Care

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Une fête d’anniversaire. Un assemblage d’amis que nos hôtes ont connu au gré des trois décennies qu’ils ont passées ensemble à voisiner, à croire, à se battre, à transmettre et à arpenter des paysages à se hisser vers le ciel. Tous les muscadets sont là, celui qu’à vieilli sur un bois de chêne, celui qu’on a pressé bien après que la cloche a sonné, celui des jours sans sel et enfin, celui qu’on fait tourner sept fois dans sa bouche afin d’en apprécier le crû que l’on sait grand, les harmonies majestueusement combinées. On parle, on rit, entre deux pas de danse, entre deux comment vas-tu. On passe de l’un à l’autre et, mine de rien, on s’en sort avec un diagnostic sur l’état de santé de notre coin de pays. Le constat est sans appel. Ils sont trois : un infirmier, une secrétaire médicale et un ex-décorateur en reconversion d’aide-soignant. Ont tous l’âge de leurs artères, celui où l’on tend le bras pour mieux y voir. Le premier évoque l’état psychique d’une jeunesse avec qui il travaille. Probable qu’il serait d’accord avec ce romancier philosophe, mort au combat, qui jurait ne surtout pas laisser dire que 20 ans était le plus bel âge de la vie. Que signifie en effet avoir 20 ans dans un monde où les déplacements sont entravés, les études distanciées, les relations amoureuses et amicales empêchées, les horizons professionnels brouillés ? Lui, dans son quotidien, il voit les séquelles de la Covid dont le virus continue d’enfermer dehors nombre de jeunes. Il précise qu’un de ses collègues, quelques jours auparavant lui a fait part de son dilemme : cinq jeunes reçus, cinq besoins d’hospitalisation mais une seule place libre. La deuxième dit que, bien qu’elle ait une trouille des hôpitaux et de ce qu’on y traite, elle découvre avec plaisir ce travail d’écoute rassurante qu’elle exerce sur les bords de la Moine. Et bien que cela ne fasse que peu de temps qu’elle y travaille, elle note que le nombre d’appels de patients désespérés explose. Non pas qu’ils soient prêts à se jeter par une fenêtre ou sous un train, simplement qu’ils se découragent de trouver simplement un médecin généraliste. Ils habitent à 30 bornes et ne savent pas ce qu’ils vont devenir car aucun toubib ne les accepte depuis que le leur a rendu sa blouse. La soirée continue. On se resserre en rougail (excellente au demeurant) avant d’écouter le troisième. Se reconvertir à 52 piges en aide-soignant ? L’idée a fait son chemin, petit à petit. Il y a eu ce parent en fin de vie qu’il a accompagné, il y a ce boulot qui n’apportait plus grand sens et puis il y a eu le virus qu’à aider à pousser les questions un peu plus loin. Demain, une fois son diplôme en poche, il se verrait plutôt travailler en EHPAD, là où on peut prendre le temps de soigner, de parler et d’accompagner. Les verres sont vides. Nos hôtes s’installent. Nous prenons nos papiers et leur chantons notre petite chanson sur l’air de Qui de nous deux

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