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Elle avait des yeux de pluie et des mains, comme des essuie glace, chassant les éclats humides et les orages d’un geste élégant, emprunté aux plus grandes éventeuses de gypse et de voyage. Et sur les routes nues, balayant le souvenir des ondées d’un mirage sage, et à l’ourlet brodé de sa robe d’été, quelques gouttes accrochées, un peu de boue qui sèche et scintille de reflets mats. Et dans les escaliers, elle glissait comme un courant d’air dans la canicule, comme un ruisseau sur la forge battue des fers, et des étincelles de poudre faisait de son teint de pêche des allures de cathédrale ou de quatorze juillet, elle frôlait les corps affolés, émoussés comme l’écorce des arbres par le pas lent d’une biche. En un instant c’est l’oubli, le dictionnaire démis de ses fonctions par quelque révolution lunaire et et les bafouilles qui s’entortillent dans les doigts au fond des poches. L’on baisse le front comme devant une idole païenne et pâle, de la paille plein les yeux, du foin qui sent bon l’été et cette idée d’amour pastoral dont on rêvait enfant, alors apparaissent ses pieds, des pieds nus d’orichalque, d’odalisque sur les marches sombres, charnus comme des fruits de neige, comme un buisson de groseille gelé aux ongles rouge acide qui glissent avec l’élégance baroque des voûtes romanes et des fugues de Bach. Oh, sans fétiche l’on s’entiche, de ses pieds là, et l’on se voudrait fétu, ou fichu et comme un Christ les laver, les embrasser, les chérir, les couvrir d’oliviers et de lauriers et flatter cette cheville comme une relique sainte, et ce mollet au galbe pur qu’un mollah, tremblant, dévoilerait à jamais. Mais de ce pas léger elle s’éclipsait comme Vénus à l’aube, diaphane apparition derrière l'horizon de sa porte, alors dans un soupir lourd, la chaleur revenait, les crampes et les démangeaison, la sueur dans les yeux et les cheveux qui collent aux oreilles, et pourtant tout cela a perdu sa saveur, comme délavé à la vapeur d’un volcan entraperçu, et l’âme s’attarde, un peu dans le dos, incrédule. Les mots reviennent, et l’on dit bonjour aux inconnus, l’on lève le regard, cherchant dans le ciel un peu d’elle, un peu d’aile et de lumière, un peu d’hier et demain, ses mains, que l’on s’imagine saisir comme une tasse de thé brûlant, comme un rituel, serrer les doigts de soie, suivre chaque ligne, chaque route, découvrir Samarcande au creux de son pouce et les eaux sauvages du Don et de la Volga dans le lit des veines qui bleuissent à son poignet. Et l’on se noie dans la poésie, dans les venins fabuleux et exotiques des fleurs du mal, l’on papillonne les rosses roses, l’on libellule les pervertes pervenches, l’on coccinelle les délétères digitales, un doigt sur la rime et l’autre perdu, poucet sans mie ni caillou que son coeur. Gravé d’indéchifrosités nébuléennes comme une pierre de rosette. Il voudrait le glisser sous sa porte, dans l’huis, dans elle, mais il est trop plein, trop plein de mots tus comme de duvet, doux et volatiles. D’une plume il les étale, les capture à la volée, les encre de poésie et les laisse, dessous la porte.

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