CHAPITRE 15

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J’étais rentrée juste à temps avant que les premiers rayons du soleil ne fassent leur apparition. Sur le trajet, j’avais explosé, laissant ma colère se déverser dans mes paroles. J’étais inarrêtable. Affublant Alex d’insultes en tout genre. Wilfried n’avait pas bronché et s’était contenté de conduire en silence. J’étais sortie de la voiture sans lui adresser le moindre mot et avait claqué toutes les portes derrière moi sur le trajet jusqu’à ma chambre. Je m’étais enfermée à double tour avant de m’écrouler sur mon lit. Pour la première fois, le sommeil me manquait. Mon corps n’était pas fatigué, physiquement j’avais la force et l’énergie d’affronter une meute de loup entière. Moralement, en revanche, je n’en menais pas large. Je rêvais de m’assoupir simplement pour ne plus penser à rien, pour remettre de l’ordre dans mes idées et retrouver un semblant de calme. J’allumai ma chaîne hi-fi et montai le volume pour que la musique surpasse le bruit de mes pensées. Quelqu’un toqua à la porte mais je fis mine de ne pas entendre –une oreille humaine n’aurait pas entendu-. La voix de ma mère ne tarda pas à s’élever depuis l’autre côté.

- Chérie, ne tarde pas trop. Tu vas être en retard en cours, sinon.

- Non je n’y vais pas aujourd’hui, hurlai-je pour qu’elle m’entende à travers le brouhaha, je ne me sens pas bien.

- Fais un effort. En plus, il fait beau aujourd’hui, sortir ne te fera pas de mal. Tu n’es pas un vampire après tout, plaisanta-t-elle.

Je baissai le son et ouvrit la porte à la volée. Ma colère était tangible. Ma mère fit un pas de recul, surprise. Je la fusillai du regard.

- Et vous, vous avez tous signé un pacte pour agir comme des robots ? criai-je.

Je ne lui laissai pas le temps de répondre et lui claquai la porte au nez. Comment ne pas être en colère ? Puisque j’étais bel et bien un vampire et par sa faute qui plus est. Je culpabilisais toujours un peu, lorsque j’étais désagréable avec mes parents, mais pas cette fois-ci. Ils m’avaient troquée comme une marchandise de pacotille, m’avaient jetée entre les griffes de monstres assoiffés de sang et avaient continué leur petite vie tranquille. Bien sûr, ils n’en avaient plus aucun souvenir mais leur laxisme à mon égard me semblait soudainement plus justifié. En effet, mes deux amis et moi avions toujours eu beaucoup de liberté, plus que les autres enfants de notre âge. Nous avions toujours pensé que nos parents nous faisaient confiance. En réalité c’était purement et simplement un désintérêt total pour nous.

Je ne trouvais plus ma place nulle part. Ni chez mes propres géniteurs, qui n’avaient pas hésité à me vendre contre une dose d’une quelconque drogue, ni parmi les membres de l’Elite dont le Major ne s’était pas privé pour m’enchaîner éternellement par un stupide lien sensoriel.

Je sentis la chaleur de larmes qui dévalaient mes joues mais lorsque je voulu les essuyer, celles-ci étaient sèches. Ce n’était pas mes larmes qui coulaient. Je grognai bruyamment et hurlai dans mon oreiller. Tout me ramenait à lui, pire, il faisait partie de moi. Littéralement.

La sonnerie de mon portable retentit.

- Quoi ?! râlai-je, sans prendre la peine de vérifier qui m’appelait.

- Victoria… C’est moi, il faut qu’on parle.

Je reconnus immédiatement sa voix. Je jetai un œil à mon téléphone, en effet le nom d’Alex s’affichait sur mon écran. Je ne répondis rien. Après un silence de quelques secondes il se lança.

- Je suis vraiment désolé. Je te jure que rien n’était calculé, j’ai juste cédé à la tentation. Je ne pourrais jamais me le pardonner. Je voulais te le dire, mais c’était trop tard on ressentait déjà les premiers effets.

Il fit une pause, attendant sûrement que je rétorque, mais je n’arrivais pas à prononcer le moindre mot. Tout se bousculait et ma voix s’éteignait dans ma gorge. Je laissai le silence s’installer alors il poursuivit.

- Tout s’est enchainé très vite. Je ne savais pas comment te le dire. Et puis, je me suis dit que ce ne serait peut-être pas si mal finalement.

Pas si mal ? Est-ce qu’il plaisantait ? Alors que je commençais à peine à me radoucir, cette dernière phrase anéantit tout espoir de paix entre lui et moi. Je voulais lui hurler ma rage. Je voulais lui dire à quel point je tenais à l’intimité dont il m’avait privée, lui faire comprendre ma frustration de ne plus disposer de mon corps à part entière. J’étais prête à accepter tant de choses : ma Transformation en vampire, l’échange auquel mes parents avaient procédé, l’emménagement au QG, ma relation ambigüe avec lui, les bagarres de clans en pleine rue… J’étais prête à assumer tout ça, même peut-être à l’apprécier avec un peu de temps. Partager mon sang, mon lieu de vie, mon histoire, mon temps ou même mon petit-ami, c’était potentiellement envisageable. Mais partager mon corps… Il aurait pu en disposer à sa guise, s’il m’avait laissé le moindre libre-arbitre.

J’avais tant de choses à lui dire, mais j’en étais incapable. Je n’étais pas prête. Alors je lui raccrochai au nez, sans le moindre mot.

Au final, ce qui m’énervait le plus, ce n’était pas tant de partager ce lien sensoriel mais plutôt la manière dont Alex avait procédé. Il savait parfaitement ce que ça allait engendrer mais il a tout de même pris le risque sans même m’en toucher un mot. Je n’avais pas donné mon consentement pour ça. J’aurais aimé qu’il m’explique ce à quoi je m’exposais, qu’il me fasse part de l’existence de ce lien et surtout, qu’il me demande mon avis. Il fallait tout de même prendre en compte que j’étais éternelle désormais ; être liée à une seule et même personne pour le reste de l’éternité ne m’enchantait guerre. Officiellement, nous n’étions même pas un couple ; juste deux connaissances qui prenaient du bon temps ensemble. J’avais du mal à avaler, une boule se formait dans ma gorge. J’allais peut-être devenir plus forte mais je ne pouvais pas m’en réjouir face à tous les désavantages auxquels j’allais être faire face en contrepartie. Désormais, je savais qu’il partagerait toutes mes expériences à venir – et que je partagerais les siennes –. À chaque fois qu’il serait blessé, je sentirais sa souffrance ; à chaque fois qu’il coucherait avec une autre, je ressentirais son plaisir. Bientôt, je percevrai chacune de ses pensées en sa présence et pire encore, il percevra les miennes. Cette histoire tournait en boucle dans ma tête et je ruminais, impuissante. Une douche me ferait le plus grand bien.

Comme à mon habitude, je fis couler l’eau chaude jusqu’à ce que la vapeur ait entièrement envahi la pièce. Je me glissai sous le pommeau de douche et laissai l’eau couler au-dessus de ma tête puis dévaler mon corps. Je restai un moment sans bouger regardant mes pieds. J’imaginais toutes mes peurs, mes frustrations, mes peines et ma haine s’évacuer comme par magie dans l’eau usée qui s’écoulait par la bonde. Il n’en fut rien et je m’écroulai. Assise dans le bac de douche, les genoux recroquevillés sur ma poitrine, je me mis à pleureur. Les larmes qui dévalaient mes joues se mêlaient à la cascade d’eau qui s’abattait au-dessus de moi. Mon maquillage coulait et laissait des traces noires sur leur passage. Je sanglotais bruyamment. À chaque fois que je clignai des yeux, mes idées me revenaient par flash. Tout s’imposait à moi en même temps, tout se mélangeait.

Plus d’un mois auparavant, je n’étais qu’une adolescente discrète que personne ne remarquait. Soudainement, j’étais devenue un vampire populaire et séducteur, je me nourrissais d’humains et je passerais le restant de mes jours dans le corps d’une adolescente, sans plus jamais vieillir ni évoluer.

Mes parents avaient vendu ma vie entière, dès mes premières heures d’existence, pour profiter d’une ultime soirée de débauche dans leur jeunesse. Et je ne pouvais même pas le leur reprocher, puisqu’ils avaient tout oublié. En revanche moi, je savais ; et je devais vivre avec cette information pour l’éternité. J’aurais tant voulu ne jamais l’apprendre. On m’avait dit que l’ignorance était l’une des pires souffrances, mais c’était faux. Le savoir, était encore pire.

L’enterrement de mon ancienne vie et la visite du QG me revinrent en mémoire également. J’avais été traînée d’un point à l’autre sans jamais savoir ce qui m’attendait. Toutes les décisions étaient prises pour moi depuis le début, je n’avais aucun choix. Le dernier réel choix auquel j’avais eu droit était celui du poison ou de l’élixir. Et je commençais à regretter ma décision, ma vie était peut-être plus palpitante depuis lors mais je n’en étais plus maître.

Après de longues minutes à geindre, je recouvrai doucement mes esprits. Je me redressai et entrepris de me laver de ce désespoir. J’ouvris ma bouteille de gel douche, le parfum de rose fût immédiatement porté par la vapeur pour m’envelopper dans une douceur réconfortante. Tandis que je me savonnais, la mousse me nettoyait de toute la poussière, la terre, la sueur, et autres fluides corporels qui recouvraient ma peau. Une autre odeur me parvint alors, celle du musc blanc aux notes suaves et envoûtantes, un parfum fort et masculin. Alex avait eu la même idée. Je fermai les yeux, tentant d’oublier le parcours de ses mains sur son propre corps. Je pouvais sentir son torse et ses abdos sous ses paumes, comme s’il s’agissait des miennes. Une idée me vint alors : s’il m’avait imposé ce lien je pouvais toutefois le tourner à mon avantage. Il n’y avait pas de raison que je sois la seule à en pâtir. J’en avais définitivement marre d’être devenue spectatrice de ma propre vie, victime des choix que les autres faisaient pour moi. Il était temps que je me manifeste. J’étais restée passive trop longtemps.

Si je pouvais sentir tout ce qu’il touchait, l’inverse était également vrai. Alors que ses mains continuaient de caresser son corps, les miennes firent de même. Je commençais par me masser la nuque et les épaules puis je descendis vers ma taille et mon ventre. J’appuyai mon dos contre la paroi de la douche, la froideur de la vitre contrastait avec la chaleur de l’eau et ce contact m’électrisa. Je sentis la peau d’Alex frissonner. Mes mains continuèrent leur exploration de ma propre silhouette passant ensuite sur le haut de mes cuisses puis mes fesses. Au fourmillement qui se manifestait dans mon bas-ventre, je sus que j’étais sur la bonne voie. Je remontai une main sur ma poitrine et l’autre au niveau de mes lèvres, je suçotais l’un de mes doigts puis un second avant de redescendre vers mon intimité. Au même instant, je pus sentir qu’Alex s’était saisi de sa virilité, entamant déjà les premiers vas et viens de sa main droite. Je calai mon rythme sur le sien de sorte à synchroniser nos mouvements, je pouvais sentir son plaisir et son excitation se mêler aux miens. Ma respiration se fit haletante, mes gémissements plus rapprochés et ma voix plus aiguë. Quelques secondes avant la jouissance, je me retirai et arrêtai tout mouvement. Je sentis la tension dans ses muscles due à la frustration. Satisfaite, je sortis de la douche et m’enveloppai dans mon peignoir, le privant automatiquement de l’orgasme. J’essuyai la buée sur le miroir, mon visage affichait un sourire railleur. Séduire pour mieux sévir, tel était mon nouveau credo.

Je regagnai ma chambre pour choisir des vêtements à me mettre et consulter mon portable laissé sur le lit. Celui-ci affichait « Un nouveau message », je l’ouvris.

Alex dit : Tortionnaire…

Victoria dit : Tu n’es pas au bout de tes peines. Ce n’est que le début de la partie.

Je relâchai l’appareil et jetai un œil à ma penderie, elle accueillait encore mes anciens vêtements. Ma chambre ne me correspondait plus vraiment, non plus. Je ne me reconnaissais plus dans le mobilier, la décoration, les souvenirs accrochés au mur… Tout me semblait appartenir à une autre. J’arrachai rageusement le visionboard qui trônait au-dessus de mon lit et les vieux vêtements accrochés dans mon dressing. Dans mon élan, je m’attaquai également au papier peint et délestai mon lit de sa parure. Mon espace bureau ne put y échapper non plus, mes croquis et projets laissés en suspens finirent à la poubelle et si cela n’avait pas été mortel pour moi, le rideau de ma baie vitrée n’aurait pas survécu au massacre non plus. Lorsque les murs furent entièrement vierges de toute trace de colle, je me lançais dans une nouvelle fresque. J’attrapai mes bombes de peintures rangées dans mon bureau et commençai à dessiner.

Cette nouvelle œuvre me prit toute la journée. À la tombée de la nuit, je m’habillai finalement de l’ensemble pantalon et corset en cuir noir dont j’avais fait l’acquisition la veille. J’ouvris enfin mes rideaux et sorti sur le balcon. La nuit était belle, le ciel entièrement dégagé offrait une vue magnifique sur les étoiles. En observant les constellations, je me doutais que l’air frais sur mon visage trahirait ma présence en extérieur à Alex ; mais cette vue-là à cet instant précis, elle n’appartenait qu’à moi. Je pris finalement la décision de retourner au QG, au moins pour la soirée. Être sous-estimée pouvait avoir du bon, il m’était plus facile de surprendre. Arriver quand et où on ne m’attendait pas me garantissait forcément une entrée remarquée. Parce-que oui, je voulais être remarquée, il le fallait.

De chez moi jusqu’aux frontières de la ville, il me fallut presque une heure de marche. Le dernier bus par ici étant à dix-neuf heures, je n’avais eu d’autre choix. Finalement, passer mon permis était peut-être une bonne idée.

Je poussai la grande porte de la chapelle et entrai. Au début, je m’attendais à assister à une énième soirée de débauche digne d’une orgie dont l’Elite avait le secret, mais lorsque j’entrai une ambiance calme et chaleureuse se dégageait. Quelques vampires déambulaient dans la salle de réception accompagnés d’une poignée d’humains, d’autres buvaient au bar. Je montai les escaliers pour me rendre dans l’espace bureau. Là encore, l’ambiance était calme et joviale. J’y retrouvais la petite clique habituelle. Wilfried et le Maître discutaient un verre à la main à côté du minibar, Agathe jouait du piano pour la Reine et Kayla lisait un livre, allongée sur le canapé. Un jukebox avait été ajouté dans un coin de la pièce, il passait un vieux disque rock des années 80. Alex asséna un coup de rein au flipper tandis que ses doigts s’agitaient sur les boutons.

Lorsque je débarquai fièrement, la tête haute et le sourire aux coins des lèvres, des regards subjugués se tournèrent vers moi. Le silence se fit parmi les convives. De toute évidence, personne ne s’attendait à me voir et encore moins dans cette tenue. Effet de surprise réussi.

- Qui êtes-vous et qu’avez-vous fait de Victoria ? demanda Alex, choqué.

- L’humaine tu veux dire ? Elle est morte, tu l’as tuée tu te souviens ? lâchai-je avant de me tourner vers le Maître, et vous l’avez enterrée.

- Voyez-vous ça, intervint Wilfried, le vilain petit canard devient un cygne.

Oui, un cygne noir. J’étais l’imprévisible, le déraisonnable et l’inavouable. J’attrapai une queue de billard accrochée au mur et appliquai de la craie bleue sur le procédé du bout des doigts. Je tendis la seconde à Alex avec un air de défi, en contournant la table de jeu. Il accepta avec résignation.

- Eh bien, que la partie commence ! Je casse, annonçai-je.

- C’est parti, souffla Wilfried en levant le triangle d’un air enjoué.

Je tirai donc mon premier coup, je mis suffisamment d’énergie dans celui-ci pour que les billes s’éparpillent sur le plateau et l’une d’entre elles vint se loger immédiatement dans l’une des poches. J’adressai un regard victorieux à Alex. Pour jouer mon deuxième coup, je fis le tour de la table pour me mettre à l’autre extrémité, face à lui. Je me penchai en avant prenant soin de cambrer mon dos pour souligner mes courbes et lui offrir une vue plongeante sur mon décolleté. Je remerciai Sarah pour ses techniques de séduction pas très subtiles. Manqué. C’était au tour de mon adversaire. La partie se poursuivit un long moment. Bien entendu, celle‑ci n’était pas anodine, lui comme moi savions ce qui se jouait là. Je cherchais à tout prix à le mettre dans des positions inconfortables, autant par mon jeu que par mes méthodes de déconcentration. De temps à autre, il tentait de mettre fin au jeu. Il se rapprochait et essayait de m’embrasser mais à chaque fois qu’il tentait quelque chose à mon égard, j’esquivais ou je le repoussais. Il s’avouait vaincu bien trop facilement. La tension montait d’un cran supplémentaire à chaque frappe. Nos spectateurs ayant saisi ce qui se tramait, assistèrent au match avec enthousiasme.

Les dés étaient jetés et les enjeux étaient clairs. Si je gagnais : je gardais mon indépendance, je prenais mes propres décisions et je ne me pliais à aucune règle. Si je perdais : je me soumettais à la volonté de tous, je restais un bon petit soldat obéissant et j’acceptais toute cette folie sans broncher. La partie continua au rythme des musiques qui défilaient, des cris d’encouragements des uns et des huées des autres. Alex avait raté quasiment tous ses coups, si bien que je remportais aisément la victoire sous les acclamations de Wilfried et quelques autres.

- Je meurs de faim, quelqu’un m’offre un verre ?

- Avec plaisir, chère Aster… Me répondit Wilfried en m’offrant son bras.

Décidément, j’allais de surprise en surprise. Je passai mon bras autour du sien et nous descendîmes les escaliers. Je souriais franchement, fière de ma prouesse. De plus, pour la première fois, je n’étais pas mal à l’aise en sa présence. Depuis notre première rencontre à la Mascarade, il ne m’inspirait que du dégoût et de la méfiance mais maintenant je n’avais plus peur.

- Si tu tiens vraiment à te lâcher, j’ai une autre idée pour toi, suggéra-t-il.

- Je t’écoute, qu’est-ce que tu proposes ?

Il tourna la tête en direction du petit groupe d’humains, affichant toujours ce même sourire narquois. Je compris qu’il me proposait de boire directement à la source. Il cherchait à tester mes nouvelles limites.

- Tu ne m’en crois pas capable ? insinuai-je.

- Absolument pas.

J’arquai un sourcil et lui offrit un sourire en coin. Sans hésiter, je rejoignis l’un des hommes et lui plantai mes crocs dans la carotide. Mon venin fit effet instantanément, l’homme se détendit et toutes ses tentions s’envolèrent. Il lâcha un râle de plaisir dû au flash. Je buvais à grosses goulées me délectant de ce goût délicieux. Soudain, on m’arracha à ma proie. Furieuse, je me tournais vers le responsable et me retrouvais nez à nez avec Alex. Contre toute attente, il ne s’en prit pas à moi mais à Wilfried et lui envoya son poing à la figure.

- Tu ne t’approches pas d’elle !

- Tout doux Major, on ne fait que s’amuser.

- Mais qu’est-ce que tu fous, bordel ?! C’est encore qu’une Néophyte, elle aurait pu le tuer.

Je m’interposais entre eux et lançai un regard assassin à mon interlocuteur.

- Alex ! Je peux te garantir que j’ai nettement plus de contrôle que tu le crois.

- Mais arrête, hier encore t’as failli tuer cette fille !

- Oui. Et aujourd’hui je puise dans ton propre contrôle.

Il sembla se résigner, désespéré. Je pouvais ressentir sa détresse mais je n’en fis rien. J’essuyai d’un revers de main le sang qui coulait au coin de mes lèvres avant de la lécher.

- Moi qui croyais qu’il t’avait brisée, ricana Wilfried.

Je ne répondis rien.

Il existait une technique japonaise qui consistait à réparer la vaisselle cassée en magnifiant les brisures avec de l’or. Malgré son vécu, l’objet était embelli et gagnait en valeur après avoir été abîmé. Alex et les manigances de l’Elite avait bel et bien brisé une partie de moi. Cette méthode était appelée « Kintsugi » et je m’en étais inspirée pour me reforger. Je savais bien que les cours d’histoire de l’art pouvaient m’être utile un jour.

Je contournai Alex et le bousculai d’un coup d’épaule. Je voulu m’éloigner mais il m’attrapa par le poignet. Il jeta un regard noir à Wilfried qui ne se fit pas prier pour s’éloigner.

- Victoria, attends.

- Qu’est-ce que tu veux encore ?

- Je suis désolé, bégaya-t-il, je ne tenais pas à ce que ça se passe comme ça.

- Tu l’as déjà dit.

- Non, je veux dire… Le lien, ça s’est fait tout seul j’ai perdu le contrôle. Mais tout le reste, si j’ai fait tout ça c’est parce-que…

- Non, Alex, le coupai-je. Je t’interdis de finir cette phrase.

Il avait les mains moites et la bouche sèche, son corps tremblait comme une feuille. Je pouvais le sentir dans tout mon être.

- Si, insista-t-il, je t’ai Transformée et je t’ai fais entrer dans mon monde parce-que… je t’aime.

- Tu me l’as imposé ! Tout comme le lien, d’ailleurs. Ce n’est pas de l’amour ça, c’est de la possessivité. Tu aurais pu me demander, je t’aurais sûrement tout donner. Tu ne m’aimes pas, tu voulais me posséder comme toutes tes autres conquêtes.

- T’es dure là, fit-il d’un ton plaintif.

- Tu voulais de l’amour, prépare-toi à la guerre. On va voir si ce n’est « pas si mal » comme tu l’as dit.

Mon ton était sec et tranchant. Avec tout mon mépris et sans un mot de plus, je quittai la chapelle. Wilfried m’attendait à côté de la porte, adossé au mur. Quand j’arrivai à son niveau, il passa son bras autour de mes épaules et chuchota une phrase à l’attention d’Alex.

Félicitations Major, t’as créé un monstre.

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