Arc Furēku/ Chapitre 10 - Le vieil ermite

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3 jours plus tard...

Jain peinait encore à ouvrir les yeux. Son réveil ne se fit pas à la légère.

La jeune fille se trouvait dans un lit fait de plumes de piafs. Malgré le froid mordant, la lourde couverture protectrice faite en laine de première qualité lui donnait plus chaud qu'autre chose. Jain regarda les alentours pour savoir où elle avait atterri. C'était une sorte de cavité souterraine. La grotte n'était pas très grande, à peine de quoi tenir à deux. Un peu plus loin, Jain entendait une forte cascade. Sûrement un point d'eau où elle pourrait se désaltérer. Elle était sérieusement déshydratée et avait très soif.

— Comment... suis-je... arrivée là ? se demanda la jeune Ponarienne, qui avait du mal à parler. Il y a quelqu'un ?

Elle ne se souvenait plus de rien. La seule chose qui lui restait dans la tête, c'était le sourire maléfique d'Okuza quand elle lui transperça le corps avec sa lance de glace. En se remémorant ce douloureux souvenir, Jain ressenti une très vive douleur dans le ventre qui la lançait impétueusement. La jeune guerrière gémissait de douleur. Elle voulait bouger et se relever, mais c'était impossible. En regardant son ventre de plus près, elle découvrit que son bas du corps était couvert de bandage et de sang.

Il fut évident que quelqu'un l'avait aidé. Cependant, elle était seule dans la mystérieuse grotte. À quelques mètres de sa position, elle pouvait y voir un doré jaune et des perchaudes en train de griller au-dessus d'un feu allumé tout récemment, ainsi qu'un petit tabouret en bois. Mais toujours aucun signe humain. L'inconnu avait-il pêché tout ce poisson pour la nourrir ? Non seulement elle avait soif, mais elle avait aussi terriblement faim.

Malheureusement, Jain était clouée dans ce lit de plumes et elle ne pouvait rien faire pour remédier à cette situation. Elle regardait le poisson roustir avidement. Elle en bavait littéralement et s'énervait en ne puissant rien faire d'autre que de toiser cette succulente nourriture qui n'attendait que d'être dévorée. Le retour de cette mystérieuse personne se faisait trop longue et Jain n'allait plus tenir très longtemps.

— Maraja... j'ai faim... aide-moi à... l'épée ! Où est-elle ?!

En invoquant l'esprit de Maraja, Jain se souvenu avoir laissé Hûmen entre les mains d'Okuza lors de l'affrontement sur le pont de Furēku. Sa faim fut irrémédiablement coupée par le souvenir honteux de son irresponsabilité. Elle devait impérieusement partir à la recherche de la lame légendaire, quoi qu'il en coûtait. L'artefact sacré du village de Ponara comptait plus que sa propre vie. La survie de son peuple en dépendait, l'esprit de Maraja y résidait depuis toujours.

Perdre l'épée, c'était condamner les siens vers une mort certaine. Il était hors de question que cela se produise. Alors Jain rassembla toutes les forces qu'elle avait dans son corps et son esprit, pour tenter de se mettre debout. Elle tenta en premier lieu de pousser avec ses coudes, afin de relever le haut du corps, mais son ventre se contracta et la jeune Ponarienne poussa un terrifiant cri de douleur. Elle s'écroula sur le lit à plumes. Jain respirait comme une mourante. Elle sentit que son bandage s'humidifiait encore plus.

Elle regarda de nouveau et remarqua que son pansement ventral s'était recouvert intégralement de son sang, ce qui signifiait qu'elle avait rouvert sa plaie. Son sang dégoulinait maintenant de partout. Cette fois-ci, elle ne pouvait plus rien tenter. Sa vue se troubla de nouveau. Elle allait bientôt tomber dans les pommes. Ses paupières se refermaient et s'ouvraient de manière frénétique, elle était prise de sueurs froides et d'une pâleur extrême. Avant de s'évanouir, elle aperçut une ombre non loin de l'entrée de la grotte qui s'approchait d'elle à grand pas.

— Qui... êtes...

Elle n'eût pas le temps de bien voir qui était la mystérieuse personne. Jain avait rejoint son subconscient. C'était un vieil homme fatigué, chargé de son butin de chasse : de la viande de loup blancs à foison qu'il traînait derrière lui à l'aide d'une corde bien confectionnée. C'était étonnant de voir qu'il était venu à bout d'une meute de bêtes sauvages à lui tout seul. Pourtant il n'en imposait pas avec sa taille, et sa démarche boiteuse et peu gracieuse ne lui rendait pas non plus service. La raison était tout autre. Il portait une tunique à capuche longue noire, exactement comme Okuza : C'était un sorcier.

Il avait eu recours à ses pouvoirs magiques afin d'abattre tous ces loups. Il posa les animaux morts près de l'entrée de la grotte et se dirigea vers Jain pour savoir si son état s'était amélioré. Mais ce fut le contraire. En voyant le bandage entier de Jain maculé de sang, il décida de le changer sans perdre une minute. Il savait que sa blessure s'était rouverte. Il remplaça le bandage et les points de sutures pour refermer la grosse entaille de la Ponarienne. Il observa le visage de Jain : La jeune guerrière grimaçait et transpirait abondamment.

Son front était chaud comme de la braise. Le vieil homme se dirigea au fond de la grotte pour accéder au point d'eau où se trouvait un seau déjà rempli. Le vieil homme l'attrapa tant bien que mal et revenu difficilement vers Jain. Il s'empara ensuite du tabouret en bois et s'asseyait au chevet de la jeune fille. Le vieux sorcier prit une petite serviette et l'imbiba d'eau, puis l'appliqua sur le haut du visage brûlant de la jeune guerrière. Avec ça, il espérait déjà faire baisser sa température. Le reste ne dépendait que d'elle.

— Okuza... alors tu es prête à tout pour t'emparer du Géant des Glaces... soupira le vieil homme. Jusqu'où ton ivresse de pouvoir te mènera, petite sœur ?

***

Après avoir essuyé les morsures d'un fort blizzard et gravi de périlleuses montagnes durant leurs trois jours de marche, Okuza, Nadaré et le jeune garçon arrivèrent enfin à l'Autel du Sceptre et du Géant.

C'était un immense temple, sublimé et forgé par la glace éternelle de Furēku depuis des millénaires. Il avait survécu à de nombreuses générations de Furekians. Une splendide cour enneigée précédait le temple.

Tous les ans, les villageois de Furēku s'y réunissaient pour les fêtes religieuses, notamment lors de la grande cérémonie du Protecteur. Un panorama montagneux et enneigé se dessinait devant eux, émerveillant leurs rétines d'une couleur bleue envoûtante.

Mais la beauté de ce somptueux paysage n'égayait pas le cœur de Nadaré qui se voyait forcé de laisser les rênes du Géant des Glaces à sa maléfique petite sœur.

— L'Autel du Géant. Nous y voilà enfin ! Après tant d'années, je touche enfin à mon but ultime.

— Tu as tué cette fille de sang-froid... Okuza, qu'es-tu devenue ?

— Celle dont j'ai toujours rêvé d'être : Une femme de pouvoir que rien ne pourrait arrêter !

— Où est passé la petite fille douce avec qui j'ai grandi ?

— Douce ? répondit-elle. Je n'ai jamais été comme tu me décris, Nadaré. Et le plus triste dans tout ça, c'est que tu le sais. Arrête de vivre dans ton monde, reviens à la réalité. C'est ce que je suis au plus profond de moi ! Je suis... le mal incarné.

— Jain n'est pas morte ! répondit le jeune Furekians. C'est l'épée qui me la dit.

— Peu importe qu'elle soit encore en vie. Je ne la laisserais plus se mettre en travers de ma route. De plus, sans son épée que j'ai en ma possession, la guerrière de Ponara ne pourra rien faire contre moi !

— Nos ancêtres serait furieux de voir ce que tu es devenue ! cria son grand frère Nadaré. Tu fais honte à notre famille !

— Si tu le dis ! En attendant, nos ancêtres sont morts et moi je vais jouir d'un pouvoir dont ils n'auraient jamais pu rêver ! De toute l'histoire du peuple Furekians, je vais en être la plus puissante. Avec l'infâme Soulza, je règnerais sur le monde !

— Non ! Jain reviendra et elle va te vaincre cette fois-ci ! cria le jeune homme. En attendant, je peux toujours essayer de te ralentir ! dit-il en sortant une dague de sa poche.

— Jeune homme, arrête ! cria Nadaré, désespérément.

Il ne fit pas attention au chef de Furēku et fonça tête baissée sur Okuza.

— Ceci est l'occasion de mettre un terme, une bonne fois pour toute, à tes espoirs, grande frère Nadaré.

— Meurs, sorcière ! cria le jeune homme, en essayant de viser le cœur d'Okuza avec son arme blanche.

— Okuza... non... NON !

Okuza dévia le bras du jeune garçon qui tenait la lame à l'aide de son pied gauche, lui prit la dague des mains et la lui enfonça profondément dans la gorge, puis la retira vite et violemment. Du sang gicla sur le sol et sur le visage d'une Okuza froide et impassible. Une énorme entaille pouvait se voir sur le cou du jeune Furekians.

Il tituba sur dix mètres en se tenant le cou et tomba par terre en étoile, son sang coulant comme l'eau d'une rivière. Le jeune homme décéda. Okuza déposa la dague sur le corps refroidi du garçon mort et reparti vers son grand frère, puis dit à un Nadaré pétrifié et terrorisé :

— Voyons, Nadaré. Est-ce là une attitude à adopter devant sa benjamine ? Tu es censé être mon grand frère pour rappel.

— Tue-moi, Okuza. Je préfère encore mourir que t'aider !

— Tu n'as pas d'autres choix que m'aider, mon aîné. Je connais des pratiques pires que la mort, que ta petite dignité de fragile ne pourrait supporter. Ne me tente pas, Nadaré !

Le chef du village n'osa plus adresser la parole à sa petite sœur, de peur qu'elle en finisse pour de bon avec lui.

Okuza lui ordonna d'avancer en le poussant sauvagement dans le dos. Ce dernier en perdit l'équilibre, manquant de tomber sur le sol de la cour enneigé.

Ils la traversèrent sans dire un mot. Les seuls bruits qu'ont pouvaient entendre, était ceux du vent et du son moelleux que faisait leurs bottines d'hiver dans la neige.

Ils s'apprêtèrent à quitter la cour pour monter sur les premières marches du temple, quand soudain, un curieux événement se produisit devant leurs yeux : de la neige se souleva en tournoyant sur elle-même et forma la silhouette d'un guerrier armé d'une épée et d'un bouclier.

Nadaré et Okuza reconnus sans tarder à qui cet homme en glace ressemblait. Ce n'était nul autre que Burrizado, le gardien du Géant des Glaces, mais aussi leur grand frère.

— Qu'est-ce que... ?! demanda Okuza, interloquée. Burrizado ? Comment est-ce possible ?

— Tu pensais pouvoir entrer dans le temple sans tomber sur aucune défense ? Tu as été naïve, Okuza. Et c'est ce qui va te perdre aujourd'hui. Pardonne-moi petite sœur, mais tu ne me laisse pas le choix. Pour le bien de mon village, ta vie s'arrête ici, répondit les larmes aux yeux, Nadaré, en continuant sa route vers le temple.

— Alors, tu... tu savais ?! Non ! Reviens ici, maudit Nadaré ! Si tu penses que c'est ce qui va m'arrêter, tu te leurres lourdement, grand frère ! Quand j'en aurais fini avec cette pâle copie, je viendrais pour te tuer ! cria-t-elle, avec sa voix vieillissante.

— Nous savons tous les deux que tu ne survivras pas à ce combat. répondit-il, en lançant un dernier regard meurtri à sa sœur.

Nadaré continua sa route vers le temple. Okuza prit la même direction que le chef du village, mais se fit bloquer par l'ombre glacée de son aîné. Burrizado lança une première attaque avec la réplique de la lance légendaire de Furēku contre la sorcière des glaces. Okuza esquiva de justesse en sautant en arrière, mais perdit l'équilibre et tomba au sol sur les fesses.

— Ces idioties ne sont plus de mon âge, s'exclama Okuza.

Pensant avoir ouvert une brèche dans la défense d'Okuza, Burrizado ne perdit pas de temps pour bondir sur la vieille femme, la lance entre les deux mains, pour lui porter le coup final.

Mais là encore, Okuza esquiva, mais pas sans indemnité cette fois-ci : ce dernier l'avait touché au bras gauche. Une entaille apparut et un filet de sang se ruissela sur son bras blessé. Folle de rage, Okuza cicatrisa sa grosse coupure à l'aide de ses pouvoirs de glace et concentra son aura au maximum. Elle brillait d'une couleur bleu clair. Son énergie magique atteignait les cieux, c'était un spectacle magnifique.

Nadaré interrompu sa marche vers le temple pour regarder ce qui se passait. En voyant la puissance d'Okuza monter de façon drastique, il paniqua. Nadaré jaugea la magie noire de sa sœur et elle était bien plus immense que celle de Burrizado à l'époque. Okuza était à peine visible avec toute cette énergie qui l'entourait. Soudain, tout s'arrêta et Okuza était de nouveau regardable.

La sorcière avait les yeux fermés. Elle inspirait et expirait comme si elle était en méditation. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, son regard avait changé. Il était plus malsain et sombre que tout à l'heure. Elle leva son bras en l'air.

Tout à coup, la couleur du ciel devint inquiétante. Le tonnerre grondait et des rafales de neiges se créent, sous les yeux médusés de Nadaré. L'ombre de Burrizado resta de marbre, alors qu'Okuza s'apprêtait à lancer une attaque dévastatrice.

— Durant toutes ces années, toi et Burrizado m'aviez pris de haut, sans savoir que dans l'ombre, grandissait une puissance magique jamais égalée dans l'histoire de notre village. La magie d'un cœur noir et froid, équivalente à aucune autre. Laissez-moi vous la présenter. Je l'ai appelée... "Chaos des Glaces".

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