoire et se tourne vers moi.
- Allons-y, et oublions cette fille.
- Si elle a remarqué que nous n’étions pas jumeaux, d’autres l’ont sûrement constaté aussi. Il faut rester prudents, conseillé-je.
- Tu as raison.
Nous reprenons notre route. Mes pensées sont focalisées sur Kimi et sur ce qu’elle sait.
Une fois dans l’école, je regagne le dojo où Chan attend les garçons pour l’entraînement.
- Aujourd’hui, j’évaluerai les compétences que vous avez acquises ces six derniers mois. Pour cela, nous allons faire des duels.
L’entraîneur crie chaque duo ainsi que leur ordre de passage. Je me retrouve à nouveau avec Haru. Il semble confiant, et il a de quoi. Il est plus grand que moi, plus expérimenté et surtout plus musclé. Je n’ai aucune chance de gagner. Pourtant, en repensant aux gardes du Temple des Fleurs, Haru me semble moins effrayant.
Je prends une profonde inspiration, me rappelant les cours mais aussi mes entraînements avec Dahlia.
- Hyuk et Haru ! appelle Chan.
Haru s’avance, un sourire arrogant sur le visage. Il sait qu’il a l’avantage et semble impatient de le prouver aux autres garçons.
- Prêt à te faire battre ? demande-t’il.
Je ne réponds pas et me positionne correctement.
- Allez ! crie Chan.
Haru se précipite vers moi et je me décale rapidement sur le côté pour éviter son premier coup. Je feinte à gauche et je riposte avec un coup de poing rapide. Mon adversaire émet un petit rire et me frappe en plein dans l’estomac. Je m’effondre au sol, tenant mon ventre.
Haru sourit et salue le public, constitué des garçons, de Chan et de certaines filles qui ont fini leur cours de cuisine. Ils acclament le vainqueur et ne me prêtent plus aucune attention, sauf Chan qui s’avance pour vérifier que je vais bien et Kimi qui me fixe d’un œil mauvais, juste à côté de Dahlia.
La brune s’approche de moi et s’accroupit. Je me redresse.
- Comment te sens-tu ?
Je grimace.
- Hm… j’ai mal…
Au loin, je vois Kimi parler gaiement à Haru. Je lève les yeux au ciel et me mets debout.
- Tu veux aller à l’infirmerie ?
Je secoue la tête.
- Pas besoin. J’irai mieux tout à l’heure.
Dahlia me regarde, sceptique, les bras croisés.
- Tu es sûr ?
- Oui.
Elle pince les lèvres mais opine du chef et me reconduit dans la salle de classe. Des amies de Kimi y sont et me lancent des regards moqueurs, mais j’ignore les filles et m’assois près de Dahlia. Cette dernière ressort ses notes sur le cours d’histoire et les parcourt rapidement des yeux.
- Tu es prêt pour ta dernière leçon avec Ambre ?
Deux mains pâles s’abattent sur mon pupitre. Je relève la tête et vois Kimi, ses cheveux noirs retombant sur ses épaules. Elle me fixe avec intensité.
- Qui est Ambre ? Ce n’est pas une professeure dans cette école, n’est-ce pas ?
- Non, et alors ? Hyuk n’a pas le droit de prendre des cours en dehors de l’école ?
- Et de quoi prend-il des cours, alors que les seules choses à enseigner sont apprises dans cet établissement ?
Kimi regarde Dahlia avec un air suspicieux, ses yeux brillants d’une curiosité qu’elle ne cache même plus.
- Vous ne me ferez pas croire qu’il prend des cours particuliers, dit-elle, son ton acerbe. Et si tu oses me mentir une nouvelle fois, je vais creuser plus profondément. Je finis toujours par découvrir la vérité.
Je me redresse sur ma chaise, sentant une nouvelle vague de douleur dans mes côtes. Kimi esquisse un sourire moqueur avant de se recentrer sur Dahlia.
- Faites attention à vous.
Elle tourne les talons et rejoint Haru, qui vient de pénétrer dans la salle.
* * *
Ambre porte une robe verte accordée à ses yeux émeraudes. Elle paraît si jeune, si belle, que je n’aurai jamais dit qu’elle avait la trentaine.
- Le dernier point est un des plus importants, Hyuk, déclare-t’elle en faisant tournoyer sa jupe.
Elle me sonde quelques instants avant d’enchaîner :
- Aujourd’hui, je vais te parler de la formation de l’héritier. Comment éduquer ton enfant pour qu’il reprenne le flambeau et gère le royaume – pardon, la cité – comme tu le faisais.
Voyant que je ne réagis pas, la princesse claque ses ongles teintés d’un rouge grenade sur ma table :
- Écris ce que je dis et sois attentif.
Je relève la tête vers Ambre et fais mine d’être absorbé par ce qu’elle m’explique.
- Pour former ton héritier, tu dois l’éduquer avec tes valeurs et tes principes dès sa naissance. Tu dois lui inculquer ton savoir, ton point de vue et tes opinions. Tu dois être présent à ses côtés, ne pas passer une journée sans lui parler, sans le remodeler à ta façon. Tu sais comment ça se finit, sinon ?
Je secoue négativement la tête.
- Regarde ce qu’est devenu Hyujin. Ses parents n’étaient pas présents pour lui, c’était un mauvais garçon, et il a fini par les trahir. C’est ce que tu veux, Hyuk ?
Le regard de la princesse est froid, comme si elle était énervée contre mon demi-frère qu’elle ne connaît pourtant pas. Je réponds négativement à sa question.
- Alors fais attention à tout ça. Et choisis bien ton épouse. Pas une fille stupide comme Aria qui n’est pas en mesure de gérer une cité. Hyujin était pourtant si intelligent. Comme quoi, l’amour rend aveugle. Ne tombe pas amoureux de n’importe qui, ton demi-frère n’est pas un modèle à suivre.
Je ne comptais pas me marier, mais il semblerait qu’il le faut. J’aurai le temps de me trouver une femme après avoir détrôné Hyujin et Aria, de toute façon. Ce n’est pas ma priorité.
- D’accord.
Ambre me parle encore pendant des heures de comment éduquer mon enfant, avant de me faire sortir de la salle en me répétant de faire attention.

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