Skytown

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* Skytown, la putain attirante.

Que dire d'une ville qu'on a désiré comme rien de connu ? Le genre de désir qui vous ruine la tête aussi puissamment qu'une drogue de synthèse frelatée. Le genre de désir qui vous rend totalement obscur pour tout le monde. Le genre de désir qui vous vide de l'intérieur.

C'était ça Skytown pour moi. Je pourrissais littéralement de désir.

Et d'ennui aussi, il faut le dire. Alphaville m'enfermait comme un cercueil bas de gamme, tout y était propret, polissé, artificiel. Le ciel-dôme toujours bleu, le Flybus toujours porté par un souffle, les oiseaux synthétiques perpétuellement en vie et que je ne pouvais même pas flinguer. Et au-dessus de tout ça, comme un gros couvercle bien plombant : ma mère. Je ne saurais même pas définir le sujet : ma mère et son bronzage permanent, ma mère et sa gym holographique, ma mère et ses conseils pris auprès de ses I.A " Dan mon chéri, pourquoi tu ne deviendrais pas conducteur de Flybus ?" ... Sans déconner, son I.A lui faisait croire que les Flybus avaient un chauffeur... Déjà une sacrée garce d'I.A à l’époque, une certaine Rosita si je me souviens bien.

Skytown était une évidence.

Skytown vibrait de lumières, de sons, de possibles. Skytown vous électrisait et vous faisait jouir. Skytown vous digérait, vous crachait ou vous propulsait.

Cette putain de ville, j'en crevais.

* Skytown, la putain accueillante.

J'ai inspiré longuement, bruyamment, bouche ouverte, sur le quai bondé de Getnow Station. Je me suis littéralement et physiquement rempli de Skytown. Enfin.

Emprunter l'empreinte-paiement de ma mère n'avait pas été bien compliqué. Crever les yeux de l'I.A Rosita afin qu'elle ignore ma destination a été plus corsé car elle s'était débattue assez sévèrement malgré la séquence de désamorçage sensoriel que j'avais lancée. Un liquide blanc et poisseux avait giclé et salopé mon pantalon mais je n'avais plus le temps de me changer. Pardonne-moi Skytown de venir à toi aussi dégueulasse.

Getnow Station pullulait de robots, certains indiquaient des directions, certains nettoyaient les sols, certains gardaient les enfants perdus, certains portaient les bagages, certains vendaient des trucs à manger ou boire. Il y avait aussi pas mal d'I.A, toutes générations confondues, plus ou moins perfectionnées. Un "type" vraiment quelconque s'est approché de moi, souriant de toutes ses dents blanches dans son visage noir " Bienvenue à Skytown, besoin d'un hôtel discret et non robotisé ?". Saleté de machine qui savait tout. Celui-là aussi avait des yeux qu'on avait envie de crever.

C'est comme ça que je me suis retrouvé à l'Underground Bates Motel de Skytown - 12e sous-sol- couloir B- porte 4/3. Le fameux U.B.M.

* Skytown, ma putain de ville.

Je ne pouvais pas me retrouver dans les beaux quartiers. Je le savais bien vu les compétences que j'ai rapidement développées à Skytown, qui demandaient une certaine discrétion et surtout de contourner les ordinateurs centraux qui régissaient la plupart de nos actes d'humains. Il y avait de la place pour tout le monde dans cette ville. Ma spécialité au départ était de fournir des musiques interdites : Fletwood Mac, Supertramp, Eagles, Toto, Queen, U2, Pink Floyd... Trop de liberté, trop d'ivresse, trop de rêves... C'était pas du grand banditisme. Il suffisait de puiser les sources dans des fichiers confidentiels de la matrice et de les plugger avec mes clients.

De la musique, j'étais peu à peu passé aux informations commerciales et industrielles. Puis aux sources judiciaires, ce qui permettait de modifier quelque peu certaines enquêtes délicates. Rien de très méchant.

J'étais en permanence dans une sorte de transe délicieuse et flippante, adrénaline, shoot de peur à l'état pur. Se balader incognito dans les systèmes informatiques de Skytown pour en subtiliser les données me galvanisait. Et ça payait bien.

Skytown avait tenu toutes ses promesses. Ma putain de ville.

Le jour où j'ai réussi à craquer le code d'accès au Hellnet, avatar puissance 1000 du Darknet vieillissant, j'ai failli me jeter du 20e étage pour vérifier que je ne savais pas voler.

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