Chapitre 4 L'Auberge du Soleil Étincelant

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Une mince volute de fumée s'échappa de la pipe du viel homme assis sur une caisse de bois. Ses yeux vifs perdus derrière la broussaille de ses sourcils épais et profondément enfoncés , observaient attentivement les va-et-vients continu sur le port. Ses lèvres minces tiraient sur le tuyau de sa pipe et n' exprimaient aucun sentiment. Seule, une étincelle d'intelligence et d'espiègerie brillait dans ses yeux. Personne ne l'observait. Absolument désinterressés et très affairés, marchands, voyageurs et marins se bousculaient et se pressaient.

Un mouvement soudain agita la foule, tandis qu'un nom courait sur les lèvres de tous :

  • Withall... Arthur Withall ...

La famille Withall avait une place de choix au sein de la haute société. Dans la hiérarchie du royaume, elle se situait à la troisième place, la première appartenant la famille royale, la seconde à la famille Freewood, dont le fils aîné était le général favori du roi tandis que le second administrait les terres. Quand au duc de Withall, c'était un érudit et un magicien de génie. Il avait obtenu sa renomée au prix de précieux services rendues au royaume. Grand, déjà voûté par le poids des années, il dirigeait ses quatre fils d'une main de velour sous un gant de fer. Sa venue sur le port était d'une importance conséquente à son rang.

Le vieillard n'avait pas fait un seul mouvement alors qu'autour de lui tous essayaient de voir le duc ou se déplaçaient pour le laisser passer. En tant que premier magicien royal ,il venait acceillir la délégation envoyé par le Royaume Lunaire. Le Royaume d'Astror entretenait de bonnes relations diplomatiques avec ce pays féérique. En tant que magicien, Arthur était le mieux placé pour les accueillir.

Leur bateau arrivait justement au port. De la proue à la poupe, ce dernier semblait un exemple parfait d'élégance et de finesse. Il était d 'une délicatesse irréelle, à l'image de ses créateurs. Ses voiles étaient d'un blanc immaculé. Sur le pont principal, trois silhouettes se découpaient dans la lumière pâle du soleil. Il s'agissait du prince Fox Spiderwhite, de sa soeur Gloriosa et d'Aodh Diamondsparkle. Ils représentaient à eux seuls les plus talentueux éléments du royaume. Fox et Gloriosa se ressemblaient tant par la taille que par leur chevelure rousse, longue et bouclée. Le premier avait les yeux d'un gris clair et translucide, semblable à une goutte d'eau prisonnière d'une roche. Ceux de sa jeune soeur semblaient des saphirs éclatants. Aodh différait de ses compatriotes : s'il avait la stature élancée et les traits fins des fées, il tenait de sa mère humaine par les yeux bruns foncés. De plus il n'avait pas les ailes fines et irisés des enfants royaux. Ses oreilles pointues le faisaient plus ressembler aux elfes. Sans l'étrange tatouage qui s'enroulait à son poignet et montait sur son bras, on l'aurait confondu avec les archers.

Arthur Withall les reçut avec tous les honneurs dus à leur rang. Il dénotait au milieu de cette jeunesse, ses amples vêtement sombres contrastant avec les tenues originales et colorées des trois compagnons. Ils connaissaient le mage et s'entendaient bien avec lui. Gloriosa se permit de tendre le front pour recevoir un baiser paternel, son frère et son ami donnèrent l'accolade au digne gentilhomme. Le remue-ménage provoqué par cette arrivée avait permis au vieillard de se diriger tranquillement vers le carrosse de Withall ; là il confia au cocher un pli cacheté à remettre à son maître. Puis il s'éloigna tranquillement en traînant la jambe, comme un vétéran qu'une vieille blessure faisait soufrir.

Il s'éloigna du port pour se diriger vers des rues plus calmes des Bas-Quartiers et disparut dans l'entrebaillement de la banale porte d'une maison ordinaire.

Samantha l'avait observé et suivi. C'était elle qui lui avait donné cette mission. Elle s'autorisa un sourire satisfait qui s'effaça vite tandis qu'un pli de concentration apparaissait sur son front. Elle secoua ses pieds engourdis :

  • En route ...

La jeune femme tira plus avant sur son front le capuchon de son large manteau et s'y enveloppa. La journée s'annonçait longue et bien remplie. Elle respira pour chasser sa nervosité. Un paysage de blés ondulant sous le vent s'imposa à son esprit, chassant toute pensée décourageante. Son calme et sa confiance lui revinrent intactes et plus puissants.

Elle gagna d'un pas rapide la rue du Soleil Étincelant et s'arrêta à quelques mètres pour s'assurer de sa sécurité. Un garde patrouillait dans la rue , et s'assurait de la sécurité des commerçants et des passants. Elle remarqua un homme en partie dissimulé, très discret, qui veillait sur l'auberge. Aiguisant ses sens magiques, elle analysa ses intentions : concentration, sens du travail et fidélité. Elle était une fois de plus admirative de ses propres compétences.

En effet, elle avait la capacité, non pas de lire les esprits mais celle de comprendre les émotions. Sous forme de couleurs ou de motifs, rarement sonores, ces derniers contenaient l'essence des passions et des sensibilités. L'expérience acquise les lui rendait limpides à interpréter. Cette faculté, semblable à celle des empathes, lui facilitait la compréhension de ses adversaires comme de ses amis, et soutenait son épée lors des combats.

Elle se présenta à l'entrée de l'auberge et y entra, comme le ferait n'importe quel client. Sauf qu'elle n'en était pas un.

D'un coup d'oeil, elle repéra la table qu'on lui avait indiquée, face à la porte. Elle s'assit sur un côté. Une jeune femme en robe bleue pâle portant un tablier d'une blancheur immaculée s'approcha.

  • Bien le bonsoir, damoiselle, que puis-je pour vous ?
  • Donnez-moi de l'hydromel de Cantil, je vous prie.
  • Un gobelet ?
  • Une chope, plutôt, merci.

Ce dialogue, à première vue des plus banals, était en réalité le mot de passe qui allait permettre à la jeune femme de rencontrer le contact qu'elle attendait .

La servante eut un éblouissant sourire professionnel de ses dents parfaites et blanches.

  • Je reviens avec votre commande dans quelques secondes, damoiselle.
  • Je vous remercie .

Elle disparut dans un froissement de tissu. Samantha savoura sa boisson, patientant jusqu'à ce qu'on vienne la chercher pour la mener à son correspondant. Elle observait discrètement les consommateurs quand la jeune femme revint.

  • Si vous voulez bien me suivre, damoiselle.

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