Entrevue

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Un carrosse de couleur rouge ocre aux angles durs, tiré par un attelage de chevaux à la robe brune, progresse dans les ruelles de la capitale de Lanternerg.

Le cocher mène d’une main sûre son véhicule à travers les grands axes, jusqu’au centre de la ville, là où se tient la base du culte de la lumière : la Cathédrale-solaire.

Celle-ci, intégralement construite de pierres et de bois de teintes blanchâtres, est couronnée de tours qui se dressent orgueilleusement vers le ciel noir.

Mais plus que tout, c’est la tour centrale qui attire le regard.

En effet, semblable à une immense aiguille qui domine toute la capitale, à son somment brille le gros orbe opalin qui baigne magiquement de sa lumière l’entièreté du pays.

Le carrosse s’arrête devant la volée de marches qui mène à l’intimidante entrée.

À peine le véhicule est-il immobilisé, que ses passagers ouvrent la portière et descendent par le marchepied métallique.

Sans perdre davantage de temps, les visiteurs gravissent à grands pas les marches jusqu'au portail.

À l’intérieur, un moine au crâne tatoué du soleil d’argent s’incline légèrement devant eux, avant de les inviter à le suivre.

Une série de larges couloirs plus tard, il les fait entrer dans une vaste salle. Sur toute la longueur de ses murs, des statues de toutes les grandes matriarches qui se sont succédé se dressent, intimidantes.

Au bout, sur une estrade, trône un siège vide recouvert de tissus argentés.

À son pied, un homme et une femme échangent à voix basse, côte à côte.

Tous deux sont vêtus de la tenue, contituée d'une robe blanche cousue de fil d’argent et d'une étole couverte de glyphes abscons drapée sur leurs épaules. Mais surtout, tous deux arborent sur le devant rasé de leurs crânes, un tatouage de soleil on ne peut plus complexe que celui des moines.

À la vue de leurs visiteurs, ils interrompent leur discussion pour les accueillir.

L’homme ouvre les bras alors qu’il déclare d’une voix profonde :

« C’est avec bonheur que le culte de la lumière vous souhaite la bienvenue, émissaires des Seigneurs des Lames-Ryuu. Sachez que nous nous réjouissons de votre présence en ce lieu saint. »

Les visiteurs répondent en s’inclinant de façon guindée.

Une femme à l’expression dure fait ensuite un pas en avant, se marquant ainsi comme la porte-parole du groupe.

« Je suis Alexandra Ryuu. Par ma bouche, les Seigneurs des Lames-Ryuu vous remercient pour votre accueil. Mais avant de continuer, veuillez pardonner mon ignorance, mais ai-je bien l’honneur de parler aux Voix de la lumière, représentants du culte en second après la grande matriarche ? »

« C’est exact. La grande matriarche est actuellement trop occupée par un rituel important qui requiert toute son attention. Nous la remplaçons donc pour cette entrevue. Nous espérons que vous lui en saurez gré. » Ajoute la femme.

Alexandra incline la tête poliment.

« Nous ne lui en voulons pas. »

« Parfait, dans ce cas, nous allons pouvoir passer à la raison de votre visite. » Enchaîne l’homme, approuvé par sa collègue.

L’un des émissaires pose aussitôt la main à son côté, proche de la garde de son épée, tandis qu’un autre croise les bras sur sa large poitrine, sur la défensive.

Sans s’en préoccuper, l’homme ajoute :

« Acceptez-vous de greffer votre territoire à notre pays ? Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, Lanternerg serait honoré de pouvoir compter votre noble peuple parmi ses sujets. »

Mais Alexandra secoue tristement la tête à cette déclaration.

« Ma famille m’a envoyé ici afin que je puisse mettre fin définitivement à vos insistances : je suis navrée, mais les Seigneurs des Lames-Ryuu refusent votre proposition. Nous sommes un petit pays, mais nous tenons à notre autonomie. »

« La lumière doit briller. » rétorque la femme, glaciale, ses mots aussitôt complétés par l’homme : « Et ce, sur le monde entier. »

« Nous avons pour philosophie la liberté de penser. Nos portes sont ouvertes à votre culte. Mais nous conservons notre indépendance de régence. » Leur contre Alexandra, posée.

Les visages des Voix se crispent, tels des masques de plâtre froid.

S’ensuit un échange vif, où ils enchaînent les arguments et contre-arguments, auxquels la jeune Ryuu répond le plus patiemment possible.

« Les Seigneurs des Lames-Ryuu sont connus pour leurs honneurs autant que pour leurs divins talents pour l’épée. Vous comptez parmi notre peuple renforcerait notre position… »

« Nous ne voyons aucune objection à mettre certaines de nos lames au service de vos forces, si vous vous êtes prêts à y mettre le prix. Nous vivons partiellement de la location de nos services. »

« Nos ressources pourraient être mises à votre disposition pour la création de vos armes… »

« Nous possédons déjà des gisements parmi les plus pures qui existent. »

« La grande Matriarche tient en estime votre peuple… »

« Et nous l’en remercions. »

« C’est la lumière que vous offensez par votre refus… »

« Nous n’offensons personne. Nous acceptons la lumière ! C’est la souveraineté de votre théocratie que nous refusons. »

« Lanternerg est un puissant pays, dont la grandeur s’étendrait à vous… »

« Nous avons déjà une belle réputation, comme vous l’avez vous-même dit. De plus, ce qui s’étendrait à nous, est surtout votre malédiction. Nous ne désirons pas subire votre nuit éternelle. »

Ce dernier argument appuie sur un point sensible. Alexandra le devine bien et regrette d’avoir été contrainte de mettre ce sujet délicat sur la table.

Afin de désamorcer la situation tendue, elle esquisse une révérence respectueuse à l’intention des Voix.

« Je crois que tout a été dit. Aussi, si vous le permettez, nous allons à présent nous retirer. Nos hommages à la grande matriarche. Si nous déclinons votre offre, je vous rappelle cependant que nous sommes, en revanche, ouverts à la possibilité de vous louer nos services… Que la lumière soit avec vous. »

« Que la lumière soit avec vous. » lui répondent les Voix à l’unisson, quoi que de manières bien moins sincères, visiblement.

Les émissaires des Seigneurs des Lames-Ryuu quitte la salle, sans un mot de plus.

Si les autres membres du groupes s’en vont, drapés dans leurs fiertés bafouées par le manque de compréhension des Voix, Alexandra, elle, affiche une expression navrée de la tournure de la rencontre.

Elle espérait arriver à un compromis, mais elle a vécu cette discussion comme un échec cuisant.

Or, s’il y a quelque chose qu’un Seigneur des Lames-Ryuu déteste, ce sont bien les échecs.

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