Chapitre 11 Chrysante de Graywind

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Chrysante ajusta avec soins son foulard devant son miroir. D'un doigt pensif, elle lissa une mèche blanche et s'assura de la faire disparaître sous le tissu coloré. Elle l'avait choisi pour ses agréables nuances bleutées et satinées qui s'accordaient à celles de sa jupe. Il lui était précieux, car elle l'avait reçu en présent pour son anniversaire, le jour de la lune argentée.

Tissé par les mains habiles des tisserandes de la contrée et teinté avec soin, c'était un accessoire de prix, tant par le travail des artisans que par la valeur sentimentale qu'elle y attachait.

Le soleil se levait à peine, mais la journée commençait tôt à Graywind. Levée à l'aube, couchée au crépuscule, les journées de la paysanne étaient bien remplies.

Les vaches attendaient d'être traites, et il fallait changer les litières. Chaque saison venait avec son lot de travaux, semences, moissons, ou récoltes. Même la fille du chef n'y échappait pas. Elle devait gagner son pain comme les autres jeunes du village, et sa mère ne l'avait jamais laissée se tourner les pouces. Tout le monde devait mettre la main à la pâte, et Aranwäe montrait l'exemple à tous.

Chrysante l'admirait pour sa grande bonté et son courage à toute épreuve.

Aujourd'hui était jour de repos. La jeune femme comptait passer la matinée en compagnie de son frère de lait, à flâner et à musarder sans se soucier d'avoir dix-sept ans, courir dans les hautes herbes, sentir le vent fouetter son visage, attraper des lézards, rire à perdre haleine sans même savoir pourquoi.

Matthieu était sourd de naissance, mais les amis communiquaient par gestes depuis toujours. Ils se comprenaient comme des jumeaux. Leur complicité était à toute épreuve. Encore bambins, ils rendaient folle leur nourrice en disparaissant pendant des heures pour faire les quatre cents coups.

Plus tôt ils partiraient, plus vite ils éviteraient la présence des "autres", ceux qui ne les comprenaient pas.

Tap. Tap. Tap.

Le jeune homme frappait justement à son volet pour l'avertir de sa présence. Chrysante serra rapidement une ceinture autour de sa taille, réajusta sa tenue. Elle repoussa le contrevent pour signer :

J'arrive.

Elle sauta au sol avec légèreté. Un silence calme planait encore sur les chaumières. Sans bruit, afin de ne réveiller personne, les compagnons se glissèrent à la lueur pâle du petit jour dans la campagne endormie.

Graywind avait deux richesses : la grandeur de ses champs de blés qui dépendait d'un charmant ruisseau. Ce dernier coulait de la montagne et serpentait au milieu des cultures, donnant vie aux plantes. Plus loin dans la plaine, il rejoignait le grand fleuve qui se jetait dans la mer en traversant Astror.

Mais s'il avait son importance pour l'agriculture, il donnait tout son agrément au paysage. Il plaisait tant pour sa fraîcheur glacée l'été que pour son miroir réfléchissant sur lequel les enfants se plaisaient à glisser l'hiver. Sur ses rives croissaient une multitude de fleurettes et de végétation, et de grands arbres prodigaient une ombre agréable.

C'était là que se rendaient le plus souvent le duo, pour trouver quiétude et sérénité. Chrysante observait son camarade dessiner sur des ardoises ou sculpter des morceaux de bois, en sifflant dans des herbes ou dans des sifflets qu'elle se confectionnait. Elle admirait sans s'impatienter une oiselle construire son nid de brindilles avec son compagnon, ou taquinait une fourmi.

Les loisirs simples étaient multiples, et ensemble le temps ne leur était jamais un poids.

Allongée sur un rocher lisse au bord de l'eau, la damoiselle achevait de faire sécher ses vêtements trempés par l'onde, en observant son ami pêcher le gibier frétillant.

Chrysante se passa la main sur le visage, sentant une migraine lui venir. Il lui arrivait souvent d'avoir mal à la tête quand elle s'était trop étourdie de rayons de chaleur et de bouffées d'air.

Fermant les yeux, elle attendit que le malaise se dissipe. En vain. Il devint pire à chaque minute qui s'écoulait. Son corps entier était comme piqué d'une centaine d'épines et roué de coups. Elle ouvrit sa bouche, éprouvant de la peine à respirer.

La douleur s'aggravait et l'envahissait toute entière. Elle paniquat. De toutes ses crises, celle-ci était certainement la pire. Comme averti par un sixième sens, Matthieu accourut vers elle. Elle croisa son regard inquiet.

Aide-moi !

Dans ces situations, il savait quoi faire : il la souleva dans ses bras et courut jusqu'aux habitations sans reprendre son souffle. Bousculant sans le vouloir les gamins qui s'empressaient sur son passage, Matthieu la porta jusqu'à la maison de la sorcière, et s'engouffra sans frapper à l'intérieur.

Les gosses se massèrent devant l'entrée, trop effrayés pour oser passer le seuil de la magicienne. Cette dernière se planta devant eux, agitant la main pour les disperser et claqua la porte.

La scène n'avait duré que quelques minutes intenses, qui avaient comme arrêté le temps. Le bruit se tut, éteint par la surprise qui s'était emparée de chacun. Il reprit avec les activités un instant cessées. La vie du bourg recommença.

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