Betsy

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Loin de moi l'idée de prétendre que je suis un garçon fréquentable. Vraiment loin de moi cette idée. Ça me navre un peu. C'est vrai quoi, tout le monde apprécie les types souriants, fiables, drôles et honnêtes. Oui, ça me navre.

Mais je ne suis pas ce genre de personne, autant se l'avouer direct.

Au début, ma mère m'assommait de questions sur les deux dernières révolutions passées loin d'elle à Skytown. J'esquivais en restant vague sur mes expériences "professionnelles" et en gardant un œil sur Betsy qui souriait comme une débile au point qu'on pouvait craindre un bug dans sa matrice. Elle me faisait même des sortes de mimiques de connivence qui me tordaient les tripes !!! Cette garce pouvait me griller à sa guise et j'avais trop besoin de l'hébergement maternel dans un premier temps.

Du coup, ne pouvant m'attaquer frontalement à elle, j'ai juste bidouillé un brouilleur dans la baraque. Je n'étais pas un type fréquentable, mais j'avais quelques dons en informatique.

Depuis, Betsy présentait des capacités d'exécution conservées pour les tâches domestiques, mais un comportement et des propos disons... erratiques.

Ainsi, plusieurs fois dans la journée, elle nous saluait " bonjour Karole, bonjour Dan, belle journée en perspective, je prépare le petit déjeuner ?". Ma mère réprimait un rictus nerveux en lui faisant remarquer qu'il était quatre heures de l'après-midi et qu'elle nous avait déjà servi le couplet cinq fois ce même jour. Je ricanais mentalement en feignant la surprise et l'effarement. Betsy se mettait alors en pause, tentant de se rebooter toute seule. C'était pathétique.

"Bonjour Karole, bonjour Dan, belle journée en..." J'avais installé un mode aléatoire de brouillage. Quelle conne cette I.A.

Dans le même genre, sa compréhension habituellement élaborée des subtilités du langage humain était affectée. Je m'amusais à lui balancer des trucs tels que " tu as pété un boulon ma pauvre Betsy" et elle fonçait au garage, armée d'un marteau pour taper sur tous les clous, vis, écrous, forets qu'elle trouvait.

Ma mère était tétanisée. "Tu verras qu'un jour elle nous massacrera dans notre sommeil" me disait-elle en me serrant les mains. Je la rassurais en lui rappelant que cette bécasse de Betsy était équipée d'un inhibiteur de violence envers l'humain, comme tous les I.A, mais je la laissais penser aussi que ma présence était un gage de protection supplémentaire.

"Bonjour Karole, bonjour Dan, belle ...". "Bordel Betsy ! Ferme-la ! Je vais appeler I.A-Corporation je te préviens ! Tu vas finir sur la chaîne de montage des Flybus" !

Tout cela m'amusait je l'avoue, mais je me faisais copieusement chier aussi. J'avais honte de gâcher mes compétences sur cette grosse Betsy mal fagotée (mini-jupe en cuir rose fluo, débardeur échancré en latex noir sans oublier les cheveux orange ! Ça piquait sévèrement les yeux) même si c'était pour protéger ma sécurité. Je devais la jouer profil bas encore un moment.

Un matin, " Bonjour Karole, bonjour Dan..." j'ai dit à Betsy : "Va te faire fouetter pour ton impertinence" et j'ai attendu la réaction aberrante qu'elle allait mettre en œuvre. J'imaginais une scène bien trash qui allait faire flipper ma mère.

Mais Betsy, qui ce matin-là portait une nuisette rose pâle bien transparente, m'a regardé bien en face et lentement, ostensiblement, silencieusement m'a montré le module de brouillage qu'elle tenait dans le creux de sa main droite tandis que du majeur gauche, elle me faisait un doigt d'honneur des plus expressifs.

Et dire que j'avais tout gagné à Skytown...

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