Mirage d'hiver Part 18

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Jasmine et Rifuzuka finirent par atterrir dans l’eau saline. Pourtant, malgré l’épuisement de la démone, les deux femmes riaient à pleins poumons, marchant tant bien que mal en direction d’un rocher surélevé, là où Loukïan et Enzo s'étaient déjà installés.

  • Purée, ça me rappelle la fois où on avait piqué les sucettes à ce vieux fou de Vivarnold à Filandia. Tu t’en souviens ?

  • Comment ne pas m’en souvenir ? Je me rappelle, il s’était élancé à nos trousses comme un fou enragé et s’était encoublé sur un panier de poissons bien frais, ricana-t-elle faiblement.

  • Oui, y en a même un qui lui avait sauté dessus et lui a claqué la joue !

  • Ohhh oui ! J’avais complètement oublié ! Pendant trois semaines, il avait la marque du poisson sur sa pommette, ajouta Rifuzuka, qui s’appuyait sur l’épaule d’acier de son amie, titubant légèrement de la jambe droite, le souffle court.

Elles se regardèrent, puis éclatèrent de rire, ravies par ce souvenir absurde. Après quelques instants, elles rejoignirent Loukïan et Enzo, encore en train de se chamailler comme de véritables enfants.

En les voyant arriver, Enzo, gêné, s’excusa :

  • Je… je vous prie d’accepter mes excuses, charmantes damoiselles. Je ne suis en aucun cas une brute. Si je vous ai fait souffrir par mes actions, ce n’était pas du tout mon intention. Je ne voulais pas passer pour un forceur. À vrai dire… vos beautés m’ont entièrement ébloui. Vous êtes deux femmes splendides, téméraires et d’une force ahurissante…

Jasmine le fixait, les bras croisés, méfiante. Rifuzuka, elle, le regardait de ses grands yeux bleus royaux, impassible. Elle ressentait, grâce à son don, la sincérité du jeune homme, ainsi que la douleur qu’il tentait de cacher.

  • Je n’aurais jamais dû agir ainsi. Je ne suis pas un homme violent, ajouta Enzo d’une voix honteuse, jetant tour à tour son regard cristallin sur les deux jeunes femmes face à lui.

  • Ne t’en fais pas, Enzo, tu es pardonné… J’ai vécu bien pire dans mon ancien lieu de résidence. Et je suis la fille du Roi des Démons : ce n’est pas ça qui va me tuer. Arrête de te tourmenter, répondit doucement Rifuzuka, lui offrant un angélique sourire, un de ceux dont elle seule avait le secret.

  • Je n’avais pas à réagir de la sorte… sincèrement, je…

Une image fugace, douloureuse, traversa l’esprit d’Enzo. Rifuzuka fut soudain prise d’un frisson : elle vit un flash : une femme, de la neige, un cri, un petit garçon, un flocon taché de rouge. Elle se figea un court instant, horrifiée par la vision qu’elle venait d’avoir, puis fixa intriguée Enzo tout en haletant. Enzo, troublé par sa réaction, tourna légèrement la tête et la fixa, puis reprit :

  • Pour être honnête… je suis passionné par les légendes, les mythes et l’histoire. Et voir une Néphilim, de cette beauté… ça m’a déboussolé. Tu es si rare, si impressionnante. J’ai perdu mes moyens. Et… tu es loin de ce que racontent les livres. On dit que les Néphilim sont hideux… Mais toi… toi, tu as l’apparence et la douceur d’un ange. Je… je ne voulais pas te blesser. Je suis vraiment désolé, ma belle. Et avec ça, j’ai fait paniquer ton amie… J’ai été stupide. Franchement… je suis un bon à rien, murmura-t-il en fixant le sol, se grattant l’arrière du bandana, mal à l’aise.

  • Et moi alors ? lança Loukïan, d’une voix encore adolescente, en pleine mue.

  • Quoi, toi ? grogna Enzo, soudain glacial, détournant son regard avec une neutralité froide, comme s’il avait effacé toute trace de culpabilité.

  • Tu t’excuses auprès d’elles parce que ce sont des femmes, et moi ?! JE TE RAPPELLE QUE T’AS EXPLOSÉ MON NAVIRE ! Regarde-moi ça ! On dirait des confettis le bordel ! s’écria le Capitaine en brassant l’air de ses bras avec indignation.

  • AHHHHHHHHHH ! Parce que c’est toi le Capitaine ? Oh bahhh… Excuse… Vieux… mais t’as vu les bombasses que tu te trimballes : elles sont à couper le souffle, il faut faire gaffe avec ce genre de trésor.

  • Non mais ! Deux petites secondes… Si tu n’as pas compris que j’étais leur Capitaine t'as cru que j’étais qui ? questionna Loukïan en le regardant intriguer.

  • Franchement ? Honnêtement ? J’ai cru que tu étais leur chauffeur… avoua en ricanant Enzo en se frottant le nez.
  • Leur… leur chauffeur ! Non, mais tu te fous de ma gueule ! s’énerva aussitôt Loukïan, ses cheveux crépités et des fragments de braises en sortaient.

Alors qu’ils se trouvaient tous quatre sur une énorme roche en basalte de couleur noir très glissante, Le Charmeur ignora la remarque de Loukïan, puis embrassa tour à tour les mains des deux jeunes femmes face à lui et analysa le lieu où il avait atterri.

Le rocher de basalte noir luisait sous la lumière tamisée, traîtreusement glissant sous leurs pieds mouillés. Tout autour, des parois ovales aux reliefs rugueux enfermaient la cavité comme une cage minérale. L’air, bien que saturé d’humidité, conservait une chaleur presque tropicale. L’eau turquoise, s’engouffrant dans une fente étroite, peignait le sol de reflets mouvants.

Il se mit à sourire puis ricana discrètement. Un rire, qui provoqua une angoisse auprès des personnes qui l’accompagnaient.

Ne perdant pas leur sang-froid, Loukïan ainsi que Jasmine se regardèrent, puis ils demandèrent en chœur :

  • Tu sais où on est ?

Enzo les défia tous deux du regard et s’approcha de Rifuzuka. Il s’accroupit près d’elle, alors qu’elle tentait de se relever du bord de la roche.

  • N’essaye pas de te relever, ma belle, reprend tes forces.

Enzo, à droite de la Néphilim, la regarda puis ouvrit l’une de ses poches à scratch, celle à droite. Il en sortit une bouteille bleu foncé contenant de l’eau. Il en but une gorgée pour montrer à la démone qu’il n’y avait aucun poison.

  • Tu en veux ? demanda-t-il d’une voix calme.

Mais celle-ci, encore faible, détourna son regard et appuya sa tête contre les jambes de la Cyborg.

  • Mmh… Tu devrais boire, ma belle… Si j’ai bien tout compris, tu étais rattachée à ce bateau, et tu as perdu beaucoup d’énergie par ma faute… expliqua-t-il en se redressant, regardant du coin de l’œil la démone, puis buvant à nouveau dans sa bouteille.

  • Euhh… mais comment tu as su ça, toi ? demanda la démone, d’une voix fine, confuse, en redressant sa tête et la tournant en direction du Charmeur.

  • Si tu veux savoir, il va falloir boire, contraint-il, tout content, en secouant la bouteille dans sa main.

Affaiblie, elle tenta de prendre la bouteille de ses mains, mais vu que tous deux tremblaient, ce fut finalement le Charmeur qui lui donna ce nectar sacré, une eau pas comme les autres, car celle-ci avait un goût légèrement sucré.

Après avoir bu toute la bouteille, stupéfaite, elle ne put que dire :

  • P…pardon… je n’ai pas fait attention, j’aurais dû boire un peu moins… s’excusa Rifuzuka toute gênée.

  • Ça… Ça ne fait rien… mais… Ça fait combien de temps que tu n'as pas bu, toi ? Vingt-quatre jours ou quoi ?

  • Pour Franche, ça fait trois jours. Je n’en voyais pas l’utilité… Alors comment tu as su que j’étais rélié à ce navire ? expliqua la jeune femme en s’essuyant la bouche avec son bras.

Face à cette information, Enzo lui donna une pichenette sur le nez, avant de crier :

  • T’es complètement inconsciente, ma parole ! Pour le coup ! Je te dirais pas comment j’ai su que tu étais relié au bateau, ça sera ta punition pour ne pas avoir mangé ni bu durant tout ce temps.

  • A… aïeeeeeeux ! Ça fait mal ! hurla aussitôt la démone d’une voix d’enfant, espérant ainsi forcer Enzo à lui pardonner.

  • J'espère bien ! s’exaspéra Enzo en lui lançant un regard meurtri.

Ça magouille n’avait clairement pas fonctionné. En se redressant, il se demanda :

Sachant qu’elle avait assez de force pour prendre un verre, pourquoi avoir attendu deux jours et demi pour boire, alors qu’elle était littéralement entourée de barils de rhum ?

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