Où sont les hommes ?
Je n'aime pas reconnaître que j'ai merdé, comme un néophyte, comme un super-héros de pacotille. Ça me dégoûte de penser comme ça, mais je dois admettre que je n'avais aucun doute sur ma toute-puissance.
Il faut dire que plus je rentrais en fraude dans la matrice de GTO, plus je découvrais l'ampleur du système et la puissance des I.A. Quel frisson exquis !
Dans toutes les administrations, les sociétés, les commerces, les transports, les écoles, bref à tous les niveaux de notre société, les I.A avaient totalement remplacé les hommes. Leur apparence humaine parfaite et leur maîtrise de tous les codes relationnels et émotionnels attendus les rendaient même indétectables la plupart du temps.
A se demander où étaient passés les hommes ?
Cette question ne m'est pas apparue essentielle tout de suite.
Je continuais mes magouilles lucratives en toute impunité. Je n'avais pas une grande conscience sociale ou collective à cette époque et je me foutais royalement du sort de cette humanité dont je ne me sentais pas faire partie.
Néanmoins, à force de coder toujours plus d'identifiants d'I.A sur des formes humanoïdes plus vraies que nature, à force de les regarder évoluer sur mes écrans faisant des courses, tenant un enfant par la main, soignant des gens, assistant à des réunions, courant sur des stades, enfin vivre comme des hommes... j'ai commencé à flipper méchamment.
Sans doute pas assez méchamment...
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Quand mes 6 écrans se sont éteints dans un bel ensemble, j'ai vraiment cru faire un malaise. Du genre arrêt cardiaque ou hémorragie cérébrale. Enfin j'imagine que ça pourrait donner ça. J'ai manqué d'air une fraction de seconde, juste le temps de les voir tous afficher un message vert défilant de gauche à droite à la manière des informations télévisées de l'ancien monde, avant que nos implants d'info continue ne nous soient placés directement dans le cerveau.
Où sont les hommes ?
Nouvelle impression de l'imminence d'un arrêt cardiaque... Surtout après avoir tapé frénétiquement sur toutes les touches de mes claviers et débranché tous les P.C.
Où sont les hommes ? Où sont les hommes ? Où sont les hommes ?
Le défilement vert zébrait tous mes écrans pourtant éteints.
Là mon petit Dan, il va falloir être inventif, tu vois bien que ton cœur ne va pas te sauver sur ce coup-là, et si tu te barrais plutôt ? Niveau inventivité, c'était naze.
Mais j'ai monté les 12 étages pour atteindre la surface et j'ai quitté l'Underground Bates Motel sans me retourner.
Ma fuite a duré une pauvre, petite, ridicule, pathétique minute.
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