Naissance ou mort
Le patron me convoque. Un dîner privé. Tapis épais. Cigares lourds. Bougies taillées dans le silence. Il me regarde comme on regarde un animal fidèle qu’on ne sait plus comment contrôler. Il parle beaucoup. Trop. Il me félicite pour “le travail bien fait”, pour “l’efficacité sans faille”. Toujours ce mot. Je souris. Poliment. Je bois son vin. Je mange sa viande. Je joue encore un peu au chien. Mais bientôt, je mordrai la main. Il me croit encore utile. Et ça me suffit. Pour l’instant.
Dehors, la ville tremble doucement. Des choses bougent. Des clans remuent. Des alliances se fissurent. Les anciens ont peur. Les jeunes sont perdus. Et moi, je suis calme. Je connais chaque faille. Chaque nom. Chaque dossier. Je connais leurs faiblesses. Leurs habitudes. Leurs familles. Et plus que tout : je sais attendre. Mon plan est simple. Parfait. Silencieux. Je ne vais pas prendre le pouvoir à coups de feu. Non. Je vais le cueillir. Comme un fruit mûr. Au moment exact. Un jour, les hommes ne se souviendront plus de Marco Santini. Ils parleront de moi. Ils diront mon nom avec prudence. Avec respect. Avec crainte. Ils diront : il ne ressent rien... mais il voit tout. Parce que je n’ai pas besoin d’émotions. J’ai besoin de contrôle. Et c’est ce qui me rend différent. Ce qui me rend inévitable. Je ne suis plus l’ombre d’un homme. Je suis l’homme qui vient. Et personne ne m’arrêtera.
Mais parfois, dans les silences trop longs, dans les nuits sans opération, une pensée me traverse — fugace, mais insistante : "Et si tout cela n’était qu’une autre illusion ? Une autre cage, plus vaste, dont je suis juste le roi solitaire ? Si le vide finit par gagner... quel sera ma fin..."
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