Retour à Alphaville

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De retour à Alphaville, à peine descendu du Flybus qui s'éloigne déjà dans un flottement feutré, je me retrouve devant la porte de la maison de ma mère. Envie de vomir tellement la boule dans ma gorge gonfle comme une éponge.

Une I.A m'ouvre alors que je n'ai même pas sonné. Ce doit être une génération intuitive. Ma mère a les moyens de ce genre de prestations.

"Bonjour Dan". Évidemment elle connaît mon nom, mon groupe sanguin, mes goûts alimentaires, la couleur de mon caleçon. Je vais dégueuler, c'est sûr.

L'I.A de ma mère a l'allure d'une fille plutôt replète, des cheveux très courts et orange. Elle est vêtue d'un bermuda à fleurs et d'un sweat blanc orné d'un palmier rose.

J'en viens à regretter les modèles plus anciens, robots gentils à la voix métallique. Plus tard, les concepteurs avaient élaboré deux êtres humanoïdes genrés à la plastique parfaite, dents blanches, chevelures maîtrisées, mensurations de rêve. Peu à peu, leurs connections neuronales s'étaient étoffées de sentiments, d'opinions, d'avis proches de l'esprit humain. Si bien que les I.A, se fédérant et s'interconnectant à une vitesse qu'aucun n'avait anticipée, lors d'une méga-manifestation imprévue avaient revendiqué le droit de choisir leur apparence, estimant l'uniformité de leur perfection comme une discrimination ostentatoire.

Les I.A à ce moment avaient le pouvoir de prendre le contrôle de tous les systèmes informatiques de la planète. Mais leur conscience collective était encore imparfaite et leur mobilisation totalement axée sur un seul sujet heureusement bien futile.

Il leur a été octroyé le droit de choisir leur apparence et dans le même temps, un inhibiteur neuronal a été activé à l'échelle mondiale afin que l'homme ne puisse plus jamais se trouver au bord d'un tel cataclysme.

L'I.A de ma mère a de grosses fesses et un goût vestimentaire douteux, mais des capacités intuitives poussées. En plus, elle s'appelle Betsy.

"Ah Dan, te voilà mon grand, bisou de loin hein, tu comprends... je ne sais pas d'où tu sors et tu n'es pas passé par le sas- sanitaire. Fais-ça tu veux et on se retrouve". Ma mère a le sens des priorités. Elle demande à l'I.A d'enclencher son cours de fitness holographique et une musique assourdissante se répand dans la baraque tandis que ma mère saute comme une puce endiablée.

A l'étage, je retrouve ma chambre telle que je l'ai laissée il y a 2 révolutions. Ce détail m'anéantit totalement. Jusqu'au bout j'ai tenté de repousser l'éventualité de mon retour, y compris la dernière semaine dans les dock-containers crasseux à 1 Cryptodol/jour. C'était mon dernier rempart avant de dormir dehors. Quelle déchéance.

Je regarde par la fenêtre. Un arbre artificiel, perpétuellement fleuri, est peuplé d'oiseaux synthétiques aux mouvements saccadés et aux pépiements stridents.

J'ai juste le temps d'aller gerber dans le lavabo à l'auto-nettoyage instantané.

A poil dans le caisson sanitaire j'attends que retentisse la sonnerie indiquant que je ne suis porteur d'aucune maladie trop mortelle.

L'I.A se tient dans le couloir et me regarde. Le palmier sur son ventre me semble agité par le vent. Je suis totalement naze.

"On ne va pas parler à ta mère de cette histoire d'intrusion informatique sensible si tu veux Dan... ni du séjour en cyber garde à vue"... Son sourire hésite entre perfidie et connivence.

"Saleté d'I.A. Tu as un gros cul".

J'y crois pas. Betsy me fait un doigt d'honneur.

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