Tâche en cours
Le cadavre de Jean refroidit encore dans la pièce quand je sors. Je claque la porte derrière moi. Je laisse les autres nettoyer. Ce n’est pas mon rôle. Mon rôle, c’est penser. Planifier. Je traverse le couloir du sous-sol sans un mot. Les néons au plafond grésillent. Le béton sent le sang séché et le chlore bon marché. Je monte dans ma voiture. Pas un mot à l’équipe. Pas un regard.
Je rentre chez moi. Mon appartement est vide. Minimal. Pas par goût esthétique — par nécessité. Rien ne m’encombre. Ni meubles. Ni souvenirs. Je m’assois dans le fauteuil en cuir, j’ouvre mon carnet. Je note :
- Sujet 27 : Jean Durand. Réaction : croyance naïve. Transformation émotionnelle observée. Durée de l’effet : 2 min 18. Résultat : optimal.
Je referme. Puis je passe à la liste suivante. Celle que personne ne connaît.
- Sujet 28 : Marco Santini. Alias : Le Patron.
C’est un nom écrit depuis longtemps. Mais je ne l’ai pas encore souligné. Je ne suis pas pressé. Monter au sommet ne se fait pas en courant. Il faut démontrer. Précision. Résultat. Maîtrise. Et légitimité. Je sais ce qu’ils disent. Que je suis loyal. Froid. Robuste. Efficace. Mais moi, je vois leur peur. Leur fascination. Je vois qu’ils m’obéissent plus qu’ils ne lui obéissent, à lui. Marco. Le vieux lion qui ne sort plus de sa tanière. Le roi fatigué, qui délègue tout et ne comprend pas que le trône se vide lentement. Il pense que je suis son outil le plus fiable. Il ne voit pas que je suis déjà son héritier. Naturel. Inévitable. Je n’ai pas besoin de renverser. Il tombera tout seul. Il me suffit d’attendre. Et quand ce sera le moment, je viendrai terminer ce que j’ai commencé dans les yeux de Jean. Pas avec colère. Ni vengeance. Juste avec méthode. Et une balle.
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