Le chemin des eaux

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Une haut-rêvante. Danka n’en revenait pas que le hasard ait mis sur sa route une véritable haut-rêvante.

- Tu sais enchanter les remèdes, répéta Lézandre. Quelles plantes utilises-tu pour soigner les blessures ?

- On utilise surtout une mousse qui pousse sur les arbres morts, on la trouve facilement. Pour une blessure très grave, on préfère utiliser les feuilles d’une plante avec des petites fleurs blanches qui grimpe sur les arbres. On la trouve difficilement celle-là alors on la garde pour les blessés les plus graves.

- De la suppure principalement et du tanemiel, une plante qu’on ne trouve qu’en forêt, conclut Lézandre.

A sa tenue, il avait deviné qu’elle venait de contrées assez chaudes, le tanemiel qu’elle venait de décrire le lui confirmait.

- Si on te prépare une décoction, tu pourrais soigner toutes tes blessures durant la nuit ?

Elle le regarda avec surprise, ne s’attendant visiblement pas à pareille proposition.

- Vous avez des plantes pour soigner ?

- Oui, j’ai un peu de bélidane et de la fausse suppure.

Il fouilla dans son sac pour en sortir sa réserve de remèdes et d’herbes médicinales. Il les conservait roulées dans des linges qu’il gardait au sec. Il déroula celui qui contenait la fausse suppure.

- Combien en utiliserais-tu pour te soigner ?

Veynhy prit une bonne poignée, ce qui représentait une grande partie de la réserve que Lézandre lui présentait. L’air gêné, elle leva les yeux vers lui, craignant qu’il refuse d’en utiliser autant. Mais il ajouta des brins supplémentaires puis rangea le reste dans son sac.

- La fausse suppure a des vertus curatives moindres, mieux vaut en ajouter un peu. Yanel, allume un feu et Danka, mets cela dans la casserole et verse deux chopes d’eau.

Veynhy vint s’asseoir près du feu, sur une couverture qu’on lui avait installée. Elle semblait plus détendue maintenant, elle avait compris qu’elle ne devait pas craindre ces voyageurs que le hasard avait mis sur sa route. Danka l’observait sans relâche, fascinée et étonnée à la fois. Elle espérait depuis si longtemps rencontrer un haut-rêvant qu’elle avait imaginé tout autre chose que cette fille d’apparence frustre et, à ses yeux, assez insignifiante. Elle profita de l’humeur plus sereine de la jeune fille pour poursuivre la conversation avec elle.

- Une déchirure du rêve t’a balancée dans ce pays perdu, juste là où nous nous trouvions. On peut penser que tu n’as pas eu de chance qu’elle te tombe dessus pour t’arracher de chez toi mais aussi que ton dragon a prévu de grandes choses pour toi, même si tu aurais préféré qu’il te fiche la paix. Mais puisque nous allons devoir rester ensemble un moment, si tu nous parlais un peu de toi.

Surprise, Veynhy resta muette, ne sachant absolument pas que dire. Puis, de sa main valide, elle toucha la pierre attachée à son cou.

- Le jour de ma naissance, mon père a plongé au plus profond du lac et a remonté ma pierre de Sanoly. Les anciennes ont vu mon nom dans cette pierre. Dans trois saisons, je devrais à mon tour plonger au fond du lac pour trouver ma propre pierre et mon nom de femme.

Lézandre ne dit rien mais il savait qu’elle ne plongerait pas au fond de ce lac, qu’il n’y avait presque aucune chance qu’elle retrouve cette forêt où vivent les siens. Il préféra n’en rien dire.

- Nous vivons dans une grande forêt. Quand on monte au plus haut des grands arbres, on voit des montagnes très loin. On vit dans les arbres, loin au-dessus du sol, à cause des bêtes féroces qui chassent au sol et aussi des tribus des chèvres-pieds qui nous traquent. Heureusement, ils ne savent pas grimper. Cela fait de nombreuses vies d’hommes qu’on construit des habitations dans les arbres, et des passerelles pour pouvoir aller loin. Il faut presque toute une journée pour aller d’un bout à l’autre.

Son visage avait retrouvé un peu de gaieté alors qu’elle décrivait son village, son peuple et sa famille. Sa mine devint plus grave alors qu’elle poursuivait.

- Mais on doit aller souvent au sol pour pêcher, cueillir des plantes et des fruits. Nos cueilleurs savent éviter les dangers car il y a plein d’endroits où ils peuvent aller. Mais on doit aussi aller au lac, on n’a pas le choix car il faut de l’eau, du poisson et se laver. Les chèvres-pieds nous attaquent parfois quand on y va, quand ils arrivent à nous trouver. On se réfugie dans l’eau car eux ne savent pas nager. Mais on ne peut pas rester là et nos guerriers doivent les combattre pendant qu’on remonte dans les arbres. On a souvent des blessés. Parfois même, ils ne reviennent pas. Heureusement, on connaît les plantes qui soignent et on sait les faire rêver. Les blessés guérissent vite.

- Et, Danka hésitait à poser la question qui lui brûlait les lèvres mais sa curiosité l’emporta, que faisais-tu quand la déchirure t’a emportée ? Tu sais comment elle a pu apparaître ?

La jeune fille poussa un profond soupir.

- Je ne sais pas ce que j’ai fait mais je crois que j’ai ouvert la déchirure ? Sans le vouloir. Je terminais d’insuffler du rêve à une décoction et tout a basculé autour de moi. Pourtant, j’ai fait comme je fais toujours. Les anciennes nous ont appris ce qu’il ne faut pas faire et elles le répètent souvent. Je pense que j’ai tout bien fait et pourtant, j’ai ouvert la déchirure.

Elle ne pouvait comprendre car elle n’avait fait aucune faute. Elle ne pouvait deviner qu’une autre haut-rêvante, distraite dans sa tâche, avait laissé sur la table une décoction qu’elle avait enchantée. Veynhy avait pris la même et violé une des lois fondamentales de la voie de Narcos.

Lézandre ôta la casserole du feu et versa l’infusion dans une tasse. Veynhy pris la tasse qu’il lui tendait et la posa sur le sol devant elle. Les trois voyageurs l’observaient, curieux de voir à l’œuvre la haut-rêvante. La jeune fille fixait la tasse sans bouger. Elle releva finalement la tête.

- J’ai un peu peur. J’ai ouvert une déchirure en faisant cela, j’ai peur que ça recommence.

- Tu as souvent fait ça, voulut la rassurer Danka. Prends ton temps, assure-toi de faire comme tu fais toujours et ça ira.

Veynhy acquiesça puis ferma les yeux. Les trois spectateurs ne virent rien de particulier, simplement parce qu’il n’y a rien à voir. La jeune haut-rêvante se trouvait évidemment devant eux mais sa conscience avait gagné les Terres médianes, dans un état de demi-rêve, à mi-chemin entre les Basses terres où vivent les hommes et les Hautes terres où rêvent les dragons. Faute de mieux, sa conscience voyait ces Terres médianes comme un reflet déformé du monde, avec ses lieux particuliers et ses créatures. Elle marchait dans sa tête pourrait-on dire, dans les rues d’une cité déserte où elle venait toujours. Elle monta au sommet d‘une tour et s’arrêta devant une gravure dans la pierre qui représentait une femme pleurant un mort. Elle entama un chant, d’une voix cristalline qui n’avait rien à voir avec sa propre voix, un chant qui parlait de terre et de vie. Elle sentit l’air vibrer autour d’elle, preuve que les Grands rêveurs tendaient l’oreille, se laissaient bercer par ce chant et le reprenaient en cœur. Il lui semblait, comme à chaque fois qu’elle entonnait ces notes, que la gravure s’animait et soudain, la femme de pierre se mit à pleurer. Veynhy tendit la main et, du bout du doigt, recueillit une larme. Elle laissa alors chuter sa conscience qui rejoignit son corps et elle ouvrit les yeux. Moins de dix secondes venaient de s’écouler pour les trois voyageurs qui la virent tendre la main droite et plonger le bout des doigts dans la décoction encore chaude. Veynhy sourit, soulagée.

- Je vais la boire maintenant. J’espère que je ne vais pas résister à ses effets, cela arrive parfois. Si elle fait effet, je vais m’endormir. Je crois que je ne me réveillerai que demain.

Elle but et s’effondra comme elle l’avait annoncé. Ils l’installèrent sous une couverture chaude puis se regroupèrent autour du feu pour discuter jusqu’à la tombée de la nuit.

- Si ça fonctionne comme elle le dit, on devrait préparer d’autres décoctions, proposa Danka. Ça se conserve une décoction ?

- Oui, une bonne semaine. Et elle peut aussi servir d’antidote universel contre les poisons.

Pendant la préparation des décoctions de bélidane, ils se partagèrent encore quelques fruits, bien insuffisants pour réellement apaiser leur fin, puis se préparèrent pour la nuit. Danka dû s’installer sous la même couverture que Veynhy, ils n’avaient pas assez de couchages pour quatre.

Si la nuit se passa paisiblement pour les deux hommes, Danka se réveilla plusieurs fois à cause de la jeune fille qui s’agitait dans son sommeil, en proie à des cauchemars. Elle essaya de la calmer en lui murmurant à l’oreille des paroles apaisantes mais sans le moindre succès.

Les voyageurs se levèrent lorsque vint l’aube, sauf Veynhy qui connaissait maintenant un sommeil plus paisible.

- Elle a fait des mauvais rêves cette nuit, elle m’a réveillée plusieurs fois. Pas étonnant qu’elle continue de dormir.

- A ce qu’on raconte, le don du haut-rêve à un prix. Ils vont tout près de la conscience des dragons et ils en paient le prix dans leurs rêves. Si elle se met à faire des trucs bizarre, ne vous étonnez pas, ça arrive souvent paraît-il.

Comme la veille, la déchirure passa devant leur abri. Ils mangèrent chacun une calamine puis Lézandre et Yanel préparèrent un sac léger, emportant encore deux fruits et laissant le dernier à Danka.

- On fait que j’ai dit hier. Yanel et moi, nous retournons au torrent. Si on trouve du poisson, on revient ici. On a tous besoin de manger quelque chose de consistant. S’il n’y en a pas, on continue. Danka, tu reste ici avec elle et surtout, vous ne bougez pas d’ici.

Veynhy se leva au début de l’heure du faucon, ses blessures totalement guéries comme elle l’avait annoncé. Elle refusa le fruit que Danka lui proposait et ne but pas non plus.

- Danka, tu as dit hier qu’il n’y a personne dans cette région, que j’avais eu de la chance de tomber sur vous. Mais vous, que faites-vous ici, dans ce défilé ?

- Oh, nous poursuivons un rêve.

- Un rêve ? Je ne comprends pas, on ne peut pas poursuivre un rêve.

- Il y a trois ou quatre lunes d’ici, on traversait une baronnie nichée entre des montagnes pour aller à Sidéralis, la cité des astrologues. On faisait étape pour quelques jours dans une grande ville et mon frère a repéré une jolie fille dans la rue. Tu verras vite qu’il ne peux pas résister quand il voit un joli minois, fais attention à toi d’ailleurs. Le voilà donc qui sort son jeu habituel sans savoir que la famille de la fille avait déjà arrangé un mariage avec un notable. Je sais, ça ne doit pas trop te parler ça, je suppose que ça ne se passe pas comme ça dans ta forêt. Enfin, quand la famille de cette fille a remarqué le manège de mon frère, on a dû se tirer de là à toute vitesse et par les petits chemins. On a prit un vieux sentier à travers les montagnes pour quitter le pays. Un soir, on trouve une grotte pour passer la nuit. Mais au moment de dormir, on a entendu des cris et des lamentations. On a exploré le fond de la grotte, il y avait un passage et tout au bout, on tombe sur un corps. Juste des os et de vieilles affaires, un pauvre diable mort là depuis très longtemps. On se dit qu’on ne peut pas le laisser là et qu’on doit lui donner une vraie sépulture. Donc je m’approche et voilà qu’il y a une forme qui se lève des ossements et me saute dessus. Il paraît que des gens qui meurent comme ça, seuls et désespérés, peuvent laisser une telle marque dans la tête des dragons qu’il reste quelque chose d’eux après leur mort. Une entité de cauchemar qu’on dit. Elle a essayé de s’emparer de moi, de me contaminer avec son désespoir, mais j’ai la tête dure et elle a échoué. Mon frère, il n’aurait pas tenu mais elle ne savait pas à qui elle avait affaire.

Danka s’interrompit un instant pour prendre son sac et en sortir, bien enveloppé dans une vieille chemise, un bandeau en argent. Elle le passa à Veynhy pour qu’elle puisse l’examiner.

- Il y avait ceci parmi les ossements. Il ne payait pas de mine quand on l’a trouvé, on pouvait à peine voir les gravures.

L’observant de près, elle pouvait distinguer de multiples gravures, sur les surfaces intérieures et extérieures du bandeau, qui toutes représentaient des têtes de loup.

- Pendant la nuit, on a fait tous les trois le même rêve. On volait dans ce rêve, on survolait une grande plaine comme des oiseaux. On a vu d’en-haut ce défilé et la forêt perchée et aussi une sorte de passage, d’escalier taillé dans une faille pour y monter. Juste après, on se trouvait dans une grande salle, il y avait beaucoup de monde avec nous, des gens riches. On regardait un trône en pierre et une femme debout juste devant. Elle portait ce bandeau serré autour du front et une longue cape grise. On l’a vue s’asseoir sur le trône et son visage a pris l’apparence d’un loup. Notre rêve a fini là-dessus mais le matin, on ne pouvait pas le sortir de notre tête. On a comprit que notre rêve nous montrait des souvenirs d’une ancienne vie. Et vois-tu, si on pouvait retrouver cette ville, Louvegaronne, et voir une femme s’asseoir sur le trône en portant ce bandeau sur la tête, on retrouverait les souvenirs de cette ancienne vie.

Elle reprit le bandeau et le rangea dans son sac.

- Ça a pris de temps pour savoir où se trouvait cette forêt perchée et on a eu du mal à arriver jusqu’ici. Maintenant, on cherche le passage, l’espèce d’escalier qui doit permettre d’arriver là-haut. Sauf que dans notre rêve, il n’y avait pas cette fichue déchirure du rêve qui joue les chiens de garde.

Elle ajouta avec un petit sourire amusé.

- Tu dois la trouver folle cette histoire. Dans ton village, ça arrive parfois à quelqu’un de faire ce genre de rêve.

- Non, personne ne fait des rêves comme ça chez moi. Moi, dans mes rêves... En fait, je n’aime pas beaucoup rêver. Je rêve souvent d’accidents, de dangers, de choses bizarres qui m’arrivent. Parfois même, je me vois mourir. Et j’entends toujours l’écho de mon chant, de quand je chante là-haut. Les anciennes nous ont appris qu’il faut payer un prix quand on chante à l’oreille des dragons. Parfois, je préférerais ne pas savoir le faire mais je n’ai pas le choix, il faut le faire pour protéger ceux qui vivent avec moi.

La bonne humeur de Danka fondait au fur et à mesure qu’elle écoutait la jeune fille lui raconter ses terreurs nocturnes dont les effets se poursuivent même après son réveil. Elle avait toujours vu le haut-rêve comme un don fabuleux qu’elle aurait voulu posséder, elle en découvrait le revers de la médaille.

- Cette nuit, j’avais faim, comme je n’avais jamais eu faim. Alors j’ai cueilli un fruit dans un arbre. Je n’avais pas vu qu’il y avait une guêpe dedans et elle m’a piquée dans la gorge. J’ai aussi attrapé un poisson que j’ai bien nettoyé. Mais il y avait encore une arrête qui a fini plantée dans ma gorge. Puis des champignons. Je connais bien les champignons pourtant. Dans mon rêve, tout ce que je mangeais ou buvais me rendait malade, je sentais que j’étouffais, ça me brûlait le ventre. Et même maintenant, je le sens encore, ça me reste dans la tête.

Vers la fin de l’heure du faucon, Yanel et Lézandre réapparurent, l’air réjoui, précédant de quelques minutes la déchirure qui passa avec son habituelle régularité. Dans leur sac, ils ramenaient de nombreux poissons, des saumuches, une mascarade et même un brocart. La jeune haut-rêvante jeta un regard dégoûté sur leurs prises et s’éloigna.

- On n’a pas essayé de dépasser le torrent, expliquait Yanel. La déchirure a grossi, on ne sait pas pourquoi. Si ça continue, on va avoir une vraie rivière ici bientôt. Mais au moins, on a pu faire le plein de provisions.

Lézandre s’apprêtait à allumer le feu quand il réalisa que Veynhy, assise un peu à l’écart sur un gros rocher, ne portait plus de bandage à la tête. Sa cheville qui avait doublé de volume la veille ne montrait plus aucune trace de foulure, pas plus que son bras. Il se rapprocha et lui prit le bras pour l’examiner, voulant se convaincre de ce qu’il voyait.

- Et bien, j’ai déjà vu des choses pas ordinaires dans ma vie mais jamais rien qui puisse rivaliser avec ça. Tu utilises ton don de bonne manière jeune fille, continue comme ça.

Pendant que le brocart cuisait, Veynhy sortit de son mutisme. Elle avait passé un bon moment à regarder les arbres qui se dressaient de l’autre côté du défilé, quinze mètres plus haut.

- Donc, vous devez trouver un passage pour aller là-haut ?

- Oui, répondait Yanel. On pense qu’il existe un passage quelque part mais la déchirure complique beaucoup les choses. Il faudrait pouvoir faire le tour complet du défilé mais elle ne nous en laisse pas le temps.

- On pourrait passer là, dit-elle en désignant un arbre qui s’élevait juste en face de l’éboulis sur lequel ils se trouvaient. Il faut faire tomber cet arbre et ensuite grimper sur son tronc.

- On pourrait aussi se fabriquer des ailes, répondit Yanel d’un ton amusé. Mais je n’ai pas mon matériel de couture.

- Tu pourrais faire ça, lui demanda Danka, faire tomber cet arbre ?

Elle comprenait qu’elle ne plaisantait pas en parlant de faire tomber l’arbre mais elle n’avait aucune idée de la manière dont elle pourrait s’y prendre.

- Je crois. Il risque juste de ne pas tomber dans la bonne direction. Mais je peux essayer.

- Fais-le alors, déclara Danka. Même s’il ne tombe pas bien, on ne risque rien à essayer. Merci Veynhy.

Ils rangèrent leur campement de fortune pendant que Lézandre terminait de préparer le repas. Comme à son réveil, Veynhy refusa la moindre bouchée de poisson et même à boire. Voyant le regard que Danka leur lançait, aucun des deux hommes n’insista pour la faire boire et manger,

Une fois les sacs prêts, ils redescendirent dans le défilé pour s’éloigner de l’endroit où l’arbre devait tomber. Pas de beaucoup car Veynhy devait garder en vue la base de l’arbre.

Elle s’accroupit et comme ils l’avaient vue faire la veille, elle ferma les yeux. Sa conscience migra vers les Terres médianes du rêve et elle retrouva la ville qu’elle connaissait si bien. Cette fois, elle tourna le dos à la tour et gagna les portes. La cité s’étendait le long d’un large fleuve tumultueux qu’elle n’avait jamais oser traverser, elle fit un détour pour emprunter un vieux pont de pierre. Au-delà l’accueillit une terre désolée et morte qu’un soleil vert desséchait. Elle l’avait déjà traversée mais cette fois, cela lui parut interminable. Sa gorge la brûlait de plus en plus quand elle réalisa qu’elle tournait en rond. Pour les voyageurs qui l’observaient, cela ne faisait que quelques secondes qu’elle avait glissé dans son demi-rêve alors que dans sa tête, elle peinait à trouver son chemin dans la désolation brûlante depuis des heures. Elle se traînait à genoux quand ses mains se posèrent sur une touffe d’herbe. De hautes collines s’étendaient maintenant devant elle. Elle trouva la force de se redresser et repris sa route, contournant les collines les plus hautes. Passant le faîte de la dernière colline, elle vit le désert glacé qui la séparait encore de la forêt qu’elle voulait atteindre. Après la désolation brûlante, le désert de glace lui parut passer en quelques battements de cœur. Quand elle passa la lisière du bois, elle avait perdu toute notion du temps passé à marcher dans cette terre onirique alors que dans le défilé, elle venait à peine de fermer les yeux. Sa gorge la brûlait mais elle parvint à chanter quelques notes, suffisamment claires pour faire trembler une feuille de chêne qui laissa échapper une goutte de rosée. Veynhy suivit la goutte du regard puis rouvrit les yeux et se redressa. Tendant la main, elle désigna du doigt la paroi rocheuse qui lui faisait face, visant un point à deux mètres sous le sommet. En un instant, une partie de la roche disparut, laissant place à un torrent d’eau qui s’écrasa au fond du défilé, à dix mètres d’eux. Il voyaient distinctement la trace qu’un globe avait creusée dans la paroi de roche, sur trois mètres de diamètre et la moitié en profondeur. Les racines de l’arbre qui avaient creusé profondément le sol apparaissaient maintenant dans le vide. Mais elles tenaient encore suffisamment, l’arbre n’avait pas bougé.

La haut-rêvante replongea dans son demi-rêve, retrouvant la forêt qu’elle venait de quitter. Sa gorge la brûlait encore et ses jambes flageolaient un peu mais elle se sentait plus sûre de son chant. A nouveau, elle rouvrit les yeux et tendit la main vers la paroi rocheuse où une nouvelle masse de roche se volatilisa en un torrent. Les racines les plus en arrière tenaient toujours bon mais le tronc bascula lui et si son pied resta dans les hauteurs, sa tête vint s’écraser pile là où ils le souhaitaient.

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