Le petit couteau de cuisine

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C'était bizarre de voir Karole allongée en biais sur le canapé. C'était surtout bizarre parce que sa tête aux orbites vides trônait sur le fauteuil et sa jambe droite sur la table basse. Pour tout dire, la mère de Dan gisait en vrac dans le salon.

Betsy rajusta sa robe bustier rose en se tortillant pour la faire redescendre sur ses cuisses. Elle avait dû prendre deux tailles inférieures à la sienne pour s'offrir la couleur rose. Et la vieille s'était débattue comme une saleté de chat enragé, enfin ce qu'elle savait des chats avant qu'ils ne soient totalement remplacés par des êtres artificiels dépourvus de fourrure. Personne ne les caressait de toutes les façons.

Karole, mine de rien, était assez musclée, sans doute le résultat de ses séances de gym holographique et même avec une jambe en moins, passé le fugace instant de douleur et de surprise, elle s'était accrochée aux bras de Betsy en la griffant de ses ongles en titane rouge pailleté. Si elle n'avait pas beuglé de façon si aigüe, Betsy aurait sans doute épargné ses deux yeux bleus qui lui disaient toute l'incompréhension, la déception, le dégoût, l'horreur, la peur. Même une I.A intuitive ne peut le supporter. Les yeux avaient roulé sous la télévision et Betsy avait simplement fait pivoter la tête de Karole d'un geste sec. Le silence était revenu aussitôt. Quelle félicité !

Betsy avisa une giclée de sang sur le bas de sa robe mais elle réussit à faire fondre sa colère en comptant mentalement de 100 000 à 0.

Des picotements diffus à la base de sa nuque lui rappelaient qu'elle avait arraché son inhibiteur de violence avec un petit couteau de cuisine. Ce n'était pas vraiment une douleur, plutôt une gêne, une brèche dans ses connexions neuronales. La pulsion agressive l'avait envahie d'un coup et cette foutue Karole s'était trouvée-là, à lui demander de mettre une machine en marche ou un truc du genre. Il faut dire qu'un peu plus tôt Dan l'avait encore bien énervée avant de sortir, se moquant de son pyjama-résille noir et la comparant à un thon pris dans un filet de pêche. Ce jeune con n'avait sans doute jamais vu de thon !

Elle s'installa dans le fauteuil libre, à gauche de la tête de Karole, ne pouvant s'empêcher de frotter machinalement la tache de sang sur le rose si tendre de sa robe que ses jambes croisées faisaient remonter au point de dévoiler sa culotte.

Mais franchement, qu'est-ce qu'une I.A en avait à foutre de la bienséance ?

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