Où est-ce qu'elle est, la jolie maisonnette?

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Bien tard dans la nuit, un rire étrange et des chuchotements réveillèrent Sighdur en sursaut. Il ne reconnaissait plus les lieux, la maison était toujours là, mais elle avait complètement changé. Les beaux murs blancs avaient fait place à des murs totalement sombres, aussi noirs que du charbon. Les tapisseries bucoliques avaient disparu, laissant place à des trous faisant office de fenêtres qui donnaient sur une forêt totalement décrépie. La saleté était omniprésente. Un étrange chaudron chauffait dans l'âtre, celui-ci était garni de crânes et d'ossements en tout genre. Il réveilla vite fait Taitdur qui, totalement effrayé, eut la même vision.

C'est alors qu'ils les aperçurent. Ils avaient plus ou moins la même taille qu'un Tirgalion moyen, mais c'était bien la seule comparaison qui était possible. Leur peau tendait vers le vert et le brun, était parsemée de cicatrices, comme si celles-ci indiquaient avec fierté des marques de guerre. Leurs cheveux étaient en bataille et ne semblaient plus avoir touché de peigne depuis bien des années. Mais ce qui effrayait le plus les deux Tirgalions n'était ni plus ni moins leur regard qui était de braise, habité par une haine vivace. Et ils observaient nos deux amis avec un sourire plus que malsain. Selena était derrière eux, et fouillait avec fébrilité dans les affaires des Tirgalions.

— Je l'ai sentie ! Je suis sûre que j'en ai senti une !

Elle se tourna vers eux. Son sourire, ses yeux étaient eux aussi envahis par cette braise, cette haine si intense. Ils reconnaissaient à peine la Nymphe qui les avait accueillis plus tôt dans la journée.

« Dites-moi, vous deux ! Où est-ce qu'elle est ? Où l'avez vous cachée ? Je sais ce que vous transportez, donnez-la-moi !

— Je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler », répondit Sighdur. « Mon ami vous l'a dit, nous sommes en route pour quérir quelque ingrédient pour la farce de l'Ancêtre ! »

La réponse qu'il obtint fut l'hilarité générale chez les gnomes qui les observaient. L'un deux, munis d'une lance, s'avança et la pointa directement en direction de la gorge de Sighdur.

« Ce n'est pas bien de mentir, mon petit ami. Quand Maîtresse demande, tu réponds sans faillir. Quand Maîtresse ordonne, tu obéis. Il va falloir vite vous y faire, les gaillards, sinon vous allez tâter de nos fers ! »

Un deuxième se rapprocha et gifla violemment Taitdur. Le coup était si fort qu'il se sentait tomber, mais se rattrapa d'une main.

« Tu fais moins le malin là, hein, Monsieur le Fanfaron ! Monsieur, j'ai une mission pour le Val ! Toi aussi, je vais t'apprendre à ne plus mentir ! »

Les coups s'abattirent, les un après les autres, tout aussi violents que le premier jusqu'à ce qu'il tombe inconscient. Puis, ce fut au tour de Sighdur de connaître le même sort.

À leur réveil, ils virent qu'ils étaient enfermés dans une cage, comme celles qu'ils utilisaient pour leurs poules. Ils n'étaient plus dans la maison, mais dans une grotte. Sighdur supposa qu'elle devait être sous la maison, en observant un escalier taillé directement dans la pierre et qui montait vers un éventuel étage supérieur.

La grotte subissait le même aspect que la demeure dans laquelle ils s'étaient réveillés. La Pierre était sombre comme l'ébène, le sol recouvert de gravillons et d'ossements en tout genre, allant du petit animal à celui d'êtres humanoïdes. Un peu plus loin se trouvaient des instruments étranges, vraisemblablement destinés à trancher, arracher des membres ou organes. Selena se tenait devant leur cage, avec les gnomes bizarres derrière elle, et répéta une nouvelle fois sa question.

— Où est-elle ?

Sa voix était de plus en plus forte, portée par la colère et l'envie. Sighdur se leva d'un trait, et tout en se tenant à la cage, dit avec colère :

« Mais puisque je vous dis que je ne sais même pas de quoi vous parler !

— Mais bien sûr, mon petit Tirgalion. J'ai senti une pierre de pouvoir dans les bois, c'est d'ailleurs pour cela que je suis venue à votre rencontre. Car je sais que c'est vous qui la transportez.

— Faut arrêter la moquette, madame ! Si vous voulez des cailloux, il y en a plein les bois ! Les pierres magiques, ça n'existe pas ! »

Les créatures firent en pas en arrière. Il ne faut pas contredire maîtresse. Quand maîtresse se fâche, bonjour les dégâts. De fait, la fureur se lisait sur son visage. Un vent froid se mit à souffler dans la grotte. Il se concentra sur les deux Tirgalions, qui se mirent à trembler. Taitdur, voyant son ami souffrir par ce vent glacial, demanda à ce qu'elle s'arrête.

« D'accord, arrêtez ! Je vais vous le dire !

— Où est-elle ?, demanda-t-elle à nouveau.

— tout prêt...

— Où ça ?

— Dans ton cul. »

Stupeur générale. Ni Selena, ni les gnomes maléfiques ne s'étaient attendu à une telle réponse. La nymphe se mit à rire. Ses minis sbires hésitèrent un instant, puis s'esclaffèrent à leur tour. Mais cette hilarité n'était point joviale, au contraire, elle glaçait le sang des deux malheureux enfermés comme des poules. Au bout d'un petit instant, Selena reprit un air sévère et arrêta son rire malfaisant. Les créatures derrière elle stoppèrent aussi sec.

« -Vous ne perdez rien pour attendre, petits Tirgalions. Dès demain, nous reprendrons cet interrogatoire et je commencerai votre éducation. Vous êtes comme ces pauvres Tirgalions perdus dans la forêt bien avant vous. Vous êtes à moi dorénavant, et comme eux, vous me servirez et m'adorerez jusqu'à ce que la mort, qui viendra bien tardivement, vous prenne ! Mes chers gnomes, surveillez-les, le jour va bientôt poindre, il est temps pour moi de me reposer ! Me promener dans le soleil m'a épuisée ! »

Sighdur observa le mécanisme de cette cage. Un cadenas, rien de bien sorcier à ouvrir s'ils avaient les ustensiles adéquats. Mais à chaque regard qu'il posait hors de la cage, il était rappelé à l'ordre par un de ses tortionnaires.

Lorsque Sighdur et Taitdur commencèrent à dodeliner de la tête et tentaient de trouver une position confortable pour se reposer, les gnomes décidèrent de tirer à la courte-paille celui qui devrait garder les deux Tirgalions durant la journée. Ce fut le plus grand, un peu benêt qui dut s'y coller, à la grande satisfaction de ses confrères. Sighdur, en regardant ces êtres immondes, supposa même qu'ils avaient entourloupé leur camarade, et que ce n'était pas la première fois qu'ils agissaient de la sorte. C'est bien simple, ils dans leurs palabres, ils l'avaient chaque fois appelé « Big Dadais ». Ces derniers s'en allèrent dans une sorte d'alcôve un peu plus loin et on ne les entendit plus, hormis quelques grossiers ronflements sporadiques.

Profitant de la distraction de leur geôlier, il fallait bien dire qu'il n'était absolument pas malin, et que le moindre bruit suspect lui faisait faire une mini ronde de surveillance, Sighdur et Taitdur fouillèrent leurs poches et plis dans leurs vêtements. À leur grande satisfaction, leurs tortionnaires, dans leur hâte, ne leur avaient pas fait subir une fouille corporelle, et par miracle Sighdur trouva une épingle de sûreté bien calée au fond de sa poche. Il ne lui en fallait pas plus pour crocheter ce maigre cadenas, ils devaient juste arriver à distraire le « grand benêt ». C'est là qu'une brillante idée émergea dans son esprit.

« Dis-moi, Taitdur, tu te rappelles de la berceuse que chantonnait Chandori pour nous endormir ? Celle qui parlait de grands voyages, de ce Tirgalion solitaire, avide de découverte, mais qui se sentait bien seul, loin de sa terre ? Tu pourrais nous la chanter ? »

Taitdur comprit tout de suite le subterfuge. Il commença à entamer une chansonnette, avec une voix faible et douce pour ne attirer l'attention sur eux.

La technique fonctionna à merveilles. Leur geôlier, après avoir versé une petite larme, dodelina de la tête et s'assoupit sous le doux chant de Taitdur. Dès qu'ils furent sûrs et certains que le « grand benêt » dormait à poings fermés, Sigurd sortit son épingle et se mit à bidouiller la serrure du cadenas qui ne tarda pas à céder.

Ni une ni deux, ils sortirent de la cage sans faire le moindre bruit. Mais Taitdur ne voulait pas partir sans faire un vilain tour aux créatures qui les avaient martyrisés toute la nuit. Il s'approcha d'elle tout doucement, à pas de Tirgalion bien furtif, et noua les lacets de ses chausses entre eux. Lorsqu'ils se lèveront, ils se prendront un gamelle bien solide. C'était bien peu payé face aux atrocités qu'ils leur avaient fait subir, mais c'était tout de même mieux que rien. Une fois son méfait accompli, ils prirent la poudre d'escampette, grimpant quatre à quatre les marches vers ce qu'ils pensaient être la sortie.

Sighdur avait vu juste : les grottes où ils avaient été séquestrés se trouvaient bien sous la demeure, l'entrée dissimulée aux visiteurs, par une tout petite alcôve derrière la cheminée. La maisonnette avait repris l'apparence qu'ils avaient connue avant leur sommeil et le soleil brillait, majestueux dans le ciel. La journée était déjà bien avancée, selon eux il ne devait pas être loin de midi.

Tout doucement, à pas de loups, ils avançaient vers la porte, qui signifiait pour eux la fin de leur calvaire. Il leur restait cependant un gros problème : la porte était fermée, et nos Tirgalions étaient bien trop petits pour actionner le levier. De plus, elle était là. Endormie, certes, mais elle était là. Il fallait donc éviter de faire le moindre bruit, sinon, c'en était fini de leur course. Et honnêtement, Sighdur n'osait pas imaginer de quoi était capable une créature aussi malsaine avec la pierre à sa portée.

Pendant que Taitdur réfléchissait à un moyen de franchir cet obstacle, Sighdur, lui, cherchait leurs affaires. Il n'eut pas longtemps à chercher, elles traînaient toujours sur la table de cette vilaine sorcière. Il rassembla tout ce qu'il put, hormis la nourriture qui avait mystérieusement disparu et fit vite deux baluchons.

Taitdur lui intima de monter sur ses épaules, ce que Sighdur fit de suite. Le premier commença à se relever ensuite, et les deux Tirgalions, en faisant donc la courte échelle, purent actionner le mécanisme de la porte. Malgré le cliquetis émis par la clenche, qui provoqua un stress énorme chez nos deux compères, Séléna ne semblait pas se réveiller. Ils sortirent vite fait de la demeure et se mirent à courir le plus vite possible pour sortir de la clairière.




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