11/05

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Le vent rôde, il s’est calmé après avoir tant soufflé, comme le grand méchant loup des contes. Il a pouffé soufflé, il s’est éreinté sur les rocs des maisons comme une haleine de monstre. Pas de lune ce soir, les nuages traversent les cieux comme des lévriers, il y a des ombres entre les étoiles et des cordes à linge où sèchent les nuées après les averses. Les mots sont creux comme des couloirs, les ténèbres flottent dans l’air froid. Le mois de mai fêtes des saintes glaces de la belle manière, celle qui donne envie de remettre le chauffage et des chaussettes à ses pieds, les épaisses en laine que t’a tricotées tatie Danielle entre deux masques. Tu as sorti l’atlas des destinations. La liberté est encore une illusion sous contrôle, elle est comme le taureau dans l’arène, elle piaffe, sans trop savoir à quelle sauce elle sera mangée, bourguignonne ou flamenco. Tu grattes des pays et des routes de tes yeux, tu as faim de ciel bleu et d’essence, il y a tant de montagnes à gravir, de neiges à caresser, de fleurs à flâner. Tu as mis le ventilateur en route, celui qui souffle de l’air chaud, il agite tes cheveux comme un zéphyr de plage. Tu avales les virgin verres d’eau en caressant ta peau de doigts soleil. Tu glisses et t’égares, oh, que faites vous là ? Tu inventes les jeux comme au casino, côte d’azur, Monaco, pourquoi pas, tu ne connais pas. Tu l’imagines blonde, la lèvre pulpeuse et la langue savante, une aventurière des corps, rompus aux grivoiseries d’équateur. Lasse des tropiques, elle danse sur des rythmes lunaires, gravite en orbite, taquine la queue des comètes. Tu comates, trop d’evian dans le sang, déviant vers les rêves apogées, des gouttes sur ta peau, comme une brume d’embrun, eau thermale d’un été qui ne vient pas. Il y a la musique qui trame ses notes comme des lignes et des filets, elle qui déploie ses appâts, ta main et sa main qui ne sont qu’une, tu es distrait, la musique à changé, trop vite. Tu ne te souviens plus du titre, ça ne va pas du tout. Les mots commencent à te fuir, ils te distancent comme des fusées sur un tarmac, tu as ce rythme d'ascenseur, d’escalier, de colimaçon. Tu en baves, tu sonnes le rabat, la retraite, les fous sont trop loins, tu es trop loin. Il y a les vagues qui t’ensevelissent, les larmes salées des dieux primaux qui rodent et taraudent, les graviers qui roulent sous ton pied nu. Ta sirène qui chante dans sa conque, comme une hawaïenne quelconque, elle clame les corbeaux du sien, elle charme les yeux, les oreilles, le nez qui aspire des mers à boire et à avaler, qui remplissent les poumons d’une lente et délicieuse agonie. Le poisson globe est comme une lune au fond des abysses, on dirait cette loupiotte ikea qui te faisait de l’oeil. Tu ne l’avais pas prise. Comment s’appelait-elle ? Brijflikk ? Oternund ? Tu n’en sais rien. C’est trop tard maintenant. Tu rêves de la lune et d’elle seule, pour éclairer un tapis de fougères au fond d’un bois oublié, loin de tout. Une forêt indomptable dont tu serais l'hôte indompté, liberté, communion. Tu chantes avec les loups et tu fais l’amour aux mandragores. Comme Robinson Crusoé. Ça t’avait marqué ça, le brave Robinson fourrageant les troncs d’arbres et les mandragores. Tu le comprends. Il y a l’homme et la nature, les semences et les récoltes, les mandragores et ton corps d’amant. C’est un parfait tableau, une idylle inavouable. Tu es lassé des hommes et des mots, tu es le sauvage, le muet, tu es le rejeton rejeté d’un monde trop lisse. Tu cherches le brut, l’abrupt, le versant sombre des monts d’or et de lumière. La gloire vole dans le ciel comme une colombe. Tu es le crapaud dans la mare, tu nages enfin, amphibie, dans cet état de grâce boursouflée qui t’enchante. Les viscosités où tu te vautres sont chaudes et accueillantes comme des utérus de mère, Mère nature et toi son enfant en son sein. Tu tournes, donne des coups de pied, te loves. Tu renoue avec cette dualité que chacun a cherché, cherche, ce besoin d’un tout plus grand que soit que l’on a tant nommé et construit, habillé de vêtements mythés. Tu l’as compris toi, ce besoin d’âme soeur, ce besoin d'âme mère, ce goût de l’amer et du sel de vie, toi qui plonges dans les méandres bourrelés des terriers moulants, les creusets de terre et de fange d’où la vie s’extrait, prolifère, grouille et fourmille. Végétale, animale, minérale, inerte et en suspens, en gestation, enceinte de graines en devenir. La terre tu t’en couvres le corps et l’âme, tu l’habites et elle t’habille, tu l’enfiles à longueur de cœur. Elle te porte dans son sein comme un oeuf dans un cloaque chaleureux. Tu t’es renfermé dans ta coquille, loin des quêtes de perfection et de désir nouveau, loin des compétitions et des courses en avant, sans jamais s’arrêter. Le temps a ouvert ses directions comme un carrefour nouveau et étrange, tu hésites et tournes, tu es comme cet oeuf ou cette larve inconnue qui donnera un jour l’éphémère spectacle de l’oiselant volatile ou de l’éclatant papillon.

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