Chapitre 2
Assis à l'arrière de la Twingo de Lucas, Mehdi ricanait en trifouillant son smartphone.
— C'est toujours notre rencard ? plaisanta Fred en se retournant du siège passager.
— Yes ! Ce pd a vraiment la dalle !
— Il dit quoi ? demanda Lucas qui faisait son possible pour rester concentré sur la route malgré la pluie battante.
— Il dit qu'il a hâte et qu'il est excité rien qu'à l'idée de me faire du mal !
Mehdi et Fred éclatèrent de rire.
— J'suis toujours pas convaincu que ce soit une bonne idée, les coupa Lucas. C'est peut-être un gars bien…
— On va pas lui faire de mal, reprit Fred. La vie de ma mère, tu fais ton coming-out ou j’rêve ?
Malgré sa concentration, Lucas lui décocha une droite dans la mâchoire.
— Ferme ta putain de gueule, j'suis pas pd ! Mais j'suis pas homophobe pour autant !
Son ton ferme et sérieux effaça aussitôt les sourires niais des visages de ses comparses. Mehdi se pencha alors en avant pour poser ses mains sur les épaules de son ami.
— T'en fais pas, mon pote. C'est juste une blague. Rien de pire que celle qu'on faisait au téléphone quand on était gosses.
À moitié rassuré, Lucas soupira bruyamment, ce qui dégagea un nuage de buée qui se déposa droit sur ses lunettes. De sa main gauche, il lâcha le volant pour les essuyer d'un revers.
— OK, mais si ça tourne mal, on se casse vite fait, d'accord ?
En signe d'approbation, Mehdi tendit son poing entre les sièges et Lucas vint le cogner avec le sien.
— OK, Fred ? insista-t-il.
Le grand blond au crâne rasé imita ses camarades en roulant des yeux, un sourire en coin sur les lèvres.
—
Arrivé à destination, Lucas fit de son mieux pour garer sa voiture à l'abri des regards indiscrets, tout en s'assurant d'être assez proche de l'entrée en cas de pépin. L'usine désaffecté où Mehdi avait donné rendez-vous à leur victime se trouvait à quelques encablures de la sortie de la ville. Autrefois une société de papier prospère, ce n'était plus qu'un ensemble de bâtiments en béton décrépis et délabrés. L'obscurité et la brume causée par les pluies diluviennes des dernières heures accentuaient l'aspect lugubre de l'endroit, ce qui fit frissonner Lucas.
— T'as la lampe de poche, Fred ? demanda-t-il, la voix tremblante.
Ce dernier finit de se soulager dans un buisson devant la voiture, avant de la brandir pour éclairer les alentours en la balançant de gauche à droite.
— Faut être complètement taré pour venir baiser ici au milieu de la nuit, ajouta Mehdi en fronçant les sourcils sous la capuche de son sweat-shirt camouflage.
— Nickel, c’est juste là, s'exclama Fred en pointant la lampe vers un passage dans le grillage qui entourait l'usine.
Tandis qu'ils le traversaient, Lucas se figea en apercevant les bâtiments qui se dessinaient dans la brume à quelques mètres devant eux.
— Allez, fait pas ta fiotte ! s'agaça Mehdi à son encontre avant de poursuivre son chemin, suivit de près par Fred.
Lucas serra les poings et les rattrapa avant de se faire distancer. Une ouverture dans le béton indiquait qu'une porte s'était autrefois trouvé à cet endroit. Mehdi y passa la tête en éclairant l'intérieur pour s'assurer qu'ils étaient encore seuls.
— T'es là ? appela-t-il en accentuant volontairement son accent marocain.
Sa voix se répercuta dans l'immense bâtisse, mais aucune réponse ne leur parvint.
— Et maintenant, c'est quoi le plan ? demanda Fred avec une excitation palpable dans la voix.
— On se planque à l'étage et on attend le gars, répondit Mehdi en désignant l'ouverture au-dessus de leurs têtes. C'est normalement la seule issue, de là-haut, on pourra pas le rater, poursuivit-il avec un rictus sadique.
— Quoi ? C'est tout ? s'inquiéta Lucas. Et après ?
— Après, on avisera…
— J'suis pas sûr que…
— Ferme ta gueule, bordel ! le coupa Mehdi à la stupeur générale. L'échelle est par là, venez !
Sans leur laisser le choix, Mehdi se dirigea d'un pas rapide vers le fond de la pièce avant de disparaître par une ouverture.
— Grouillez vos culs !
Fred et Lucas s'exécutèrent en échangeant un regard inquiet face à son agressivité subite.
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