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Diana n’est pas rentrée. Elle est peut-être morte. Qui sait ? Il pleut des flèches dehors. La lueur naît de la nuit comme un horizon sage où viennent s’échouer les bateaux de nos souvenirs. Le vent les amène, quel bon vent ? Et ils meurent, là, sans demander leur reste. A quoi bon, encore ? Nous demande-t-on de sourire face à la mort ? Il doit bien y avoir un secret derrière tout ça. Comme une coccinelle qui ne fait pas le printemps, qui trime encore, à point nommé. Il vient le vent des ardeurs, lourds des notes des pensées qui nous traversâmes jadis. Ces odeurs d’encens incendiaires qui volent comme des cendres ou des pollens. L’enfant jongle dans sa niche, sous le regard lourd des chaînes centenaires. Il se demande où va le soleil quand la corde à sauter des montagnes le renverse et le noie dans les encres du soir. Le rouge lui monte aux yeux, il voit trouble et tout s’arrête. Continuer serait une illusion, l’illusion d’un futur qui existerait dans le présent mais en avançant, on met le pied dans le vide d’une fourmilière asséchée. Le ventre s’ouvre sur des grilles enfumées où sèchent des larmes. Jadis, les chagrins s’offraient à la mer, on en dessinait des mots sur le sable que les vagues venaient caresser d’écume, elle les prenaient et les effaçaient dans un roulis immortel. Puis venait le temps des adieux, les oiseaux de mers s’envolaient vers le ciel comme des voiles d’argent. Je leur lançais mes rêves comme des avions de papier qu’ils prenaient sous leurs ailes jusqu’aux lointaines îles où fleurissent les merveilles. Alors le temps s'arrêtait, l’enfant était le chemin qui ne mène nulle part, comme une ronde qui n’en finit pas. Les yeux bleus et verts des lacs qui font pleurer les montagnes s’ouvraient sur les grottes où l’homme et l’ours eurent ces liaisons sauvages, autour d’un feu à peindre à la griffe des murs l’histoire d’une espèce. Le béton rendra les armes que les troglodytes, encore, charmeront ces éternelles alcôves de leurs chants mélancoliques. Alors les rivières dépeuplées retrouveront leur lit et les nuages, dans le ciel, bailleront dans les zéphyrs. Leurs ombres caresseront des plaines vides et sans fleurs où gisent les cadavres des frigidaires. Il y aura des pneus sur des routes et des moustiques y pondront les oeufs d’un renouveau encore incertain. Le têtard y séduira le hanneton et tout recommencera. Il y aura ces creusets fumants et crevés d’où fumerolleront des nuées éparses, les tombeaux des erreurs comme des boîtes de pandore. Et l’espoir dans le fond mais nul oeil pour s’y plonger. Il y aura les sifflets des feuilles agitées et fines qui s’effraient quand s’envole la brise et qui meurent d’une bourrasque, fragiles. Les chemins seront à retrouver entre les diapasons qui ne veulent plus donner le ton. Il pleure des étés qui furent et des hivers nucléaires, il pleure et Diane n’est pas rentrée. Elle est peut-être morte, qui sait ? Le jardin a fané et l’enclos est ouvert. Elle a couru après un papillon. C’était le dernier papillon. C’était le premier papillon. C’était un papillon, valait-il qu’on meure pour cela ? Quand je regarde par la fenêtre qui sourit, d’un doigt j’efface son souvenir, comme d’un tableau noir où la craie a séché. Cela fait si longtemps. C’était hier, c’était le début et aujourd’hui il faut que j’éteigne la lampe qui brûle dans ma bouche. Elle pourrait me brûler. Si cela arrivait ? Derrière moi Diane est rentrée, elle regarde par la fenêtre, elle m’attend, je suis peut-être mort, qui sait ?

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