CHAPITRE 2

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Le jour commençait à peine à se lever, les premières lueurs de l’aurore m’éclairaient la voie en direction de la maison. Les volets de devant étaient toujours fermés donc mes parents dormaient toujours. Je fis le tour par l’extérieur pour me retrouver sous la fenêtre de ma chambre. Par chance, la totalité de l’étage m’étais réservé, le balcon y compris. J’escaladai la gouttière jusqu’à celui-ci, rentrai dans ma chambre par la baie vitrée restée ouverte et je me glissai dans mon lit. Mon réveil affichait 6h50, il me restait dix minutes avant qu’il ne sonne.

Comme chaque matin, je me préparai et hissai mon sac sur l’épaule avant de dévaler l’escalier. Je passais par la cuisine pour attraper une viennoiserie et avaler un café rapidement.

- Oh divin nectar ! Lâchai-je en dégustant les premières gorgées de ma boisson chaude.

- Chérie, à quel moment notre fille est-elle devenue un monstre assoiffé de caféine ? Plaisanta mon père.

Mes parents, attablés sur l’îlot central, rirent ensemble. Je les laissai à leur petit-déjeuner et m’éclipsai pour attendre mes amis à l’extérieur.

J’étais assise sur le muret qui encerclait mon terrain, mes écouteurs vissés dans les oreilles et les yeux rivés sur le sol. Le froid me mordait le visage et je commençais à grelotter toutefois mes camarades ne semblaient pas vouloir se presser. Je sentis alors quelqu’un s’approcher de moi et me retirer l’un de mes écouteurs. Je sursautai et me tournai vivement vers la silhouette qui se tenait si près de moi.

- Salut mini moi !

- Oh, Alex. Salut.

J’avais prononcé son nom en serrant les dents. Je lui tendis une joue pour lui faire la bise. Il affichait toujours son sourire en coin qui lui donnait un air arrogant et satisfait Comme si jouer avec mes émotions lui provoquait le plus grand plaisir, quand bien même il n’en serait pas conscient. Je m’attendais à ce qu’il passe son chemin mais il n’en fit rien, il resta planté devant moi en me regardant tout sourire.

- Et ne m’appelle pas comme ça lui ordonnai‑je.

- Pourquoi ça ? Tu es pourtant une version plus jeune et féminine de moi-même.

- Ça va, on peut dire que ce n’est pas la modestie qui t’étouffe.

Il baissa la tête pour rire et je réprimai un sourire.

Nos seules interactions se résumaient à ce genre de chamailleries depuis que nous étions enfants. Il était vraiment trop beau quand il faisait ça. J’en profitais pour le détailler un peu. Je le taquinais, mais en un sens il n’avait pas tort. Pour preuve, nous étions tous deux habillés quasiment de la même manière : nous portions des baskets montantes en toile, un jean déchiré, une chemise à carreaux nouée autour de la taille et il n’y avait que le haut qui différait. Pour sa part il portait un T-shirt uni et une veste à capuche tandis que j’avais opté pour un pull informe et un bonnet. Mêmes nos ongles vernis en noir étaient similaires. Peut-être était-ce ce qui me plaisait chez lui ?

Alex commença à s’éloigner doucement en direction du lycée. Il m’arracha mon couvre-chef au passage et me lança :

- Mon frère et sa copine arrivent. C’est ici que je t’abandonne gamine.

Il ne me laissa pas le temps de rétorquer et fis volte-face avant de mettre son casque sur les oreilles. Je grognai de frustration.

- Eh bien, qu’est-ce qui te met de si bonne humeur ce matin ? Ironisa Emrick.

- Ton frère est un abruti ! Lâchai-je.

- Rien de nouveau sous le soleil donc, intervint Sarah.

- En plus, il a embarqué mon bonnet….

- Oh c’est trop mignon, ils s’échangent déjà leurs affaires.

Je levai les yeux au ciel pour seule réponse face aux provocations de mon amie. Je descendis du muret et entamai la marche vers l’école, Emrick m’emboita le pas.

- Décidément, vous vous êtes tous passé le mot pour m’agacer aujourd’hui ou comment ça se passe ?

- Qui aime bien châtie bien !

- Je trouve que vous m’aimez trop.

En arrivant devant les grilles du lycée, je me stoppai net devant une affluence inhabituellement forte. J’étais déjà suffisamment crispée pour la matinée, je ne ressentais pas particulièrement le besoin de prendre un bain de foule. Mes amis tentèrent de se frayer un chemin jusqu’à l’entrée tandis que je restais paralysée. Ma respiration se fit plus courte, saccadée. Les yeux embrumés, l’angoisse allait me submerger quand je vis une silhouette s’approcher de moi.

- Fais pas cette tête, les gens admire ton œuvre.

Je sursautai en comprenant que la voix s’adressait à moi. Je relevai mon regard inquiet vers Alex, qui se tenait droit face à moi. Je me détendis instantanément face à son visage souriant.

- Qu’est-ce que tu racontes ? Demandai-je soudain.

- Ta fresque sur la rampe du skate-park évidement

Je me penchai sur un côté pour voir par-delà la masse de monde qui se dissipait légèrement. Un gigantesque graff dynamique et coloré recouvrait la totalité de la rampe.

- Qu’est-ce qui te fait dire que c’est moi ? Pourquoi diable irai-je faire un truc pareil ? Et quand est-ce que j’aurais trouvé le temps de faire ça en plus ?

Nerveuse, j’avais enchainé mes questions sans respirer et sur un ton plus agressif que je ne le voulais. Pour seul réponse, Alex me tendit mon bonnet, emprunté plus tôt. À la lueur du jour, je pu constater qu’il présentait quelques éclaboussures de peinture fluorescente. Il m’adressa un clin d’œil et rejoignit sa bande. Il usa de son influence pour disperser la foule qui lui obéit sans rechigner. J’en profitai pour passer les grilles et rejoindre mes amis qui m’attendaient dans le hall d’entrée.

Le reste de la journée se passa sans encombre. J’avais pris soin de cacher au fond de mon sac les preuves de mon escapade nocturne et de vérifier que je n’avais rien laissé d’autre derrière moi qui aurait pu me trahir. J’avais même dissimulé mes cernes sous un maquillage travaillé mais naturel. Je n’aimais pas particulièrement m’apprêter, cela avait trop tendance à attirer les regards, mais j’aimais autant ne pas avoir une tête de mort-vivant.

Mon dernier cours terminé, je me dirigeais vers mon casier pour récupérer mes affaires, en attendant mes amis. Une petite enveloppe noire s’échappa lorsque j’ouvris la porte métallique, je me baissai pour la ramasser et relevait le regard pour voir d’où elle était tombée…. De mon casier ?

- Bizarre… Pensai-je. Je ne me souviens pas avoir mis ça là.

- Qu’est-ce que c’est ?! S’exclama Sarah dans mon dos, me faisant sursauter. La lettre d’un admirateur ?

- À moins que ce ne soit toi l’admiratrice qui va laisser ça à quelqu’un ? Renchérit Emrick, qui venait de nous rejoindre.

- Bon, ça va tous les deux, je vous dérange pas trop ? Quoi que ce soit, je ne l’ouvrirais pas devant vous, commères que vous êtes !

Pour seule réponse, Sarah me tira la langue et Emrick lâcha un long soupir. Je les pris chacun par une épaule et les poussai vers la sortie.

- Aller, on rentre.

Ils suivirent le mouvement en traînant des pieds. Au moins, j’avais réussi à détourner un minimum leur attention. Moi-même je ne savais pas de quoi exactement, mais quitte à le découvrir, je préférais le faire seule.

Une fois rentrée chez moi, j’entamai mon rituel de détente avant le dîner. Je balançai mon sac sur mon lit et m’enfermai dans la salle d’eau. Une fois démaquillée, douchée et emmitouflée dans mon peignoir, je rejoignis mes parents dans la cuisine. Je m’attablais sur l’îlot central. Le repas se déroula dans le calme, mes parents échangèrent sur leur journée me demandant au passage comment s’était passée la mienne. Je haussai les épaules.

- C’était une journée. Ni bonne, ni mauvaise, juste une journée.

Ils n’insistèrent pas et changèrent de sujet. Pour ma part je terminai mon repas et m’éclipsai discrètement pour retourner dans ma chambre sans me faire prier. Je me sentis soudainement épuisée. Je me laissai tomber sur mon lit au milieu de mes cours éparpillés sur la couette.

J’ouvris les yeux dans une pièce entièrement noire. J’allumai ma lampe de chevet. Mon réveil affichait 23h53. Je m’étais endormie ? Visiblement, assumer une nuit blanche et une journée de cours en ne tenant que sur les nerfs - et la caféine - n’avait pas été une de mes idées les plus brillantes. J’entrepris de ranger mes affaires et préparer mon sac pour le lendemain, quand je retombai sur une enveloppe noire qui trônait sur mon oreiller.

J’examinai avec attention le bout de papier espérant trouver un quelconque indice. Rien. Aucune information sur l’expéditeur ou le destinataire. M’était-elle réellement destinée d’ailleurs ? Pour le savoir, il ne me restait plus qu’à l’ouvrir. À la fois intriguée et dubitative, je décollai précautionneusement le rabats prenant soin de ne pas le déchirer.

- On ne sait jamais, j’aurais peut-être à la refermer, pensai-je à voix haute.

Le carton était de belle qualité, d’un bleu nuit brillant sur lequel était inscrit en lettres dorées « Invitation Formelle ». La lumière douce et chaleureuse qui émanait de ma lampe de chevet se reflétait sur les lettres, les mettant en valeur comme si elles étaient en relief. Interloquée, je me redressai avant de retourner le papier.

- NON MAIS DITES MOI QUE C’EST UNE BLAGUE ! Hurlai-je.

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