Mirage d'hiver Part 19
La boisson sucrée qu’Enzo lui avait offerte faisait effet : la jeune femme de 15 ans sentait ses forces revenir. Tandis que la cavité se remplissait lentement d’eau, deux voix s’élevaient incongrues, presque absurdes dans ce décor menaçant.
En voyant Rifuzuka et Enzo se disputer, Jasmine et Loukïan restèrent tous deux perplexes. Les voir se confronter alors que la situation était critique semblait si irréel qu’ils ne purent que les observer, sans voix.
- Ils… ils sont sérieux, là ? lança Jasmine entre ses dents à l’attention de Loukïan.
- Bahhh, visiblement ouais… répondit celui-ci, aussi surpris qu’elle, en la regardant.
Ils ignoraient où ils se trouvaient, ne savaient pas s’ils pourraient sortir de cette cavité. La seule chose certaine, c’était que l’antre où ils étaient se remplissait à vue d’œil. D’ici quelques heures à peine, elle serait entièrement submergée, comme Larias l’avait été avant elle.
- Et tu sais où on est ? osa redemander Loukïan.
- Oui, nous sommes sous Héryga, ma ville natale.
- Super ! Et tu sais comment on atteint le sommet ? demanda Jasmine, soudainement ravie.
- Oui. Quand la marée sera haute, des escaliers apparaîtront sous l’eau. Il faudra les prendre, expliqua calmement Enzo en regardant les visiteurs.
- Pfff… Dis tout de suite que tu veux nous noyer ! le taquina la démone avec un clin d’œil.
- Non, ça, ce sera pour plus tard, ma belle, répliqua Enzo en ricanant, lui renvoyant son clin d’œil.
Deux heures passèrent. L’eau avait désormais complètement recouvert la cavité ; leurs corps baignaient jusqu’à la poitrine dans l’eau saline. Ils prirent une grande inspiration et s’engouffrèrent dans la fente apparue sous leurs pieds.
Par un phénomène surnaturel, le sable sous leurs pas se mit à briller, puis se rassembla en formant instantanément des escaliers. Ceux-ci s’enfonçaient dans une fissure souterraine, déjà totalement engloutie par les flots.
Ils essayèrent de marcher sur les marches, mais l’air emprisonné sous leurs corps les faisait remonter à la surface. Pourtant, téméraires, ils plongèrent à nouveau, nageant en suivant les escaliers vers les profondeurs.
En remontant à la surface, ils émergèrent sur une plate-forme d’obsidienne, une pierre immaculée, sombre comme les ailes d’un corbeau. Face à cette estrade, trois grandes portes se dressaient, ouvertes, mais sans cadre apparent.
La première, à gauche, donnait sur un champ paisible. La seconde, au centre, était fermée. Une inscription au-dessus annonçait : Room. Quant à la dernière… elle menait à un lieu pire que l’enfer lui-même. Même les seigneurs infernaux détournaient le regard à la simple évocation de son nom.
Derrière cette porte s’étendait un lieu abominable, où étaient enfermés les pires monstres et les magies les plus anciennes du monde : le Monde Mystérieux. Un autre monde, inconnu du commun, dont seuls les historiens et les habitants des Enfers avaient entendu parler. Il s’agissait de la 6ᵉ partie du monde, encore plus basse que les Enfers eux-mêmes.
Ce monde était désertique, aride, brûlant. L’air y était si toxique qu’un homme y perdait son âme en une journée. Beaucoup le confondaient avec les Enfers, mais le Monde Mystérieux était bien pire. Même les démons de mauvais augure refusaient d’y pénétrer ou d’y penser.
- Alors… On prend quelle porte ? demanda Loukïan, en touchant sa brûlure sur la partie gauche de son visage.
- En vérité, chaque porte mène à un endroit spécifique de ma ville natale. À Héryga, nous sommes des polymathes : nous maîtrisons d’innombrables savoirs, dans tous les domaines : histoire, mythes, légendes, même celles des autres mondes…
Il marqua une pause, comme pour jauger leur attention.
- Notre cité a été bâtie sur un territoire magique. À Héryga, pour aller d’un point A à un point B, on utilise des portes interdimensionnelles. Celle de gauche mène à une ferme. Celle du centre à ma chambre. Et celle de droite… à un volcan.
Il les désigna du doigt, les yeux bleu brillant.
- O-okay… Et nous, on va où ? demanda timidement la démone, la peur se dissipant peu à peu.
- On va au volcan, annonça Enzo d’une voix grave, en désignant la porte derrière lui de son pouce.
Il planta un regard sinistre dans celui de ses compagnons et ajouta avec un rictus inquiétant :
- Vous voyez ? Quand je disais que ce n’était pas encore le moment de vous tuer…
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