Chapitre 3 - 2 Les frères Frewood

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L'inconnu disparut derrière une tenture de brocart rouge et gravit les escaliers de bois grinçants qui menaient à l'étage. Au lieu de pénétrer dans l'une des pièces inoccupées et mises à dispositions des clients, il se dirigea vers le fond du couloir et poussa le mur pour emprunter un passage dérobé. Un escalier, un couloir sombre, une porte : l'issue le conduisit à un hôtel particulier qui donnait sur la rue opposée.

L'inconnu accéléra le pas et se dirigea dans une enfilade de couloirs jusqu'à une porte de bois massif devant laquelle il s'arrêta et frappa, sans prendre la peine de dépoussiérer sa pèlerine.

- Entrez.

La porte s'ouvrit en grand, révélant une ample pièce riche de mobilier, principalement des bibliothèques emplies de documents. Un grand bureau trônait derrière lequel un homme consultait des dossiers. Il ne leva les yeux qu'à l'entrée de son visiteur, qu'il n'attendait visiblement pas.

- Bonjour, Lord Nostel.

L'homme, surpris, laissa s'échapper une exclamation d'étonnement et lâcha sa plume.

- Brorel ?

L'inconnu repoussa sa capuche, dégageant une figure aux traits fins d'aristocrate. Un nez droit, des lèvres minces et sérieuses, des yeux gris perçants qui lui conféraient une allure sévère. Ses longs cheveux noirs étaient attachés sur sa nuque. Il avait un visage sérieux qui reflétait la maturité malgré sa jeunesse. Il devait avoir à peine vingt-cinq ans.

L'autre homme lui ressemblait étrangement. Leurs yeux avaient la même nuance d'orage, et leurs visages présentaient des traits similaires. Seule leur stature et la teinte de leurs cheveux différaient. Nostel était de taille moyenne et mince, ses cheveux blonds étaient coupés courts, et une barbe finement taillée adoucissait ses traits. Brorel quant à lui, était grand et musclé, mais ses vêtements larges dissimulaient sa haute stature.

- Tu m'avais dit partir dans le Nord pour une mission de haute importance, interrogea Nostel en fronçant les sourcils. Pourquoi es-tu rentré si tôt ?

Son frère ne répondit pas et s'installa confortablement dans le fauteuil qui faisait face à la table, ne craignant pas de poser ses bottes sur le secrétaire, dans une attitude nonchalante.

- J'ai besoin de ton aide, articula-t-il.

Sa voix grave contrastait avec celle maniérée de son frère.

- En quoi puis-je t'être utile ?

Ce dernier renonça à savoir l'essentiel.

- J'attends une importante visite dans la journée . J'ai organisé une entrevue avec mon correspondant à l'auberge et j'ai besoin de ton aval pour le loger ici.

- Bien sûr. Cette maison est la tienne, Brorel. Mais de qui s'agit-il, enfin ?

- De quelqu'un d'important.

- Et ?

- Et ?

Le visiteur prenait un malin plasir à taquiner son vis-à-vis. Le sourire sur son visage indiquait qu'il n'avait aucunement l'intention de révéler quoi que ce soit de confidentiel. Nostel reconnut avec irritation son regard moqueur, le même qu'il avait quand il jouait des farces à son benjamin, du temps béni de leur enfance. Il changea de sujet.

- Tu vas bien ? Tu n'as pas été blessé ?

Brorel s'était déjà levé, impatient. Il avait ce qu'il voulait et ne tenait pas à s'étendre sur lui-même. Il se dirigea vers la porte et prononça :

- Je suis content de t'avoir vu. À plus tard.

Il avait déjà quitté la la salle que Nostel ne s'était pas remis de cette soudaine marque d'amour. Brorel était plus qu'avare de compliments et de signes d'affection.

Que signifiait donc cette soudaine algarade ? Après quelques secondes d'intense réflexion, il abandonna : son frère était aussi imprévisible que la mer, tantôt calme, tantôt tempétueux. Il soupira sans vraiment savoir pourquoi et se replongea dans les dossiers dont la pile ne diminuait pas aussi vite que le temps lui filait entre les doigts.

L'administration du domaine Wigladel était chronophage. Il se sentait vieux avant l'âge. En seulement trois ans, des cheveux blancs étaient apparus dans ses cheveux clairs et des cernes sombres cerclaient ses yeux. La fatigue assombrissait sa physionomie, néanmoins éclairée par le sourire qu'il affichait la plupart du temps, noblesse et jeunesse obligent. Un nouveau soupir lui échappa. Qu'aurait-il donné pour prendre la place d'un simple fermier ! Ces derniers ne se rendaient visiblement pas compte des responsabilités et du travail qu'impliquaient cette position de choix.

Actuellement, il avait à gérer un domaine de près de vingt mille cinq cent hectares, seul, et ce sans compter ses obligations de cour et les intrigues qui y pullulaient. Son frère était soldat et lui avait laissé les rênes du duché, avec mission primordiale de s'en occuper de son mieux. Ce qu'il essayait de faire mais jamais aussi parfaitement qu'il l'eût désiré.

Les soucis étaient aussi nombreux que les quémandeurs qui venait frapper à sa porte. Nobles comme paysans, il s'efforçait d'écouter leurs requêtes et de les aider, oubliant ses propres préoccupations pour celles de ceux dont il avait la charge.

Le moral n'allait plus. Nostel secoua la tête pour évacuer les idées noires et décourageantes qui l'envahissaient inexorablement. En désespoir de cause, il quitta son bureau en claquant la porte derrière lui.

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