Partie 1
Je me réveille en sursaut, encore ce cauchemar horrible. Je respire lentement et longuement. Chaque nuit je fais cet horrible rêve, je n'y comprends rien et la question que je me pose à chaque fois est « qui est Feren ? ». Mais j'ai appris depuis bien longtemps à faire abstraction de ce rêve et à l'oublier, je refuse de gâcher du temps pour un songe stupide.
Je me lève de mon lit et vais prendre une douche pour enlever la sueur de la nuit. J'enfile un jean, un haut à manches longues et des baskets avant d'aller prendre un rapide petit déjeuner, je n'ai pas très faim ce matin et je mange assez vite avant de me brosser les dents.
J'enfile une doudoune avant de sortir en fermant à clé la porte de mon petit appartement derrière moi. Un long frisson me parcourt de la tête aux pieds. L'Hiver s'est installé depuis longtemps et les couloirs de l'immeuble ne sont pas chauffés.
Mais une fois dehors c'est pire, il a neigé dans la nuit et la couche de neige est tellement épaisse qu'elle m'arrive au milieu des mollets. Je regarde la route et suis rassuré de voir qu'elle a été dégagée afin que les véhicules puissent circuler librement.
Je me rends à l'arrêt de bus tout en sortant de quoi me payer un ticket, normalement je préfère marcher... Mais là vu l'énorme couche de neige je préfère ne pas prendre de risque. Je regarde autour de moi en attenant le bus, c'est bientôt Noël et ça commence à se sentir. L'extérieur des maisons, les vitrines des boutiques et les lampadaires sont décorées de pères noëls, de sapins, de boules ou de guirlandes.
Le bus finit par arriver et je monte dedans, donnant l'argent au chauffeur qui me donne un ticket que je passe dans la machine avant d'aller m'asseoir sur l'un des sièges.
Le trajet ne dure pas longtemps et au bout d'une dizaines de minutes à peine j'arrive au centre ville. C'est très animé, les gens font leurs courses de noël et préparent le réveillon, je les envie, moi je n'ai personne avec qui passer le mien. Enfin au moins comme ça je suis tranquille et je n'ai pas de cadeaux à faire.
Je descends du bus et me dirige vers un café/chocolaterie dont l'enseigne marron affiche « Délices Chocolatés » en lettre d'un beige clair.
Je pousse la porte et tout de suite la délicieuse odeur du chocolat m'enveloppe, je me sens tellement bien ici, j'ai toujours aimé cet endroit. Ces murs marrons qui évoquent du chocolat fondant, ses chaises et ses tables un peu plus claires qui font penser au chocolat blanc et le bar tout au fond nous permet de réaliser les commandes des clients.
J'entre sous l'œil attentif des maîtres chocolatiers qui ont su rendre ce produit aussi célèbre et délicieux. Leurs photos sont accrochées aux murs aux côtés de scène représentant la manière de faire du chocolat à travers les pays et les époques.
Il n'y a pas grand monde, mais c'est normal il est à peine six heures du matin, dans une heure ou deux l'endroit sera bondé. Je me dirige vers la porte du fond, celle qui donne sur les vestiaires.
Je m'y change, enfilant ma tenue de serveur marron et blanche :
- Julian ! Salut comment ça va ? me demande une voix enfantine et joyeuse.
Je me tourne vers Jérémy, l'un de mes collègues, il est comme un rayon de soleil avec ses cheveux blonds, son visage poupin et ses beaux yeux verts comme l'herbe en Été :
- Je vais bien, et toi ?
- Bah... Comme d'habitude, au fait, tu veux bien qu'on échange nos jours de congés ? Demain j'ai un truc super important à faire alors si tu pouvais faire mon service et moi je ferais le tien après demain.
Il me regarde avec une bouille de chien battu, comment résister à une tête aussi adorable que la sienne ? C'est totalement impossible !
- D'accord, qu'est-ce que tu vas faire ? Ne me dis pas que tu n'as pas encore acheté les cadeaux de ton don juan et de votre fils ? je lance en rigolant un peu.
- Si... Je voulais m'y mettre mais je n'ai pas eu le temps, et Jordan va être furieux si j'oublie d'acheter ce qu'il faut pour les fêtes, tu me sauves la vie Mister chocolate !
Il s'approche et me fait un bisou sonore sur la joue, ce qui me fait rire et je le regarde partir en courant. Mister chocolate est le nom qu'il me donne parce que ma peau a la même couleur que du chocolat au lait, mes cheveux a celle d'une cascade de chocolat noir et mes yeux sont d'un dorée assez étrange, ils font penser à du chocolat blanc. Parfois j'ai l'impression d'être une sorte d'esprit du chocolat ou un truc du genre, va savoir.
Je termine d'enfiler mon tablier avant de sortir à mon tour, la salle est déjà un peu plus remplit que tout à l'heure et je m'approche de Jérémy :
- Tu veux faire le service en salle ou rester au bar pour préparer les commandes ? je murmure.
- Je reste derrière le comptoir, je crois que c'est à ton tour de t'occuper de la salle.
Je rigole, amusé et attrape un plateau, commençant donc à me diriger vers les clients pour prendre les commandes.
***
Les heures suivantes passent assez rapidement. Je fais des allers et retours au bar avec les commandes, je sers les clients, prends les commandes et nettoie les tables.
Pendant la pause du midi, je ne peux que manger un pauvre sandwich alors que j'ai bien envie de dévorer plusieurs cheeseburgers d'affilée. Mais je n'ai franchement pas le temps d'aller au Burger King du coin.
Le service de l'après-midi ressemble beaucoup à celui du matin, mais il y a plus de clients, surtout vers seize heures car ils sortent du travail et viennent se détendre chez nous. Il faut dire que notre petit café/chocolaterie devient de plus en plus populaire, nous sommes le seul de la ville et nous faisons de bonnes choses. Quoi ? Ce n'est pas de l'orgueil, c'est ce que disent tous les clients qui viennent !
D'ailleurs Jérémy et moi ne pouvons pas nous empêcher de picorer quelques chocolats pendant le service, ils sont tellement bons ! Nos maîtres chocolatiers sont vraiment doués ! C'est juste dommage qu'on ne puisse pas trop se voir pendant les heures de travail. Je n'ai jamais vraiment eu le temps de sympathiser avec eux.
Cet après-midi je m'occupe encore du service en salle, Jérémy ayant décidé qu'il avait envie de rester derrière le comptoir aujourd'hui. Mais ça ne me gêne pas, j'aime le contact avec les clients, et puis j'ai remarqué qu'ils laissaient plus de pourboires quand c'est moi le serveur. Peut-être que j'ai une tête plus amicale que mon collègue ? Je ne sais pas, mais au moins ça nous fait un peu plus d'argent à la fin du mois :
- Et Julian, il y a un nouveau client qui vient de s'installer ; m'informe Jérémy d'une voix un peu trop mielleuse à mon goût.
Je sursaute, encore perdu dans mes pensées et je cligne des yeux :
- Hein ? Oh... J'y vais.
Je prends le Chocolat Liégeois qu'il me tend et je vais rapidement le porter à la personne de la table numéro neuf avant de me diriger vers le nouvel arrivant tout en sortant mon calepin.
Puis je lève la tête vers le client en souriant... Et mon cœur rate un battement dans ma poitrine... Il est... Magnifique. Sa peau est pâle comme la neige, ses cheveux sont aussi blonds que de l'or, presque blancs, lisses comme la surface d'une eau calme. Ses yeux sont d'un violet intense. Ses traits et son visage sont fins, ses lèvres charnues et son nez droit et... Il a les oreilles... Légèrement pointues ?
Ce détail me sort de la transe dans laquelle m'a plongé cet homme d'une beauté éblouissante. Je comprends mieux pourquoi mon collègue parlait de cette façon en me prévenant de la présence de l'homme. Je cligne des yeux, pas vraiment certain de ce que je viens de voir et je me dis que je n'ai sans doute pas assez dormis la nuit dernière. Personne ne peut avoir des oreilles en pointes et lorsque je regarde de nouveau celles-ci, elles sont revenues à la normal :
- Tout va bien ?
Je sursaute... Cette voix... Elle est encore plus magnifique que lui, cristalline, douce et musicale :
- Heu... O... Oui... Que puis-je vous servir ? je réponds maladroitement.
Je tente tant bien que mal de reprendre contenance. Il me sourit et je le lui rends pendant qu'il regarde la carte avant de se tourner de nouveau vers moi avec un regard de braise. Un frisson me traverse de la tête aux pieds :
- Je vais prendre un chocolat chaud, noir, intense et une gaufre avec beaucoup de chantilly.
Je déglutis, ces mots font apparaître des images salaces dans mon esprit. Je dois faire un effort surhumain pour garder mon corps froid :
- Je... Je vous apporte ça le plus vite possible.
Je file sans demander mon reste, comment un simple homme peut me faire autant d'effet ? Ça ne m'était jamais arrivé avant. Je me réfugie dans la réserve et m'adosse contre la porte en respirant lentement et profondément. Le calme revient peu à peu et je suis presque désespéré quand je me dis que je vais devoir retourner à sa table... Je vais essayer de lui parler le moins possible comme ça mon corps ne s'enflammera pas.
Je prends une nouvelle inspiration avant de sortir et je m'approche de Jérémy pour lui remettre la commande que j'ai prise. Ce n'est que lorsque je lève la tête que je me rends compte qu'il me regarde avec un sourire bizarre :
- Heu... Pourquoi tu me regardes comme ça ? je lance avec méfiance.
- Tu crois que j'ai pas vu comment tu as réagis avec le client ? Il te plaît avoue ! En tout cas t'as raison parce qu'il est super canon ! Tu crois que je peux lui faire du charme ? Quoi que... Il te dévore du regard depuis tout à l'heure alors je pense pas que je pourrais avoir une chance avec lui, de toute manière je préfère mon Jordan.
- Quoi ? N'importe quoi, il ne me dévore pas des yeux tu te fais des idées.
Je me tourne vers l'homme qui m'a fait autant d'effet et je croise son regard brûlant braqué sur moi :
- Oh putain.
Jérémy a raison, il me mange littéralement des yeux. Je me détourne rapidement, me retrouvant nez à nez avec le sourire resplendissant de mon collègue :
- Allez, j'ai vu juste, tu lui plais, tu devrais en profiter pour le draguer et le ramener dans ton lit et passer toute la nuit à baiser avec lui !
Je rougis, ce qui ne se voit pas trop avec ma peau mâte :
- Tu vas te taire ! Je n'ai pas envie de coucher avec lui. Oui il est super bien foutu, canon et sexy comme pas possible, mais je ne vais pas aller l'allumer. Je suis au travail et je ne drague pas au travail ! Allez fais sa commande au lieu de dire des conneries ! je lâche avec colère.
Il pousse un soupir à fendre l'âme et je lève les yeux au ciel. Je le laisse préparer la commande pendant que je vais prendre celles des clients qui viennent d'arriver. Je débarrasse les tables de ceux qui sont partis et je les nettoie.
Lorsque je retourne au bar pour tout déposer, Jérémy a fini la commande que je lui ai demandée et me la donne.
Je déglutis et prends mon courage à deux mains pour l'apporter au client blond. Je pose le plateau en souriant :
- Voilà votre commande monsieur.
- Merci ; me dit-il avec un sourire à faire fondre la banquise.
Une profonde douleur me vrille la tête et ma vue se brouille, tout devient lentement noir.
Je suis dans une grande chambre, nu et blottit dans les bras d'un homme dont le visage est flou :
- Ça va mon amour ? Je ne t'ai pas fait trop mal ? demande une voix douce et tendre.
Une main me caresse doucement le dos, venant ensuite se balader sur mes fesses que mon partenaire pince un peu. Un petit frisson de plaisir me traverse de la tête aux pieds et si on ne venait pas déjà de faire l'amour je crois que je lui aurais déjà sauté encore dessus.
L'homme se penche vers moi et m'embrasse passionnément. Je réponds à son baiser avant de me reculer et de faire apparaître une assiette de crêpes recouverte de chocolat :
- Je me suis dit qu'on pourrait manger un peu.
- Oh mon amour, merci.
Je reviens brutalement à la réalité. Je suis allongé sur une banquette et je vois le visage inquiet de Jérémy au dessus de moi :
- Julian ! Julian ça va ? Tu m'as fait une de ses peurs !
- Que... Qu'est-ce qu'il s'est passé ? je couine plus que je ne parle.
- Je ne sais pas, tu es tombé dans les pommes en criant et te tenant la tête. J'ai cru que tu étais en train de faire un AVC ou un truc du genre ! J'ai eu super peur !
Je grogne en me redressant, Jérémy m'aide à me remettre droit. Tout le monde nous regarde et je me rends compte que l'homme blond a disparu :
- Où il est ?
- De qui tu parles ? demande-t-il avec un air surpris.
- Ben du client blond qui était à la table du fond.
Jérémy me regarde comme si je venais de lui dire que le ciel est rouge et que l'eau est noire :
- Heu... Jul... Je crois que tu as pris un sérieux coup sur la tête, n'y a pas eu de mec blond à la table du fond. Je m'en souviendrais quand même. Tu devrais rentrer chez toi et te reposer.
Je cligne des yeux en entendant ce qu'il vient de dire :
- Mais si, tu as même dit qu'il était trop canon et que je devais le draguer pour le mettre dans mon lit.
Il réfléchit... Avant de secouer la tête et m'aider à me relever :
- Non je suis désolé, mais je ne vois pas de qui tu parles, tu as dû avoir une hallucination. Rentre chez toi pour te reposer, tu as besoin de sommeil.
Je le regarde, il a l'air sincèrement convaincu par ce qu'il vient de dire... Alors j'aurais vraiment imaginé cet homme ? Non ! Je refuse de croire que c'est le cas ! L'effet qu'il m'a fait, les frissons qui ont parcourus mon corps et la chaleur qui s'est répandue en moi. Ce n'était pas des hallucinations, c'est impossible que ce soit le cas ! Je continue de chercher l'homme blond... Mais rien a faire, je ne le vois pas. Peut-être que Jérémy a raison finalement ? Que je l'ai vraiment imaginé parce que je suis en manque de sexe ? Ce qui aurait du sens avec la vision que j'ai eue.
Je soupire en me passant une main sur le visage avant de regarder mon collègue :
- Tu as raison... Je vais rentrer à la maison pour me reposer je lâche.
Je ne peux m'empêcher de regarder encore une fois à la table du fond... Mais il n'y a personne et je vais rapidement dans les vestiaires pour changer de vêtements. J'enfile ma veste et sors par la porte de derrière. Ça m'embête un peu de laisser Jérémy tout seul pour assurer le service... Mais je me rassure rapidement en me disant qu'il n'y a plus beaucoup de clients et puis s'il ne s'en sort vraiment pas, il pourra toujours demander à une aide de cuisine de venir lui donner un coup de main.
Je sors dans l'air glacial de cette fin de journée, la neige s'est mise à tomber du ciel. J'hésite entre marcher pour me rafraichir les idées ou bien prendre le bus pour rentrer plus vite... Non je crois que je vais y aller à pied, histoire de prendre un peu l'air et surtout de m'aérer la tête, je crois que j'en ai bien besoin.
Je me mets donc en marche, il fait sombre et les lampadaires de la ville commencent déjà à éclairer les trottoirs. Je vois des gens qui font leur course de dernière minute pour Noël. Un pincement se fait sentir dans mon cœur, je n'ai personne avec qui passer les fêtes. Je suis orphelin... Du moins c'est ce qu'il me semble. Je n'ai aucun souvenir de ma famille. Mon tout premier souvenir remonte à cinq ans, quand je me suis réveillé dans une chambre d'hôpital. C'était, et c'est toujours, le noir total dans ma tête en ce qui concerne mon passé d'avant mon réveil.
Je soupire encore une fois, au moins je n'ai pas de problèmes pour trouver des cadeaux et l'organisation d'un dîner de noël, je suis tranquille et personne ne vient m'embêter avec ça. Enfin, parfois j'ai les voisins, un couple de mon âge qui m'invite, mais je refuse toujours. Pourquoi ? Tout simplement parce que je ne veux pas être de trop, Noël est une fête que l'on doit passer avec sa famille ou les personnes que l'on aime et qui compte pour nous, pas avec un inconnu qui nous fait pitié.
Cette année encore ils m'ont invité, mais je leur ai répondu la même chose « je pars voir ma famille ». Bien sûr c'est un mensonge, mais ils n'ont pas besoin de le savoir et puis j'ai toujours peur de les vexer en leur disant que je n'ai pas envie d'être avec eux. Je sais que c'est stupide mais... À chaque fois qu'ils me demandent de rester en leur compagnie, une partie de moi se rebiffe à cette idée comme si ce n'était pas avec eux qu'elle voulait être mais avec quelqu'un d'autre, une personne que je ne connais pas mais que mon âme et mon corps connaissent.
Je continue mon chemin, passant devant les vitrines des boutiques sans les voir, ignorant les gens qui sortent, les bras chargés de paquets et de cadeaux. Un pincement se fait sentir dans ma poitrine, pourquoi je suis si triste d'être tout seul ? C'est comme si... Quelque chose me manquait, une personne avec qui je voudrais être mais dont je n'arrive pas à me rappeler. Les fois où j'ai essayé de m'en souvenir, je me suis heurté à une sorte de mur dans ma tête, suivit d'une horrible douleur qui m'a fait tomber dans les pommes pendant plusieurs heures. Alors autant dire que depuis je n'essaie plus vraiment de chercher dans ma tête.
Je marche encore et toujours, évitant les gens pressés, les enfants qui courent derrière leurs parents ou les plaques de givres sur le béton. Tout à coup une drôle de sensation me parcourt de la tête aux pieds... Celle d'être épié, observé.
Je me retourne brusquement... Là ! Je viens de voir un éclair blond dans la foule derrière moi.
Sans même réfléchir, je cours derrière cette touffe claire... Mais je me retrouve rapidement perdu à regarder autour de moi, je n'ai pas rêvé pourtant ! Je sens dans ma poitrine ce besoin impérieux de poursuivre ses cheveux blonds, de les rattraper et d'enfouir mon visage dedans, d'inspirer leur odeur et de toucher leur douceur.
Mais voilà, je les ai perdus, je ne les vois plus nulle part, aurais-je encore eu une hallucination ? Si c'est le cas je devrais peut-être penser à voir un psy... Non, je ne peux pas avoir rêvé, ces sensations dans mon corps sont bien réelles, je ne les ai pas inventés. Alors quoi ? Je cours après une personne que je suis le seul à voir ? Si c'est le cas cela veut dire que je suis complètement devenu fou et que je suis bon pour l'asile.
Je prends une grande inspiration, pas de panique, tout va bien, je suis trop fatigué. C'est surement pour ça que j'ai l'impression de ressentir et de voir des choses qui ne sont au final pas réelles. Je ne vois pas d'autres explications.
Je me rends compte que je suis resté trop longtemps immobile et les gens commencent à me regarder bizarrement.
Je me remets en marche sans rien dire et je me précipite pour rentrer chez moi. J'ai peur que si je reste plus longtemps dehors, il m'arrive quelque chose ou que d'autres hallucinations me tombent dessus.
Ce n'est que quand je suis dans mon appartement, la porte fermée à clé et affalé sur le canapé en cuir rouge, que je me permets de respirer plus tranquillement.
Je me passe une main sur le visage tout en regardant le plafond couleur crème. Je crois que je suis bien plus épuisé que ce que je croyais.
Je lève difficilement ma carcasse pour aller dans la salle de bain bleue du sol au plafond. Avec une baignoire et un rideau de douche couvert de petits poissons de toutes les couleurs. Je me débarrasse rapidement de mes habits, que je mets dans le panier de linge sale en osier et je me glisse sous l'eau chaude du jet.
Un soupir de bien être m'échappe, je ne m'étais pas rendu compte à quel point j'avais froid avant de venir sous le pommeau de douche. Je reste un moment comme ça, à savourer la chaleur qui en sort et je me décide finalement à attraper le savon pour me laver de la tête aux pieds.
Une fois propre, je me sèche avec une serviette avant d'enfiler un boxer, un jogging et un large haut. Il fait chaud dans mon appartement, je laisse le chauffage allumé quand je pars au travail. Oui je sais ce n'est pas très économique, mais je ne le fais qu'en Hiver et puis il fait vraiment un froid de canard si je ne le fais pas !
Je regarde l'heure, dix-huit heures trente, c'est bientôt l'heure de manger. Je regarde dans mon frigo pour voir ce qu'il s'y trouve. J'ai un reste de pâtes, un morceau de fromage et quelques tomates. Parfait, je n'aurais pas à faire la cuisine. Pas que je n'aime pas ça, mais j'ai vraiment trop la flemme ce soir.
Je retourne m'affaler sur le canapé et j'attrape la télécommande pour lancer un film. Je tombe sur l'un des derniers films de Marvel, « Doctor Strange ». Il est bien, vraiment bien et même si je dois avouer que je préfère DC Comics, regarder un Marvel de temps en temps ne me fait pas de mal, ça change. Mais bon, le plus sexy c'est quand même Batman, personne ne lui arrive à la cheville.
Je regarde donc le film et je ne regrette pas du tout d'avoir choisi celui-ci, il est pile comme j'aime, de l'action, du suspense et par dessus tout... De la magie ! J'adore les films avec de la magie dedans, les sorciers, les mages, tout ça j'adore !
Je me lève du canapé pour aller dans la cuisine. Je mets les pâtes dans une assiette, avec des morceaux de fromage et j'enfourne le tout en micro-onde que j'active ensuite. J'attends sagement que le tout se réchauffe et je mange goulument mon assiette. Je ne sais pas pourquoi mais j'adore manger, je pourrais passer mes journées à le faire si je le pouvais. Je termine mon assiette et après l'avoir lavée, je vais me brosser les dents. Je finis par aller au lit, il n'est pas très tard mais je suis fatigué et puis une bonne nuit de sommeil me fera sans doute du bien.
Mais voilà, une fois dans mon lit je n'arrive pas à m'endormir, j'ai une drôle de sensation dans la poitrine. J'ai l'impression qu'il manque quelque chose, que je passe à côté d'une chose importante sans même savoir ce que c'est et ça me frustre. Sans trop que je ne puisse me contrôler, mes pensées dérivent vers l'homme blond. Était-il vraiment issu de mon imagination ? J'ai beaucoup de doute, la chaleur de son corps près du mien, l'effet de sa voix sur moi. Son parfum sucré... Non... Je ne peux pas avoir inventé de telles choses ! Et surtout, Jérémy l'a vu ! Enfin, au début, il m'a même parlé de lui... Mais alors pourquoi après mon réveil il a prétendu qu'il ne savait pas de qui je parlais ? Aurait-il fait exprès ? Non je ne pense pas, il est farceur c'est vrai... Mais pas au point de faire passer quelqu'un pour un fou. Et puis il n'aurait eu aucune raison de faire ça.
C'est trop compliqué pour moi, penser à tout ça me donne mal à la tête et je décide d'arrêter là pour aujourd'hui. Je n'ai plus envie de me prendre la tête pour ça. Je ferme les yeux et il ne faut pas longtemps pour que le sommeil m'emporte dans ses limbes.
- Alasseï, tu as déjà vu le grand patron ? Celui qui nous a créés ? Tu sais à quoi il ressemble ? je demande d'une voix curieuse.
Je regarde mon amant, comment je sais que c'est ce qu'il est ? J'en sais rien, c'est une certitude au fond de moi. Son visage, comme tout le reste autour de moi, est flou. Je suis blotti contre lui et la chaleur de son corps se répand lentement en moi :
- Oui, il est très grand, sa peau est noire comme de l'encre, tout comme ses cheveux et ses yeux. Il est beau et si je ne t'avais pas, je crois que je serais fou de lui.
Je souris, attendri par ses paroles et je me redresse pour l'embrasser en fermant les yeux. Ses lèvres sont pulpeuses, douces, sucrées et chaudes. Je les adore, je pourrais passer ma vie à l'embrasser. Mais je suis obligé de me reculer pour respirer :
- Pourquoi il nous a donné la vie ? Il se sentait seul ?
- Va savoir... Je pense que c'est pour embêter son frère, pour que nous détournions ses petits humains dans nos vices ; répond mon partenaire.
- Notre créateur n'aime pas Jénova ? Pourquoi ?
- Je ne sais pas, tu sais les histoires de famille c'est souvent compliqué... Et puis t'avoir contre moi me donne envie de te croquer tout cru !
Avant même que je comprenne ce qu'il m'arrive, je me retrouve emporter dans un tourbillon de plaisir et de luxure.
Je me réveille en sursaut. Je sens quelque chose d'humide au niveau de mon bassin et en me redressant je me rends contre que je... Viens de jouir... Avec le rêve érotique que je viens de faire ce n'est pas étonnant... Mais merde c'est bien la première fois que je jouis à cause d'un rêve !
Je soupire et me lève pour aller me rincer assez rapidement et changer les draps du lit. Je sais que l'homme dont je viens de rêver est le même que celui de la vision que j'ai eue au travail. J'ai reconnu sa voix. C'est la première fois que je rêve, si je peux appeler ça comme ça, plusieurs fois de la même personne. Je ne pensais que c'était possible. Enfin c'est peut-être possible avec une personne que l'on connaît... Mais je ne pense pas que ce soit le cas avec quelqu'un d'inconnu... Est-ce que ça veut dire que je sais qui est cet homme ? Dans ce cas pourquoi est-ce que je ne me rappelle pas de lui ? Est-ce que ça a un rapport avec ma vie d'avant mon réveil ?
Instinctivement j'ouvre le tiroir de ma table de chevet, à l'intérieur il y a un médaillon en or, en forme du signe de l'infini, avec deux ailes de démons de chaque côté. C'est la seule chose que j'avais sur moi, outre mes vêtements, quand on m'a trouvé. J'ai eu beau le regarder dans tous les sens, je n'ai jamais pu déclencher le moindre souvenir.
Je remets le collier dans le meuble avant de me lever pour m'habiller, il est six heures du matin mais je n'ai plus sommeil.
Je traine ma carcasse dans la cuisine pour me faire une montagne de gaufres que je dévore avec du Nutella. Une fois mon petit déjeuner terminé, je vais rapidement faire ma toilette. J'enfile ensuite un jean noir, des baskets blanches et un haut à manches longues bleu ciel. Le tout sous un gros manteau marron histoire de ne pas attraper froid.
Je sors de chez moi en fermant la porte à clé, bin quoi ? La prudence avant tout, je n'ai pas envie de me faire cambrioler ! Je me mets à marcher en regardant autour de moi. Les rues sont beaucoup moins animées et les chasse-neige sont passés pendant la nuit pour déblayer la route.
Le bus arrive pile au moment où je suis à l'arrêt et je grimpe dans le véhicule en donnant l'argent au chauffeur. Il me tend un billet que je passe dans la machine avant d'aller m'asseoir au fond prêt d'une fenêtre :
- Julian...
Je sursaute et regarda autour de moi... Je viens bien d'entendre quelque me parler là non ? Seulement il n'y a personne, enfin il y a deux ados devant moi mais ils ne me prêtent pas attention. Je sens un souffle chaud dans mon cou... Mais quand je me retourne... je suis toujours seul. Est-ce que j'ai de nouveau des hallucinations ? Ça ne peut pas être la fatigue je viens de me réveiller d'une bonne nuit de sommeil !
Je me passe une main sur le visage, quelque chose cloche avec moi, je vois, je sens et j'entends des choses que je ne devrais pas ! Je sais que je ne suis pas fou. Mais là... Je crois que je vais prendre rendez-vous avec un psychologue !
Je regarde encore autour de moi pour être sûr qu'il n'y a personne... Et oui, je suis totalement seul :
- Ok Julian, tout va bien tu n'es pas devenu fou ! Tu as juste besoin de prendre des vacances ! je me murmure à moi-même.
Mon arrêt de bus arrive enfin et je descends assez rapidement, presser de me plonger dans le travail pour oublier que je perds peut-être la tête !
Je vais rapidement me changer dans les vestiaires et je sursaute encore une fois quand je sens une main se poser sur mon épaule :
- Salut Julian ! Ça va ? Tu as pu te reposer ? claironne une voix joyeuse.
- Oh... Salut Jérémy, oui ça va. Et puis j'ai pris du repos, merci.
Je lui souris en finissant de nouer le tablier autour de ma taille et je referme ensuite mon casier :
- Aujourd'hui tu veux faire le service en salle ou rester derrière le comptoir ? je demande.
- Je m'occupe de servir les gens, je ne voudrais pas que tu t'épuises trop alors tu resteras derrière le bar d'accord ?
Je hoche la tête, si ça peut lui faire plaisir alors je le ferais et je vais donc à mon poste, commençant à sortir ce dont j'ai besoin pour faire les boissons. Mon collègue prépare les tables et je viens l'aider à descendre les chaises. Je ne suis pas à deux doigts de la Mort, je peux au moins faire ça :
- Dis Jul, tu sais que la semaine prochaine on ne travaille pas ? Je vais en profiter pour partir voir ma famille à la montagne avec Jordan et notre fils. J'imagine que tu ne veux toujours pas venir avec moi ?
- Non, c'est gentil mais tu sais que je préfère rester seul à Noël, mais si tu veux on pourra aller au resto un de ses soirs pour se faire une sorte de petit Noël à nous !
- Moi ça me va, il faut que je te trouve un cadeau dans ce cas ! Je vais réfléchir à ce que je pourrais bien t'offrir ! dit-il d'une voix excitée.
Je rigole un peu, lui aussi m'invite toujours pendant les fêtes, mais comme pour mes voisins, je refuse. Cependant je fais toujours en sorte de me faire pardonner en passant une soirée avec lui et son mari ainsi que leur enfant.
Je retourne derrière mon bar, les premiers clients commencent à arriver. Certains sont là pour déguster, d'autres viennent passer des commandes de pièces montées ou de gâteaux et je note tout. Je donnerais tout ça au chef chocolatier à la fin de la journée.
Je sers en priorité les gens qui sont assis au bar tout en donnant les boissons commandées en salle à Jérémy. Nous ne sommes que deux mais nous faisons du bon travail et formons une bonne équipe !
La matinée passe sans que je ne la vois et le midi, comme la veille, je dévore un énorme sandwich avant de prendre l'un des fondants au chocolat mis de côté pour moi. Je le mange à pleine dent lui aussi en poussant un soupir de bien être :
- Tu es un vrai goinfre Jul, comment tu fais pour avoir tout le temps faim ? Et surtout comment tu fais pour manger que des trucs gras et sucrés sans prendre un seul gramme ? C'est pas juste moi je dois faire attention à ma ligne, mais toi tu t'empiffre sans grossir ! Dis-moi ton secret ! me supplie mon collègue.
Je rigole, c'est vrai que je mange très peu de choses dites « bonnes pour la santé », enfin d'après les critères de la société, et je ne grossis pas d'un centimètre. Je n'ai jamais compris pourquoi c'était comme ça... Mais bon, je suis fait de cette manière et je ne peux rien y faire alors autant en profiter pour manger tout ce que je veux sans me retenir !
- Jérémy, je ne peux pas te dire quelque chose que j'ignore, mais si un jour je découvre comment mon corps fait pour rester parfait, tu seras le premier à le savoir !
Il me tire la langue et termine sa salade pendant que je vais rapidement me brosser les dents et me laver les mains dans les toilettes du personnel. J'ai toujours eu une sorte d'obsession pour l'hygiène corporelle, surtout tout ce qui concerne la bouche. Je n'aime pas avoir les dents sales. Et puis c'est toujours mieux d'accueillir les clients avec un beau sourire blanc plutôt qu'avec le dents recouverte de chocolat ou de reste de mon dîner non ?
Je nettoie rapidement la table où mon collègue et moi nous sommes installés avant de me préparer pour le service de l'après-midi. Comme prévu Jérémy s'en va pour aller faire ses courses de noël et je me retrouve seul pour assurer le service.
Je viens à peine d'ouvrir que déjà les clients envahissent la salle. Notre petite affaire a beaucoup de succès et je crois que notre patron veut ouvrir deux ou trois autres cafés/chocolateries en ville pour attirer plus de clients. Moi je n'ai rien contre, et puis ça offrira du travail à ceux qui en cherchent.
Mes pensées dérivent vers le cadeau que je vais faire à Jérémy. Qu'est-ce que je pourrais lui offrir ? Je sais qu'il adore le chocolat... Mais ce n'est pas très original étant donné que nous travaillons tout le temps avec du chocolat... Oh je sais ! Je vais les emmener au parc d'attraction ! Ils adorent les manèges, surtout leur fils. Il y a ce parc qui a ouvert à l'extérieur de la ville. Jérémy n'arrête pas de m'en parler, il voudrait y aller avec son amoureux et leur enfant mais il n'a jamais le temps. Je vais les y emmener, je suis sûr qu'on va bien s'amuser !
- Excusez-moi, la Terre appelle le barman ; lâche une voix douce et cristalline.
Je sursaute, n'ayant pas entendu quelqu'un s'approcher de moi. Je me racle la gorge tout en regardant l'inconnu :
- Oui excusez-moi je...
Mon souffle se bloque dans ma gorge et mon cœur manque de s'arrêter net face à la vision que j'ai devant moi... C'est... C'est le client blond d'hier ! Mais... C'est impossible ! Il n'est pas sensé exister !
- Que... Qu'est-ce que vous faites ici ? Vous ne devriez pas être là !
Je me recule comme si je venais de voir un fantôme ce qui est le cas d'une certaine manière. Il ne semble pas paniqué ni même embêter par ma réaction et il me fait un sourire qui se veut sans doute rassurant :
- Et pourquoi je ne pourrais pas être ici dis-moi ? demande-t-il avec curiosité.
- P... Parce que vous... Vous n'êtes pas réel ! Vous n'existez pas ! Vous êtes une invention de mon cerveau !
Cette fois le regard qu'il me lance est choqué, comme si je venais de dire que le ciel est vert kaki. Ses sourcils se froncent et il se penche un peu vers moi :
- Donc tu penses que je ne suis qu'une illusion ?
Je n'ai pas le temps de répondre car l'un des chocolatier arrive en souriant pour apporter un grand plateau remplit de petits chocolats:
- Et bien Julian, tu dragues ? Remarque je te comprends, il est super canon ton ami.
- Que... Quoi ? Non je ne le drague pas ! je proteste avec véhémence.
- Mais oui mais oui.
Le chocolatier repart en cuisine et le client blond par s'installer à la table du fond... La même table à laquelle il était hier. Cette fois c'est sûr, je ne peux pas l'avoir imaginé, quelqu'un d'autre l'a vus et lui a parlé ! Ce qui signifie que je suis sain d'esprit !
Je pars prendre sa commande, il veut un chocolat chaud avec un fondant et je m'empresse d'aller faire sa commande.
Je suis toujours en préparation de sa commande quand l'un des cuisiniers passe la tête par la porte pour m'informer que notre patron veut me voir.
Je le regarde, surpris, le boss me demande ? Pourquoi ? J'ai fait une bêtise ? Non je le saurais, il veut sans doute me parler d'autre chose. Mais j'ai beau savoir que je n'ai rien fait de mal, le simple fait de savoir que Hunter, notre patron, me demande me tord un peu le ventre :
- Ok, j'y vais ; je lance avant d'aller rapidement servir les commandes qui j'ai préparé.
Je passe ensuite la porte près du comptoir et je vais tout au bout du couloir aux murs beige et au sol blanc. Il y a plusieurs portes, la première à droite est celle des toilettes pour les clients. La deuxième, qui se trouve à gauche conduit aux vestiaires et aux toilettes pour le personnel. La troisième du même côté donne sur les cuisines. Celle tout au fond est la sortie de derrière est juste avant, sur le côté droit se trouve le bureau du boss.
Je me retrouve devant la porte en bois noir et laqué, avec une plaque en métal dans laquelle est gravé le nom de notre patron.
Je déglutis et frappe. Un « entrez » viril se fait entendre et j'obéis sagement.
Le bureau d'Hunter est vraiment décoré avec soin. La peinture des murs, du sol, du plafond et même la couleur des meubles joue sur les tons de marron et de beige pour imiter une sorte de gâteau en chocolat géant.
Je m'approche et regarde mon patron. Il est dodu, très dodu, chauve et enveloppé dans un costard cravate qui donne l'impression d'être trop serré pour lui. Ses petits yeux noirs vont assez bien avec son teint grisâtre, son gros nez droit et ses oreilles décollés. Je ne sais pas pourquoi mais à chaque fois que je le vois je pense à un Phoque... Oui c'est pas très gentil mais c'est plus fort que moi :
- Vous... Vous vouliez me voir patron ? je demande faiblement.
- Oui, assied-toi Julian.
Je m'assois donc sur la chaise en face de lui. Il me sourit, ses dents sont étonnement blanches pour quelqu'un qui semble manger tout le temps :
- J'ai fait une bêtise ? Vous allez me virer ?
Il me regarde, surpris... Avant de rire un peu, même son rire est gras, tout comme sa voix d'ailleurs. Heureusement pour nous il est plutôt sympa :
- Bien sûr que non enfin ! Julian tu es l'un de mes meilleurs éléments. Toujours à l'heure, souriant, aimable et sympathique. Je n'ai jamais eu de plaintes te concernant et rien que ça me donne une bonne raison de te garder précieusement à mon service.
- Alors... Pourquoi vous vouliez me voir ? je lâche d'une voix rassurée.
- Et bien Jérémy m'a raconté ce qu'il s'est passé hier. Je voulais simplement savoir si tout allait bien. Tu sais que si tu as des problèmes en dehors du travail, tu peux m'en parler. Et je voulais aussi te donner ta prime de Noël, je sais que je le fais un peu en retard mais avec l'ouverture d'autre café/chocolaterie en ville, je n'ai pas eu le temps d'y penser.
- Oh... c'est très gentil merci. Et je vous rassure je n'ai aucun problème, tout va bien, c'était juste un coup de fatigue ne vous en faites pas.
- Et bien je suis ravi de l'apprendre ! Mais souviens-toi que si tu as besoin d'aide, tu peux venir me voir ! me lance-t-il en souriant amicalement.
Il me donne une enveloppe et je hoche la tête en la prenant :
- C'est tout ce que vous vouliez me dire ?
- Oui, tu peux y aller, au revoir Julian.
Je le salue à mon tour avant de sortir en soupirant de soulagement. J'adore ce boulot, travailler en étant entouré de chocolat et avec de super collègue est super, ça m'aurait vraiment fait mal au cœur s'il m'avait mis à la porte.
Je passe rapidement dans les vestiaires pour ranger l'enveloppe dans mon manteau avant de retourner en salle.
Le reste de l'après-midi se passe sans problème. Mais je ne peux m'empêcher de jeter parfois quelques regards vers le client blond. Il n'a pas bougé, il commande toujours quelque chose dès qu'il a terminé celle d'avant et surtout, chaque fois que je lève la tête vers lui... Je croise ses yeux rivés sur moi. Même quand je suis dos à lui ou que je ne lui prête pas attention. Je sens son regard sur ma personne. Il me fixe, je le sais, je le sens. C'est très déstabilisant... Et très excitant à la fois :
- Excuse-moi, je peux te poser une question ?
Je sursaute et me retourne vers le client blond, j'avais encore la tête dans les nuages et je ne l'ai pas vu s'approcher. Je déglutis et hoche la tête, trop surpris pour pouvoir parler. Cela semble l'amuser :
- Tu t'appelle Julian c'est bien ça ? Tu finis ton service à quelle heure ? demande-t-il.
Je cligne des yeux, trop abasourdi pour répondre la question qu'il vient de me poser. Il faut dire que je ne m'y attendais pas. Il me faut quelques secondes pour reprendre mes esprits :
- Oui... Mon nom est bien Julian et... Je termine à dix-neuf heures, pourquoi ?
- Et bien... Je voudrais t'inviter à boire un verre après le travail, si tu es d'accord bien sur, si non je ne te force pas.
Le sourire qu'il me lance fait de nouveau bugger mon cerveau. Fichues hormones ! Comment fait-il pour avoir autant d'effet sur moi ? Je respire lentement pour tenter de retrouver mon calme. Je me mords la lèvre en hésitant. Jérémy a raison quand il dit que j'ai besoin de trouver un nouveau coup. Et mon corps semble apprécier l'idée de partager mon lit avec lui... Alors pourquoi pas ? Après tout je n'ai rien à perdre !
- D'accord, vous pouvez m'attendre à votre table, je viendrais vous chercher quand j'aurais terminé ; je lance en souriant.
- Tu peux me tutoyer tu sais... Et je m'appelle Alasseï.
- Alasseï ? Ce n'est pas commun comme nom, c'est Russe ?
- Oui... Russe ; lâche-t-il avec un air pas très convaincu.
Il semble un peu... Pris au dépourvu par ma question et il retourne à sa table sans rien dire d'autre, se contentant de me fixer sans se cacher. Sentir ses yeux sur moi me fais frémir sans que je puisse me contrôler et je fais tout mon possible pour l'ignorer pendant que je travaille.
***
Dix-neuf heures arrive avec lenteur et c'est avec joie que j'accueille la fin de mon service. Je ne m'en suis pas tout de suite rendu compte mais... Je suis impatient d'aller boire un verre avec... Alasseï. Mon ventre a été tordu par l'appréhension toute la soirée. Comment un simple homme peut faire autant d'effet ?
Je vais rapidement me changer dans les vestiaires, essayant de me faire beau un minimum avant de sortir par la porte de derrière... Et je suis surpris d'y voir Alasseï qui m'y attend :
- Que... Comment tu as su que je sortirais par ici ? je demande avec étonnement.
- Disons que c'est l'expérience. Viens suis-moi.
Il me tend la main et je fronce les sourcils. Il veut me guider comme un enfant ?
- Je suis désolé de te l'apprendre mais... Je suis un adulte, je n'ai pas besoin que l'on me tienne la main. Je peux marcher avec toi sans que tu ne doives me traîner.
- C'est vrai tu as raison, excuse-moi.
Il se met en marche et pendant un instant, le temps qu'il se retourne... J'ai vu son regard devenir tellement triste, comme s'il venait de perdre quelqu'un qu'il aime :
- Est-ce que... J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? je demande timidement.
Il me regarde de nouveau, surpris... Avant de faire un doux sourire :
- Non rassure-toi, tout va bien... Alors dis-moi tu as quel âge ? Et d'où viens-tu ? Tu n'as pas un physique commun aux gens de cette ville.
- Et bien... J'ai vingt-deux ans... Mais je ne sais pas d'où je viens... En fait je... ne me rappelle pas de mon arrivée dans cette ville... Ni de ma vie d'avant... Mon premier souvenir remonte à cinq ans. Je me suis réveillé dans une chambre d'hôpital, sans rien d'autre sur moi que mes habits.
- Donc... Tu ne connais pas ton passé ? Ni ta famille ?
- C'est ce que je viens de te dire. Tout ce qui remonte à avant ce réveil est totalement effacé de ma mémoire.
Quelque chose me pousse à avoir confiance en lui. Mon instinct me dit que je peux me fier à lui et qu'il ne me fera jamais le moindre mal :
- Et toi alors ? Quel est ton âge ? Et d'où viens-tu ?
- J'ai... Le même âge que toi et je viens d'Europe ; lâche-t-il évasivement.
Le ton hésitant et le fait qu'il coupe si court à sa réponse me fait hausser un sourcil... Est-ce qu'il m'a menti ? Si oui pourquoi ? Il a peur que je découvre quelque chose sur lui ? Ou alors il essaie de m'embobiner ? Je garde cette idée dans un coin de ma tête. Même si mon instinct, qui ne se trompe jamais, me dit que je peux lui faire confiance, je préfère quand même rester vigilant.
Nous marchons dans les rues animées, des guirlandes décorant les façades des boutiques et des immeubles. Il y a quelques Père Noël des rues qui prennent des photos avec les enfants ou qui récoltent des fonds pour des associations. Je donne de l'argent dans l'un des seaux, après tout c'est Noël.
Nous arrivons devant un bar le « Guilty Pleasure » en néons roses clignotants sur une façade d'un rouge sombre :
- C'est... Un bar ? je demande, pas très convaincu par l'enseigne.
- Oui, viens.
Il me fait passer par une grosse porte en bois noir. Elle donne sur un long couloir sombre, éclairé par une ampoule dont le verre est peint en rose. La lumière rosée se projette sur les murs pourpre. Nous arrivons devant une autre porte, mais en métal cette fois et elle coulisse silencieusement.
La musique nous envahit, de la techno. Nous entrons dans l'immense pièce aux lumières multicolore qui se balancent dans tous les sens. Il y a une grande piste de dance au milieu de la salle ou des dizaines de personnes se trémoussent dessus. Collant et frottant leurs corps les uns aux autres.
Il y a des tables un peu partout et certaines sont recluses dans des alcôves pour plus d'intimité. Tout au fond il y a un long bar auquel se trouve pas mal de gens. Alasseï prend ma main et me tire derrière lui à travers les gens qui se déhanchent dans la salle. Il nous conduit à une table assez isolée avec une belle nappe bordeaux. Toutes les couleurs de la salle sont dans les tons rouge et rose foncé. Je m'assois sur une banquette et il se met en face de moi :
- Que veux-tu boire ? Je vais aller chercher les boissons demande-t-il.
- Je voudrais... Un coca s'il te plait.
- D'accord, attend-moi.
Il se lève et disparaît dans la foule pendant que moi je reste ici, à balader mon regard sur les corps entremêlé sur la piste. Ils doivent avoir chaud à être collés ainsi les uns aux autres non ? Remarque avec le froid qu'il fait c'est peut-être une bonne chose.
Alasseï revient un peu plus tard avec ma canette de coca qu'il pose devant moi. Il s'assoit en face en posant son Mojito sur la table :
- Tu as pris de l'alcool ? je dis avec étonnement.
- Oui, ça te pose un problème ?
Je secoue la tête avant de boire une gorgée de ma boisson et c'est à ce moment-là que je remarque que malgré tout le bruit qu'il y a dans le bar... Je l'entends comme s'il était à côté de moi alors que ce n'est pas le cas. C'est la première fois que ça m'arrive :
- Quelque chose ne va pas Julian ?
Je sursaute, je ne me suis pas rendu compte que je me suis encore perdu dans mon petit monde et je secoue la tête en souriant pour le rassurer :
- Non tout va bien ne t'en fais pas.
Nous passons un bon moment... Enfin moi c'est ce que je ressens. Nous discutons de tout et de rien. Je me sens bien avec lui, j'ai l'impression qu'il me comprend mieux que je ne le fais moi-même. Et surtout... Une douce chaleur m'envahit dès que je suis à ses côtés, c'est assez étrange. J'ai une forte envie de me blottir dans ses bras et de ne plus jamais en sortir.
Finalement après quelques canettes de cocas pour moi et quelques Mojito pour lui, l'alcool ne semble pas avoir le moindre effet sur Alasseï, nous décidons que nous avons assez bu. Il paie nos consommations avant de se tourner vers moi :
- Ça te dit qu'on aille manger ?
- Heu... Oui si tu veux.
Il sourit, il a l'air vraiment content par ma réponse et il m'emmène dans un restaurant Italien, ce qui me surprend un peu car j'adore la cuisine italienne. Est-ce qu'il a fait exprès de choisir cet endroit ou bien est-ce par pur hasard ?
Nous nous installons assez à l'écart et nous commandons, des lasagnes pour moi et des pâtes à la sauce carbonara pour lui :
- Dis moi Julian... Est-ce que tu crois... Aux créatures fantastiques ?
Je le regarde, assez surpris par sa question, il est sérieux ou il me demande ça pour me taquiner ?
- Et bien... Ce n'est pas que je n'y crois pas mais... On n'a pas de preuves qu'elles existent alors... On ne sait pas si c'est réel ou pas...
- Je vois...
Ses yeux semblent m'analyser de la tête aux pieds. Un frisson désagréable me parcourt de la tête aux pieds. Je ne sais pas ce qu'il semble voir en moi... Mais visiblement cela lui plaît car il sourit :
- Dis-moi, que fais-tu pour Noël ? lance-t-il gaiement.
- Rien, je reste chez moi. Je pense que je vais me faire une soirée films d'horreurs pourquoi ?
- Oh pour savoir...
Je le regarde sans rien dire et lorsque nos plats arrivent, nous nous mettons à manger. Je me sens bien avec lui. Je ne le connais pas mais quelque chose en moi me dis que je ne risque rien avec lui.
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