Je me rue vers Dahlia avec le peu de force qu’il me reste. Ma bouche est en sang, mais ce n’est rien comparé à la mâchoire de mon amie. Mon poignet me fait terriblement mal, et il est rouge là où Hyujin a posé son pied.

Mais Dahlia… Elle est dans un état lamentable. Je ne suis pas médecin, mais vu l’angle étrange que fait son épaule, je dirai qu’elle est cassée. Ses cheveux sont imbibés de sang, et je peux voir à sa poitrine qui se soulève rapidement et irrégulièrement que sa respiration est difficile.

- Il aurait pu nous tuer avec tellement de facilité, murmure-t-elle. Je pensais être douée au combat, rapide… Mais je ne suis rien comparée à lui. Je n’ai même pas été capable de le toucher une seule fois. Si ce n’était pas notre ennemi, je lui aurais presque demandé de m’apprendre à me battre. Je me demande comment il sait faire tout ça. Ça m’étonnerait beaucoup qu’il ait appris ça dans ses cours privés. Il a dû vivre des choses qui l’ont poussé à apprendre le combat… Il est supérieur à nous, on n’avait aucune chance. On devrait s’estimer heureux d’être encore vivants, plutôt que de se vexer parce que l’on s’est fait battre, crois-moi.

Elle parle beaucoup pour une personne grièvement blessée.

J’aimerais pouvoir me lever et la porter pour la ramener chez elle, mais mon poignet est trop douloureux et j’ai l’impression d’avoir les côtes brisées à cause du choc que j’ai subi contre la poutre.

- Eh, Dahlia… Reste ici, je vais essayer de marcher jusqu’à chez toi pour aller demander de l’aide à Ambre et Sunhee. L’entrepôt est juste en face de la maison, ça devrait le faire. Je peux encore marcher, mais ce serait trop compliqué de te porter.

Dahlia hoche la tête.

Je m’apprête à me mettre debout quand la porte s’ouvre. Je sursaute, pensant que Hyujin est revenu nous porter le coup de grâce, mais je reconnais les boucles blondes de Sunhee. Elle entre, l’air effaré, mais ses yeux brillent d’une lueur étrange.

- J’ai vu tout le combat de l’extérieur, mais je n’ai pas osé intervenir, je ne sais pas me battre. Wow… Hyujin est toujours aussi impressionnant qu’il y a quinze ans… Déjà à l’époque, il avait beaucoup de charisme mais alors maintenant qu’il…

- Tu es venue nous aider ou complimenter celui qui nous a massacrés ? coupé-je. Rends-toi utile, porte Dahlia jusqu’à la maison.

- Pas la peine d’être aussi froid, grince Sunhee. Au fait, Ambre est repartie pour Honiria.

- Seule ? m’étonné-je.

- Oui, elle en avait marre de nous.

Je hausse un sourcil, mais me reconcentre vite sur Dahlia.

- Rentrons.

Sunhee soulève mon amie du sol et nous regagnons la maison. La blonde installe Dahlia dans son lit. Je m’allonge dans celui d’Ambre, qui se trouve à côté de celui de la brune. Cette dernière a les yeux fermés. Je pousse un soupir, et j’ai soudain l’impression que mes côtes vont transpercer mon dos.

- Je vais vous soigner, lance Sunhee en partant dans la cuisine.

Elle revient avec des bandages, de l’eau et des chiffons. Elle s’occupe en premier de la joue de Dahlia et fixe un bandage sur son épaule déboîtée.

- Euh… il va falloir la remettre en place… J’ai appris quand j’étais dans le gang.

- Fais-le, vite, répond Dahlia, les dents serrées.

Sunhee s’approche, les mains tremblantes.

- Ce sera douloureux… prévient la blonde.

Elle effectue un mouvement rapide et précis, tirant légèrement le bras vers l’extérieur avant de le ramener avec une poussée contrôlée.

CLAC

Le bruit est sec.

Dahlia tremble violemment, un gémissement échappant ses lèvres. Je me redresse immédiatement.

- Dahlia, ça va ? lancé-je.

Elle hoche faiblement la tête.

Je pousse un soupir de soulagement.

- Vous feriez mieux de vous reposer, ajoute Sunhee. Hyuk, tu n’as rien de cassé ?

La blonde s’avance vers moi.

- Une ou deux côtes, je dirai, gémis-je.

- Il nous faudrait un médecin… Reposez-vous. Je vais trouver un moyen de vous soigner.

Elle disparaît, me laissant seul avec Dahlia. Je tourne la tête vers mon amie.

- Je suis désolé… Tu avais raison, on n’aurait jamais dû enlever Namki.

- Comment on va faire, maintenant ? Tu sais, Hyuk… Je me demande si on va réellement réussir à te faire devenir dirigeant.

Je baisse les yeux. Elle a raison. Ça m’étonnerait aussi. Au début, j’y croyais, mais maintenant… Hyujin nous a prouvé qu’il était beaucoup plus puissant – dans tous les sens du terme – et qu’on ne pouvait rien contre lui.

- Je ne sais pas…

Je pivote complètement mon corps vers elle, mordant mes lèvres pour empêcher un gémissement de douleur de sortir.

- De toute façon, tant que nous ne serons pas rétablis, on ne peut pas agir. En revanche, on peut déjà commencer à répandre les rumeurs sur Hyujin et Aria. On en parle à Sunhee, elle va raconter ça dans des tavernes et ça fera vite le tour de la cité. Et après, je témoigne.

- D’accord.

Elle m’offre un sourire puis baisse les yeux.

- À propos de ce que j’ai dit dans l’entrepôt… je suis désolée, Hyuk. Je ne voulais pas te blesser, et je ne compte pas t’abandonner. J’étais juste énervée, et… Et je n’ai pas su contrôler mes émotions.

- Ne t’inquiète pas… ça arrive à tout le monde d’être dépassé par les sentiments…

Elle hoche la tête, les joues rougies.

- Tu ne te sens pas un peu désolé de faire ça à Aria et Hyujin ? Certes, ton frère a en quelque sorte trahi ta mère, mais quand on y pense, il n’a fait que ce qui était juste, en empêchant ses parents de tuer des dirigeants.

- Il a trahi ma mère.

- Et elle t’a abandonné, assène Dahlia. Il vaut beaucoup mieux qu’elle.

- Tu es de son côté ou du mien ?

Elle semble réfléchir quelques instants.

- Aucun des deux, je crois. Tu es mon ami, mais je ne suis pas toujours d’accord avec tes motivations. Je ne t’aide pas, je choisis juste de ne pas me mettre en travers de ton chemin.

Je la fixe, sidéré.

- Tu aimes me vexer, à ce que je vois.

- Ça te vexe que je ne t’aide pas ?

- Je pensais qu’on était alliés.

- Et moi je pensais qu’on était amis.

Je soupire.

- Tu sais très bien ce que j’ai voulu dire.

Elle pince les lèvres, et je crois que je l’ai réellement blessée lorsqu’elle se met à rire.

- Oui, je sais. Mais c’est tellement amusant de te taquiner que je n’ai pas pu m’en empêcher.

- Sérieusement ?

Dahlia opine du chef et sourit.

- Allez, reposons-nous.

Je ne réponds pas et me contente de fermer les yeux pour tenter de m’endormir.