"Pitié, quelqu'un..."

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« Aux secours… »

Le garçon serre plus fort ses bras autour de ses jambes pour les coller encore davantage contre lui. Peut-être que s’il se fait plus petit…

« Quelqu’un… »

Caché dans un recoin de la grange, derrière un tas de foin de l’enclos de l’unique vache que sa famille possède, il tremble. Depuis combien de temps est-il là ?

« Par pitié… »

Il n’a pas encore commencé à pleurer, mais il sait qu’il suffirait d’un rien pour que la digue lâche. Il est bien trop en état de choc.

« Papa, papa… »

La vache, Tulipe, meugle plaintivement à côté de lui, rendue nerveuse par la situation. Elle roule des yeux stressés et piétine la terre sous ses sabots, manquant pour un peu d’écraser malencontreusement son jeune propriétaire.

« Calme-toi Tulipe, s’il te plaît… »

Elle obtempère, mais le garçon sait qu’il n’a fait que retarder l’inévitable. L’animal a bien trop peur. Et il la comprend très bien.

« Je vous en conjure… »

Un vent nocturne entre par la porte béante, le glaçant jusqu’aux os. Et plus que ça : charriant depuis l’extérieur l’odeur métallique du sang.

« Quelqu’un… »

Un crissement manque de le faire tressaillir. C’est comme des pas lourds, accompagnés du son de fines lames qui frottent contre la terre.

« Que quelqu’un vienne… »

Le bruit se rapproche lentement, régulier et funeste. Le garçon veut fermer les yeux, mais ses paupières refusent de lui obéir, car il est trop tétanisé par la peur.

« N’importe qui… »

Tulipe roule des yeux fous à présent, incapable de se contenir plus longtemps, elle se met à ruer pour s’échapper ! L’inévitable finit donc par arriver : elle enfonce la porte de son enclos dont elle sort en trombe !

« Adieu… »

La pauvre bête n’atteint jamais l’extérieur, sa gorge s’ouvrant dans un geyser carmin, sectionné proprement. Son meurtrier n’a qu’à peine bougé.

« Papa, s’il te plaît… »

Le monstre ne se préoccupe même pas de ses griffes toujours barbouillées de rouge, alors qu’il lorgne sa victime de ses yeux de prédateurs. Sa langue râpeuse vient laper le sang encore chaud de sa proie, avant que ses crocs n’en déchirent sauvagement la chair.

« Aux secours… »

Le garçon a déjà vu la créature se nourrir, un peu plus tôt, il ne veut pas revoir ce spectacle macabre. Il souhaiterait de tout cœur se faire plus petit encore, mais il est d’ores et déjà tassé sur lui-même à son maximum.

Le bruit de mastication cesse brusquement, vite remplacé par le son de longues inspirations et d’expirations… Par le son de la bête qui hume l’air.

« Non, non, non… »

Ses yeux, toujours exorbités, observent d’abord avec terreur des doigts griffus et souillés de rouge se refermer sur rebord de l’ouverture défoncée de l’enclos. Suivi lentement par le museau du monstre, puis sa face poilue, surmontée de ses oreilles pointues et dressées sur son crâne.

« Non… quelqu’un, n’importe qui… »

Il sent ses sanglots percer enfin dans sa voix, alors que devant lui, la tête poilue est rejointe par le corps qui lui est rattaché. À peine vêtu par des haillons en lambeaux, celui-ci est trapus, musclé et couvert d’une fourrure drue.

« Dieu, si tu existes… »

Le loup-garou finit d’entrer dans l’enclos. Il le fixe, alors que la bave qui lui coule d’entre les mâchoires se colore du sang de sa dernière victime.

« Je ne veux pas mourir… »

Un grondement sort de la gueule du monstre alors qu’il se tapit sur lui-même, prêt à bondir. Des larmes de désespoirs dégoulinent sur les joues du garçon, tandis qu’il voit sa fin arriver.

« Par pitié… »

Le monstre est projeté brutalement sur le côté. Empalé par une épée en argent, que brandit un inquisiteur du culte de la Lumière, suivi par plusieurs soldats.

Le garçon hoquette, tétanisé.

Son sauveur retire son arme d’un mouvement fluide du corps mort du garou. L’odeur âcre de la chair maudite qui a été brûlée par la lame sainte s’élève dans l’air.

« Papa… »

Il ne perçoit qu’à peine le soldat qui vient se pencher à côté de lui, pour le soulever du sol et l’entraîner hors de la grange. Le garçon se laisse faire, trop sonné.

« Papa… »

Il a été sauvé ? Il entend comme dans un rêve la voix d’un autre soldat dire à l’inquisiteur des paroles que son esprit choqué ne comprend qu’à peine.

« D’après les marques de griffures sur son dos, il a été transformé il y a peu. Ce n’est pas le Garou-alpha. »

Le garçon se débat alors qu’il tend la main vers le monstre, horrifié. Il hurle :

« PAPA !!! »

Il a été sauvé, oui. Mais pas son père.

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