L'Occident marche sur la tête

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Je me sens fatigué. Je suis fatigué. Nausée. Maux de tête. Je cherche le soleil. Mes yeux accompagnent la course des nuages, mais le soleil n'est pas à la ligne d'arrivée, puisqu'il n'y a aucune ligne d'arrivée dans le ciel. Le temps est gris, mon esprit noir, et mes nuits blanches. Je suis fatigué. Voilà que je me répète ! J'oublie tout : ce que je dis, ce que j'écris.

J'écris pour sortir du trou où je me trouve. Mais peut-être que j'écris en réalité pour prendre de l'élan et mieux y plonger. Je ne sais pas s'il s'agit d'une remontée ou d'un bond, d'une mue fusant vers le ciel (à la verticale nette comme une érection matinale) ou d'un saut où on tomberait de trop haut pour espérer revoir le jour et sa lumière (fût-ce la lueur naissante de l'aube ou même celle mourante du crépuscule) ; ou bien, peu m'importe ; ce n'est qu'une question de point de vue après tout.

Où suis-je ? Et qui suis-je ? Il n'est pas bon que je me pose trop cette question ! Je le sais, et pourtant j'y succombe chaque fois. Apprenons un peu à nous perdre de vue bon sang ! Apprenons à ne plus être contemporain de nous-même ! Apprenons à désapprendre ! Et apprenons à envisager surtout les choses d'une manière sportive, acrobatique – mais oui ! Regardons à la hauteur des pieds : poirier tête en bas, pieds en l'air, laissons-nous regarder de haut. De la sorte, nous aurons la liberté de nous mouvoir dans le monde d'en bas et dans cette ère du silence (en deçà de la bouche et de la ceinture), nous verrons alors les choses différemment – le point de fuite sera autre, et la perspective fuira aussi vers un ailleurs peu connu des hommes.

Je garde l'équilibre dans ce déséquilibre où mes pieds imposent un tête-à-tête à leurs yeux et où ma tête force le dialogue avec leurs pieds. Je marche sur la tête et je pense avec mes pieds et nulle personne ne trouve cela pourtant étonnant ! Je suis en fin de compte oublié, effacé. L'étrangeté est ainsi familiarisée, et par là la peur qui y est corrélée, « dressée », à cause du regard qui consiste à vous voir seulement pour ne plus vous apercevoir. Et ceci a un nom précis, vulgaire, reconnaissable parmi d'autres : l'ignorance. On vous voit à travers (comme un coup d'épée !), ou on vous voit en vous enjambant avec la soudaineté d'une pluie qui tombe. Vous n'êtes plus rien. Mais l'avantage d'être ainsi ignoré, c'est que j'aurai dorénavant tout le loisir d'observer sans craindre d'être puni en retour et donc d'en payer le prix, jusqu'à ce que je n'y tienne plus.

Mais comprenez enfin ! Ma marche en poirier bascule l'ordre du monde : le nord désormais le sud, le sud le nord, et l'Orient et ses orientaux (ma belle-famille), tous à l'ouest sans même qu'ils ne le sachent ! Comprenez que cette nouvelle perspective me sera profitable pour écrire. Mais dépêchons-nous quand même. Rien ne dure.




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