Partie 2
Cela fait maintenant deux semaines que je suis en vacances et surtout, que je vois Alasseï. Au début je n'étais pas très chaud à l'idée de le fréquenter. J'ai tellement l'habitude d'être seul que maintenant l'idée de voir quelqu'un, qui soit une autre personne que Jérémy, me fait bizarre. Ce soir c'est le réveillon. Je suis actuellement devant la télévision, en jogging avec un large tee-shirt.
La neige tombe dehors et je soupire en entendant les chants de noël depuis l'appartement des voisins. Je suis un peu jaloux, j'aurais bien aimé passer cette soirée avec Alasseï... Mais il n'a pas pu venir, apparemment il avait quelque chose de plus important à faire. Est-ce que ça m'énerve ? Ça me fait mal de l'admettre mais... Oui... Je me suis habitué à lui, à sa présence qui est étrangement rassurante. Et surtout je n'arrête pas de faire des rêves érotiques avec lui et c'est très perturbant, surtout quand je le vois le lendemain.
J'attrape une chips dans mon paquet de UFOS, j'adore ces chips je pourrais m'en goinfrer toute la journée si je le pouvais. Je grogne en me rendant compte que je viens de terminer le paquet. Je vais rapidement le jeter avant d'aller me brosser les dents pour ensuite retourner devant mon film.
Un froid glaçant envahit soudain mon appartement et une sensation de danger m'oppresse assez rapidement. Je déglutis et mon premier réflexe est d'attraper un manteau et des chaussures. Je dois partir, je le sais, quelque chose me hurle de fuir.
J'ai à peine le temps de finir d'enfiler mes chaussures que je reçois un violent coup dans le torse. Je m'écrase contre le mur en poussant un grognement de douleur avant de redresser la tête vers... Une... Une ombre ? Enfin je ne vois que ça pour décrire cet amas sombre et gluant qui se tient devant moi. Je frémis de peur en voyant ses yeux d'un rouge inquiétant et effrayant.
La créature se jette sur moi, toutes griffes et crocs dehors. Je me précipite sur le côté pour l'esquiver et elle s'écrase contre le mur en poussant un grondement :
- Bordel c'est quoi ce truc !
C'est la première fois que je vois une créature de ce genre. La masse noire qui la compose bouge comme une glue vivante. La créature se tourne vers moi en grognant encore plus, elle va me sauter dessus je le sens.
Je me relève rapidement et mets à courir la porte d'entrée... Une autre créature apparaît et tente de me couper en deux.
J'esquive de justesse et cours vers la fenêtre. Je peux sauter, je suis au deuxième étage je sais que je ne risque pas grand-chose.
Je ne me pose pas plus de questions et je saute au moment ou l'une des créatures se jettent de nouveau sur moi pour essayer de me transformer en gruyère avec ses griffes. J'atterris dans la neige en poussant un grognement de douleur... J'ai surestimé la capacité d'amortissage de cette poudreuse. Le froid m'envahit assez rapidement et je serre les dents en me forçant à me relever.
Je ne regarde même pas derrière moi, je me mets à courir aussi vite que possible car je sais que les créatures vont me poursuivre. Plusieurs questions me viennent en tête pendant que je m'éloigne aussi vite que possible de mon immeuble : Qu'est-ce que c'est que ces choses ? Pourquoi en ont-elles après moi ?
J'entend le bruit d'un corps qui s'écrase par terre et j'accélère ma course, elles viennent de sauter je le sens. Il faut que je trouve un endroit ou je pourrais être en sécurité mais où ? Les rues sont désertes et tout est fermé, je n'ai aucun endroit où aller ! Je continue de fuir en espérant qu'une idée va me venir rapidement... Mais rien... C'est le vide total ! Mon premier réflexe et de courir vers mon lieu de travail...Mais quand je me rends compte de ce que je fais je change bien vite de direction, je ne veux pas qu'ils détruisent l'endroit où je bosse.
Je me mords la lèvre, il ne reste plus que la forêt, je devrais arriver à les semer en me cachant entre les arbres.
Je me dirige donc vers ma destination. J'entends le bruit de leurs pas derrière moi. C'est comme s'ils marchaient dans de la boue car chaque fois qu'ils retirent leurs pieds, un horrible bruit de succion se fait entendre.
Je cours encore plus vite, je n'ai pas envie qu'ils me rattrapent et me réduisent en charpie.
Je tourne à l'angle d'une ruelle déserte... Et je me retrouve dans un cul de sac ! Merde ! Je pensais pourtant qu'elle débouchait sur la sortie de la ville !
Je me retourne dans l'espoir d'avoir le temps de sortir... Mais non, les deux monstres de glue noire sont déjà devant moi et je déglutis en reculant et me collant contre le mur. Je ferme les yeux, ça y est je vais mourir. Je ne sais pas pourquoi elles vont me tuer, ni même ce que sont ces choses... Mais qu'est-ce que ça peut me faire maintenant ? Je vais y rester de toute manière.
J'entends le raclement de leurs griffes sur le sol, leurs grognements quand elles se jettent sur moi. Je me crispe en attendant la douleur du coup fatal... Mais rien... Un gargouillis immonde retentit et j'ose ouvrir doucement les yeux. Les deux créatures ont disparu et devant moi se tient une personne. Je lève mon regard vers elle... Et je cligne des yeux en reconnaissant mon sauveur :
- A... Alasseï...
Sans pouvoir me contrôler je me jette dans ses bras. Il passe les siens autour de moi et me serre contre lui. Je tremble de la tête aux pieds et je répète son nom en boucle sans pouvoir m'en empêcher. C'est sans doute la peur qui me fait cet effet :
- Chut, tout va bien calme-toi Julian, elles ne te feront plus le moindre mal ; dit-il d'une voix douce et rassurante.
Je le crois sur parole quand il me dit ça. J'agrippe un peu plus son haut et il me caresse doucement la tête et le dos :
- Que... Qu'est-ce que c'était que ces choses ? Qu'est-ce qu'elles me voulaient ?
- Ce sont des Unqualë... Des esprits de la Mort... Ils sont venus ici pour te tuer...
- Ça j'ai bien compris qu'ils voulaient ma peau ! Mais pourquoi ? Et comment tu as fait pour... les faire disparaître ?!
Il me regarde de la tête aux pieds. Je suis tout tremblant à cause de la peur et du froid, je dois être pâle comme un cadavre et dans un état pitoyable :
- Écoute, c'est compliqué. Voilà ce qu'on va faire, tu vas venir chez moi pour te réchauffer et prendre un bon bain chaud. Ensuite je t'expliquerais tout. Tu es d'accord ?
Je me recule en le regardant, je ne sais pas si je dois le suivre ou pas... Mais je me rappelle que je n'ai pas trop le choix car j'ai la sensation que je ne peux pas retourner à mon appartement :
- Très bien je te suis.
Il me regarde de la tête aux pieds avec d'enlever son manteau et le poser sur mes épaules. Ce simple geste provoque une drôle de sensation dans mon corps et je déglutis :
- Pourquoi tu as fait ça ? je demande.
- Tu as l'air frigorifié, je n'ai pas envie que tu fasses une crise d'hypothermie alors je te couvre.
- Mais... Tu vas avoir froid toi non ?
- Ne t'en fais pas pour moi, allez vient.
Il se met à marcher et je le suis sans rien dire en serrant sa veste contre moi. Je suis trempé de la tête aux pieds à cause de ma chute dans la neige et je grelote de froid sans pouvoir m'en empêcher.
Nous marchons pendant plusieurs minutes avant d'arriver devant une petite maison à l'écart des autres, entourée d'un grand portail en fer forgé et des murs d'un bleu sombre. Il me fait entrer et je me retrouve dans un petit salon décoré dans un style victorien. Dans des couleurs allant du bleu sombre au rouge flamboyant en passant par du doré intense.
Il y a très peu de mobilier, juste le strict nécessaire dans un style épuré et simple. Je me sens rapidement mieux, il faut chaud et bon ici et c'est agréable :
- Viens je vais t'emmener dans la salle de bain.
Il me conduit dans une pièce de taille moyenne, avec une grande baignoire et un portant à serviettes. Toute bleu et blanc et un grand miroir contre l'un des murs :
- Prend un bon bain et réchauffe-toi.
Il sort quelques instants avant de revenir plus tard avec des habits qu'il posa dans un coin :
- Prend ton temps, je vais te faire quelque chose à manger, tu dois avoir faim après avoir couru autant me dit-il avec tendresse.
Il sort en refermant la porte derrière lui. J'attends que la baignoire termine de se remplir avant de me glisser dans l'eau chaude en poussant un soupir de bien être. Ça fait du bien. La chaleur m'enveloppe comme un cocon doux et rassurant et je pourrais presque m'endormir tellement c'est agréable.
Je ferme les yeux et l'envie de plonger dans les bras de Morphée se fait plus forte. Mais je résiste, j'ai encore beaucoup de choses à savoir et j'attrape un savon pour commencer à me décrasser.
Sans trop savoir ce qui me pousse à le faire, je prends soin de me laver partout, de me faire aussi propre que possible, comme si je voulais plaire à quelqu'un. Ce qui est stupide car je n'ai pas de rendez-vous de prévu. Une fois aussi propre qu'un sou neuf, je sors de l'eau et me sèche. J'enfile ensuite les habits que m'a donné Alasseï, c'est à dire un haut trop grand pour moi à manche longue, un jogging et une paire de pantoufles... Oui c'est ridicule mais je m'en fous, on est en Hiver et j'ai chaud aux pieds alors c'est le principal.
Je sors de la salle d'eau et laisse mon odorat me guider à travers la maison. Je me retrouve rapidement dans une cuisine dans le même style épuré que le reste de l'endroit. Avec une table au milieu sur laquelle deux couverts sont mis :
- Alors tu vas mieux ?
Je sursaute et regarde Alasseï qui est en train de sortir un plat du four :
- Heu... Oui merci, qu'est-ce que tu as préparé ? je réponds en souriant.
- De la dinde, c'est Noël après tout non ?
Je souris, il a raison. Mais je ne m'attendais pas à fêter ça avec lui. Il me fait signe de m'asseoir et j'obéis sagement tout en le regardant découper les morceaux qu'il met dans nos assiettes. La dinde est accompagnée de petites pommes de terre et de carottes bien cuites. Avec une sauce qui me met l'eau à la bouche :
- Bon appétit Julian.
Il se met à manger et je l'imite... C'est super bon et je dévore rapidement ce qu'il y a dans mon assiette sous son regard amusé :
- Et bien, tu avais faim on dirait, tu peux en reprendre si tu veux ; dit-il en me montrant le plat posé entre nous.
Je hoche la tête et me resserre, je meurs de faim. Comment fait-il pour manger si peu ? Depuis que je le connais je ne l'ai jamais vu manger beaucoup.
Il termine son repas en même temps que moi ma deuxième assiette, oui je mange vite mais j'avais super faim.
Je le regarde et je prends une inspiration, il me doit des explications et je veux qu'il me les donne maintenant :
- Je veux que tu m'expliques ce qu'il s'est passé chez moi, qui était ces créatures ? Pourquoi elles s'en sont prises à moi ? je demande avec toute la détermination dont je suis capable.
Il soupire, il n'a pas envie de répondre je le vois bien... Mais il va devoir le faire car je ne le laisserais pas tranquille tant qu'il ne m'aura pas dit ce que je veux savoir :
- Je te l'ai déjà dit, ce sont des Unqualë... Et ils ont étaient envoyés pour te tuer.
- Ça j'avais compris merci, mais ce que je veux savoir c'est qui veut ma peau et pourquoi ? Et d'où sortent ces horribles monstres !
- Écoute... Ce que je vais te dire va te paraître... Impossible voir insensé... Mais pourtant c'est la stricte vérité... Les Unqualë viennent des Enfers... Et c'est Vilissë qui leur a demandé de venir te tuer.
Je cligne des yeux, complètement choqué par ce qu'il vient de dire. Je ne peux pas y croire, c'est impossible !
- Mais... L'Enfer ce... Ça n'existe pas enfin ! Le Paradis non plus !
- Si, ils existent, je sais que c'est dur à avaler mais je te promets que ce n'est pas un mensonge. Tu dois me croire, Dieu, Satan, le Paradis, l'Enfer, les Anges et les Démons, tout ça existe !
Je déglutis, j'aimerais croire que c'est une blague... Mais non, il a l'air totalement sérieux et quelque chose au fond de moi me dit que je peux le croire, qu'il ne ment pas :
- Mais... Mais qui est Vilissë ? Et pourquoi il ou elle veut me tuer ? je couine en essayant de reprendre mon calme.
Il se mord encore plus la lèvre, je ne sais pas pourquoi mais je sens que ce qu'il va me dire maintenant ne me plaira sans doute pas :
- Et bien... Tu te rappelles quand je t'ai demandé si tu croyais aux créatures surnaturelles ? Je vais te dire pourquoi je voulais savoir ça. Tu connais les Sept Péchés Capitaux ? L'envie, la Luxure, la Paresse, la Gourmandise, l'Avarice, l'Orgueil et la Colère ? Sais-tu qu'il existe des êtres qui sont l'incarnation physique de ces péchés ?
- Heu... Je ne suis pas vraiment sûr de comprendre ce que tu es en train de me dire tu sais.
- Je comprends... Je ne sais pas trop comment t'expliquer ça. Disons qu'il existe des personnes, comme toi ou moi, qui sont l'incarnation de l'un de ces vices. Et Vilissë est la personne qui représente le péché d'Envie, il en est la représentation physique.
Je crois que je commence à comprendre ce qu'il veut dire, même si c'est assez dur à avaler :
- Je vois... Mais pourquoi il veut me tuer ? Qu'est-ce que je lui ai fait ?
- Et bien... Tu sais qu'il est l'Envie... Et toi et moi nous sommes comme lui, nous représentons l'un des Sept Péché. Moi je suis la Luxure et toi... La Gourmandise.
Je ne sais pas quoi dire... C'est tellement... Énorme ! Je veux bien croire que lui soit la Luxure, car il est vraiment canon... Mais moi qui suis la Gourmandise ? Impossible !
- C'est n'importe quoi enfin ! Tu ne crois pas que je m'en souviendrais sinon ? Comment j'aurais pu oublier un truc aussi évident et gros que ça ? Je sais pas ce que tu as fumé mais il faut vraiment que tu ralentisses la dose ; je lâche en espérant qu'il me dise qu'il me fait une blague.
- Julian je te jure que je ne mens pas. Tu ne t'es jamais demandé pourquoi tu as tout le temps envie de manger ? Comment tu pouvais avaler des kilos de nourriture sans être malade ou prendre un gramme ? Pourquoi tu ne peux pas te blesser ? Pourquoi tu connais les meilleures façons de cuisiner chacun des aliments qui se trouvent sur cette terre ? Et surtout, pourquoi tu ne te souviens pas de ton passé ? Je sais ce qui t'est arrivé, je peux te raconter mais pour ça il faut que tu acceptes la vérité, tu ES l'incarnation de la Gourmandise !
Je suis content d'être assis parce que je pense que je me serais écroulé sur place sinon. Tout ce qu'il dit est logique... Il a raison sur tous les points et quelque chose dans ma tête, une certitude qui s'installe d'un coup dans mon esprit, me fait comprendre qu'il dit la vérité :
- D'accord... Je... Je crois que... Que tu dis la vérité... Mais... Pourquoi je m'en rappelle pas ?
- Parce que tu es mort. Enfin, Vilissë t'a tué... Mais quand tu as atterri dans le monde des humains, l'Ether présent t'a ramené à la vie en effaçant surement tes souvenirs.
- L'Ether ? Qu'est-ce que c'est ? je demande.
- L'énergie magique qui compose chaque chose dans ce monde. Dans les Enfers elle est remplie de Mort, c'est pour ça que tu n'as pas pu revenir à la vie... Mais ici, il est plein de vie et c'est ce qui t'a fait revenir.
Donc si je comprends bien, j'ai été assassiné puis je suis revenu dans le monde des vivants en arrivant sur Terre. D'accord, après tout au point où j'en suis je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas y croire :
- Ok, je veux bien concevoir que ce soit possible et que c'est ce qui me sois vraiment arrivé... Mais pourquoi... L'Envie m'a tué ? Et s'il pense avoir réussi à le faire, comment peut-il savoir que je suis... De nouveau vivant ?
- C'est de ma faute... À force de faire des allées et retours entre le monde des humains et l'Enfer, il a fini par se douter de quelque chose. Il a envoyé l'un de ses espions pour me suivre et c'est comme ça qu'il a appris que tu étais de nouveau en vie...
- Je vois... Mais pourquoi est-ce qu'il veut me tuer ? Qu'est-ce que je lui ai fait ?
- Tu... Tu lui as pris quelque chose qui lui appartenait... et l'Envie n'aime pas qu'on lui pique ce qui juge comme étant à lui...
- Mais... Qu'est-ce que je lui ai volé ? Pourquoi j'aurais fait une chose pareille !
Il se mord encore plus la lèvre et je comprends qu'il ne répondra pas à cette question. Pourquoi ? Je n'en sais rien, mais je me promets de finir par le faire parler sur ce sujet :
- Tu ne me diras rien n'est-ce pas ?
- Exact... Je suis désolé mais pour le moment je pense que tu n'as pas besoin de savoir ça...
Il a l'air d'avoir peur, qu'est-ce que j'ai bien pu prendre à l'Envie pour que cela lui fasse aussi peur ?
Je soupirs et le regarde, ses yeux ont l'air... Encore plus triste que d'habitude et j'ai presque envie de me lever pour venir le prendre dans mes bras :
- Bon, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? je demande avec résignation.
- C'est Noël non ? Tiens c'est pour toi !
Il me tend un paquet cadeau, petit et enveloppé dans un très beau papier rouge avec un nœud doré.
Je ne sais pas trop quoi dire, je ne m'attendais pas à ce qu'il m'offre quelque chose :
- Je suis gêné, je n'ai pas de cadeau pour toi.
- Si, tu m'as offert le plus beau des cadeaux sans t'en rendre compte, alors ne fait pas de chichis et accepte le mien.
Je déglutis. Je sais qu'il ne m'en dira pas plus sur ce qu'il vient de dire et cela me frustre un peu... mais il doit avoir ses raisons et je dois respecter ça :
- Bon... D'accord...
Je déchire doucement le papier qui entoure la petite boite. Il révèle un petit écrin noir... Un bijou ? Je suis surpris, je ne pensais pas avoir la tête de quelqu'un qui porte des bijoux. J'ouvre l'écrin et découvre un magnifique et fin bracelet en or. Il est composé de deux chaines reliées l'une à l'autre par un signe de l'infini avec des ailes de démons sur les côtés :
- Que... C'est... Le même symbole que celui que j'ai sur mon collier... Qu'est-ce que ça signifie ?
Il me fait un sourire énigmatique suivi d'un clin d'œil. Il prend le bracelet et me l'attache autour du poignet :
- Il te va très bien, il te plait ?
- Beaucoup, merci.
Je déglutis sans vraiment savoir quoi faire ou dire. Je me sens vraiment mal à l'aise de ne pas avoir de cadeau pour lui. L'idée de partir en courant m'effleure... Mais j'y renonce, il fait froid dehors et je n'ai pas envie que d'autres monstres m'attaquent... Et puis je me sens bien ici, avec lui :
- Il est tard, je peux aller me coucher ?
- Bien sûr, tu n'as pas besoin de demander voyons. Je vais te conduire dans ma chambre.
- Dans « ta chambre » ? Tu... Tu n'as pas de chambre d'ami ? Tu sais je peux dormir sur le canapé ça ne me dérange pas, je ne veux pas te priver de ton lit.
Il me fait un doux sourire et je sens mon cœur fondre en le voyant. Comment ce mec peut me faire autant d'effet ?
Alasseï se lève et me fait signe de le suivre, ce que je fais sans poser de questions. Il m'emmène dans une pièce presque vide, totalement blanche avec pour seuls meubles un lit, une table de chevet et une armoire :
- Voilà, passe une bonne nuit, si tu as besoin de moi je suis dans le salon.
- Mais... Tu es sûr que ça ne te dérange pas de me laisser ta chambre ? Tu sais le canapé me convient très bien.
- J'imagine, mais tu es mon invité, alors ne discute pas et va te coucher, tu dois être épuisé.
Je n'ose pas dire autre chose, il tient tellement à me donner son lit que je ne peux que hocher la tête pour dire que j'accepte.
Il sort en me souhaitant bonne nuit et j'enlève rapidement mes habits, ne restant qu'en boxer sur le lit. Il est moelleux et confortable et m'y allonger et me lover sous les draps est un pur plaisir. Je lâche un petit soupir de bien être tellement c'est agréable et je ne mets pas longtemps pour glisser dans le sommeil.
***
Je suis réveillé dans la nuit par du bruit dans le salon. J'ouvre les yeux en grognant en regardant l'heure sur le réveil : trois heures trente du matin. Qu'est-ce qui peut bien se passer ?
Je me redresse en tendant l'oreille. J'entends la voix d'Alasseï ainsi qu'une autre que je n'arrive pas à reconnaître, mais qui éveille une sensation de déjà vu en moi.
Je me lève en enfilant un haut, un pantalon et des pantoufles pour ne pas avoir froid. Je sors de la chambre et m'approche discrètement. Alasseï est assis sur le canapé, en face d'un jeune homme dont je ne distingue pas grand-chose dans la pénombre :
- Alors c'est vrai Alasseï ? Feren est en vie ?
- Oui... Mais Vilisseï l'a appris et il a envoyé des Unqualë à sa poursuite.
- Je vois... Est qu'est-ce que tu comptes faire ? Tu ne pourras pas le garder ici éternellement. Vilisseï va bien finir par envoyer d'autres serviteurs pour le tuer ou pire, venir faire le travail lui-même.
- Je sais mais je ne vois pas quoi faire, je ne peux quand même pas éliminer Vilisseï. Il ne peut pas rester sur terre.
- Pourquoi tu ne l'emmènerais pas dans un autre monde ? Peut-être à Àlfheim, tu as des contacts là-bas non ? Tu pourras demander à tes amis de le protéger le temps que Envie se calme.
Ok, je veux bien admettre l'existence de l'Enfer ou du Paradis... Mais des mondes parallèles ?! J'en suis à un point où si on me disait que les Jedi, les WINX et les Pokémon existent, j'y croirais sans poser de questions !
Je soupire sans m'en rendre compte et j'aperçois les deux hommes qui regardent dans ma direction :
- Julian ? Qu'est-ce que tu fais là ? demande Alasseï avec étonnement.
Je déglutis et m'avance vers eux en regardant Alasseï qui vient de me parler :
- Désolé, je me suis réveillé et je vous ai entendu parler. Je ne voulais pas vous déranger...
Le jeune homme inconnu me regarde, ses yeux sont d'un rouge profond et ses cheveux d'un noir de jais, ce qui contraste avec sa peau d'albâtre :
- Tu étais en train de nous espionner n'est-ce pas ? lâche-t-il d'une voix claire mais profonde.
Je déglutis encore plus, il est perspicace et je me sens comme un enfant que l'on a pris avec la main dans le pot de Nutella :
- Oui... Je suis désolé, ce n'étais pas mon but, mais quand j'ai entendu que vous parliez de moi, je n'ai pas pu m'empêcher de vouloir en savoir plus...
Alasseï se masse les tempes et s'approche de moi. Il vient poser sa main sur mon épaule avant de me faire un sourire rassurant :
- Tu n'es pas en tort. La discussion te concernait alors je pense que tu n'as fait qu'écouter ce dont tu avais le droit... Je te présente Mirwën, c'est un... Démon. Il est venu prendre de mes nouvelles, c'est un ami ne t'en fais pas.
D'accord un démon, après tout si l'Enfer existe alors ceux qui y habitent aussi :
- Je vois... Et c'est quoi Àlfheim ? je demande en essayant de ne pas m'attarder sur le fait qu'il y ait un DÉMON dans le salon.
- Et bien, c'est un monde parallèle, celui des Elfes clairs. Je pense que tu pourras être en sécurité là-bas... Mais ça risque de poser quelques soucis... Pour changer de monde il n'existe que très peu de portails et Envie doit sans doute tous les faire surveiller... Mais tu ne peux pas revenir aux Enfers ni rester sur Terre sans quoi il finira par te trouver et te tuer pour de bon...
Il a l'air totalement perdu. Pourquoi s'inquiète-t-il autant pour moi ? Est-ce en lien avec ce que j'ai « volé » à cet Envie ?
- Dis... Les autres péchés Capitaux que pensent-ils de tout ça ? Est-ce qu'ils sont du côté de Vilisseï ? je demande avec l'espoir que l'un d'eux puisse nous aider.
- Et bien... Pas vraiment... Mais ils ne sont pas avec toi non plus... En fait ils sont neutres... Tu sais nous n'avons pas pour habitude de beaucoup communiquer entre nous. Nous vivons dans la même maison mais c'est tout. Je suis le seul à aller vers les autres car je suis la Luxure et mon péché m'oblige à vouloir le contact d'autres personnes.
- On... Pourrait leur demander de l'aide ! Ils pourraient m'aider à résonner Envie !
- Ne compte pas trop là-dessus, Paresse... Et bien tout est dans son nom, il ne lève jamais le petit doigt pour rien. Orgueil ne le fera jamais, il a toujours soutenu qu'il ne prendrait pas de camp et comme son péché l'indique, il ne changera pas d'avis. Avarice t'aidera... Seulement s'il est sûr de gagner quelque chose en retour et crois-moi, tu n'aimeras pas lui devoir quelque chose. Colère... Et bien Colère est un cas particulier... Si elle accepte de t'aider et que tu te la mets à dos, elle t'en voudra tellement qu'elle te laissera tomber.
Nous sommes donc vraiment seuls... Je n'ai plus d'autre choix que de rester caché pour le reste de mes jours.
Je me laisse tomber sur le canapé en poussant un couinement de désespoir. Alasseï s'assoit à mes côtés et me prend doucement dans ses bras. J'écarquille les yeux et mon premier réflexe est d'essayer de le repousser... Mais je me rends rapidement compte que je me sens trop bien dans ses bras... Et je me laisse totalement aller contre lui. Après tout pourquoi refuser une étreinte qui me fait me sentir aussi bien ?
- Ça va s'arranger Julian... Je ne laisserais pas Vilissë te tuer de nouveau, j'ai fait cette erreur une fois et je refuse de recommencer ; murmure-t-il avec douceur.
Je ne sais pas pourquoi, mais je le crois. Je le ferais même s'il me dit qu'il va décrocher la Lune alors que je sais bien que c'est impossible.
Il me lâche et je me retiens de grogner et de retourner dans ses bras :
- Tu devrais retourner te coucher Julian. Tu as besoin de sommeil car si nous voulons te faire passer un portail il va falloir se battre ; me dit-il avec tendresse.
- D'accord... Mais avant... Pourquoi ton ami m'a appelé Feren ?
- Parce que c'est ton prénom, celui que notre Créateur t'a donné. Julian est ton nom d'humain celui que tu as inconsciemment pris en te réveillant.
- Le « Créateur » ? C'est qui ?
- C'est Satan, c'est lui qui nous a créés après avoir été banni du Paradis afin que nous apportions le péché sur Terre.
- Je vois, je retourne me coucher ; je lance car j'ai besoin de me reposer pour avaler tous ce que je viens d'apprendre.
Savoir que je viens de l'Enfer ? OK, savoir qu'il existe plusieurs mondes ? OK, savoir que je suis revenu à la vie après être mort ? OK ! Mais apprendre que je suis la créature de Satan, le roi des Enfers... Non, là je crois que j'ai vraiment besoin de dormir !
Je retourne au lit et me glisse de nouveau sous les draps. Mais étrangement le sommeil me fuit. Je crois que je suis trop... Effrayé ? Oui c'est ça « effrayé ». J'ai beau savoir que je suis déjà mort... Je n'ai pas envie de revivre ça encore une fois.
Je me rends compte que le rêve que je fais tout le temps, celui ou je meurs avec un poignard dans le ventre prend du sens. La silhouette floue est sans doute Vilissë et Feren c'est moi. Mais qu'est-ce que j'ai pris de si important pour qu'il m'en veuille à ce point ?
Je ferme les yeux en posant mon bras dessus. Je fini enfin par sombrer dans un sommeil profond et sans rêve.
***
Une douce odeur vient titiller mes narines. J'ouvre les yeux en souriant bêtement malgré moi. J'ai vraiment bien dormi. Je regarde l'heure, huit heures trente du matin. Je me lève en grognant et je vais dans la cuisine.
L'odeur m'enveloppe et me met l'eau à la bouche en quelques secondes. Alasseï est en train de faire cuire des gaufres. Il y en a déjà une belle montagne sur la table :
- Salut Alasseï ; je lance joyeusement.
Il se tourne vers moi et me fait un grand sourire en posant une autre gaufre fumante sur la pile qui semble à deux doigts de s'écrouler :
- Bonjour Julian, tu as bien dormi ?
Je hoche la tête en m'approchant. La table est couverte de quoi couvrir les délicieuses gaufres qui me font de l'œil depuis que je suis entré dans la pièce :
- Ça sent super bon !
- Je suis content de savoir qu'elles te font envie, allez assied-toi et mange autant que tu veux. Tu peux même tout finir si tu veux.
- Vraiment ? Mais et toi ? Tu n'as pas faim ? je demande avec surprise.
- Non, un simple café me suffit, alors dévore ce que tu as envie ne te prive pas.
Je ne cherche pas à poser plus de questions et je dévore les gaufres après les avoir tartinées de chocolat fondant. Je m'en mets partout sur la figure mais je m'en fous totalement, c'est trop bon ! Je finis toute la pile sans m'en rendre compte et je pousse un long soupir de contentement. Alasseï me regarde, amusé et me donne une tasse de chocolat chaud :
- Tu vas me faire exploser !
Je bois le liquide onctueux et sucré, un pur délice !
- Je te connais, tu es la Gourmandise, il faut bien te nourrir sinon tu déprimes ; dit-il en rigolant.
Il a raison, j'ai remarqué que dès que je mange mal ou pas assez, j'ai l'impression que je ne suis plus bon à rien :
- Ça me fait bizarre de me dire que tu me connais mieux que moi-même... Est-ce que tu penses que mes souvenirs vont revenir ?
- Je ne sais pas, peut-être que oui peut-être que non. L'Ether est tellement fort ici qu'on ne peut jamais prévoir les effets qu'il aura. Mais je pense que si nous t'emmenons dans un autre monde, les souvenirs vont te revenir peu à peu.
Je termine mon chocolat chaud, il est trop bon ! Bien sûr ce ne sera jamais aussi bon que l'endroit où je travaille... Non... Où je travaillais. Je ne pourrais plus y retourner et cela me rend un peu triste :
- Alasseï, tu penses que je peux envoyer un message à Jérémy pour le prévenir ? Enfin pour lui dire que je ne pourrais plus venir pour une durée indéterminée ? C'est mon ami et je ne veux pas qu'il s'inquiète pour moi ou qu'il ait des ennuis par ma faute.
- Oui tu peux, mais ne lui dit pas où tu es, ne lui raconte rien de ce qui t'arrive, invente un mensonge est reste assez évasif d'accord ? Envie doit sans doute être en train de le faire surveiller. Mais il ne lui fera rien tant que tu n'iras pas le voir directement.
Je suis rassuré de l'entendre dire que mon ami ne risquera rien. Cela me soulage d'un poids dont je n'avais même pas conscience jusqu'à ce que je le sente quitter mes épaules.
J'attrape mon téléphone et envoie un message à Jérémy. Je cherche un moment le mensonge que je vais lui sortir... Et je finis par lui dire que je suis parti en vacances sans lui dire où. Je lui dis également de prévenir le patron du fait que je ne sais pas quand je vais revenir.
J'envoie le message avant de refermer mon téléphone. Alasseï me regarde avec un air... Étrange :
- Quelque chose ne va pas ?
- Tout va bien ne t'en fais pas ; répond-t-il avec un air sombre.
Lui-même n'a pas l'air convaincu et je capte quelque chose dans son regard :
- Mais tu es jaloux ma parole !
- Pas du tout ! Pourquoi je serais jaloux ?
Je vois à son visage qu'il se ment à lui-même et cela m'amuse tout autant que m'attendrit. Savoir qu'il est jaloux que j'envoie un message à Jérémy fait faire un bon à mon cœur dans ma poitrine.
Nous terminons le petit déjeuner et je fais la vaisselle histoire de me montrer un peu utile avant d'aller me brosser les dents. Alasseï me rejoint dans la salle de bain et son regard est... Étrange :
- Quand tu auras terminé, nous allons partir pour l'une des portails d'accord ?
Je hoche la tête tout en terminant de me brosser les dents avant d'enfiler un manteau et des bottes pour ne pas attraper froid :
- C'est bon on peut y aller.
Je n'ai pas envie de partir d'ici, je me sens bien chez lui. Je sais que dès que je serais hors de la maison, je ne serais plus du tout en sécurité... Mais je fais avec car je n'ai pas le choix :
- Le portail est loin ?
Alasseï secoue la tête et nous continuons de marcher pendant un long moment. Les rues sont totalement désertes, c'est le lendemain de Noël, les gens sont encore couchés car ils ont sans doute passé toute la nuit à faire la fête.
Nous entrons dans un petit parc, avec des jeux pour les enfants et des bancs recouverts de neige ainsi qu'une fontaine à l'eau gelée :
- Heu Alasseï, tu es certain qu'il y a un portail ici ? Je suis souvent venu ici et je n'en ai jamais vu ; je lance, pas très convaincu.
- C'est parce qu'il est caché aux yeux des humains, mais si tu es avec moi tu le verras sans problème, allez viens.
Il continue de marcher et je ne peux que le suivre sans rien dire... Avant d'écarquiller les yeux en voyant l'immense Arche de plusieurs mètres de haut et gravée de symboles en plein milieu du parc :
- Que... C'est ça ? Comment j'ai pu louper un truc aussi énorme !
- Je te l'ai dit, il est dissimulé par magie pour que les mortels ne puissent pas le trouver sans l'aide de l'un d'entre nous.
Nous marchons vers l'immense construction et il tend sa main en murmurant des mots dans une langue que je n'arrive pas à comprendre.
Les symboles qui ornent la construction s'allument. L'intérieur de l'Arche se remplit de lumières de toutes les couleurs et un bourdonnement léger mais continue d'emplir l'air.
Alasseï me tend la main et j'hésite un peu avant de la prendre, je n'ai pas vraiment le choix de toute façon non ?
Nous nous avançons vers les lumières et nous les traversons... Un tourbillon de couleur envahit ma vision. J'ai l'impression de tourner dans tous les sens et que tout dur à la fois des années et quelques secondes. Mon estomac remonte dans ma gorge... Puis tout s'arrête et je cligne des yeux :
- Que... C... C'est fini ? C'est horrible !!! je lâche en grimaçant.
- Je sais, tout le monde dit ça la première fois, ça va aller ? demande-t-il d'une voix inquiète
Je hoche la tête et respire un long moment pour retrouver tous mes esprits et surtout être sûr que je ne vais pas rendre mon petit déjeuner :
- On... On est où au fait ? Je demande d'une voix faible
- À Àlfheim, le royaume des Elfes Clairs, je vais te cacher ici le temps que Vilissë se calme et surtout que j'arrive à le convaincre de te laisser tranquille.
Je l'écoute sans rien dire... Et soudain quelque chose me saute à la figure, une chose que je n'avais pas remarquée :
- Attend, hier tu as bien dit qu'Envie ferait sans doute surveiller tous les portails et qu'il ferait tout pour nous empêcher de quitter le Terre non ?
- Oui, et alors ? Nous avons réussi à partir sans qu'il ne nous mette des bâtons dans les roues.
- Justement, tu ne trouves pas ça bizarre ? Pourquoi il n'y avait aucun garde ? Pourquoi personne n'a tenté de nous faire rester sur Terre ? Il y a quelque chose d'étrange, je me demande si justement il voulait qu'on quitte l'autre monde.
- Ça n'a aucun sens, pourquoi prendre le risque de ne pas te retrouver à travers tous les mondes qui existent ? Pourquoi vouloir te faire partir d'un monde dans lequel il sait qu'il pourra te retrouver ? Parce que là il n'a aucun moyen de te localiser.
Alasseï a raison... Mais quelque chose cloche et je n'arrive pas à m'ôter cette idée de la tête. Cependant je n'insiste pas :
- Tu as raison, je te laisse me guider.
Un sourire illumine tout son visage et mon cœur rate un autre battement dans ma poitrine, je n'arrive pas à détacher mes yeux de lui. Ce n'est que quand il me tourne le dos pour se mettre à marcher que je reprends un peu mes esprits pour le suivre.
Nous marchons pendant un long moment dans une forêt aux couleurs intenses et lumineuses, sous un magnifique ciel d'un bleu éblouissant. Cet endroit a quelque chose de majestueux et de pur. Il n'a pas l'air... Pollué comme la Terre. J'ai l'impression de respirer plus librement.
Nous arrivons finalement devant un assez grand chalet en bois très bien caché entre les arbres. Alasseï s'approche et frappe à la porte :
- Imlach ? C'est moi Alasseï ouvre !
Il y eu un grognement et la porte s'ouvre sur... Une magnifique créature à la peau si pâle qu'elle en paraît transparente. Il porte sur moi des yeux d'un bleu tellement clair qu'ils ont l'air d'être blanc. Ses longs cheveux d'un blanc neige descendent en cascade dans son dos. Ses habits d'un vert profond soulignent parfaitement les formes avantageuses de son corps. Son visage aux traits fins me donne l'impression qu'il sort tout droit du Paradis :
- Alasseï, c'est un plaisir de te revoir, que puis-je faire pour toi ?
Même sa voix est magnifique ! Elle est musicale et sonne d'un son pur qui me donnerait envie de croire tout ce qui sort de sa bouche :
- J'ai besoin de ton aide Imlach, Feren est en danger. Il faut que tu le caches chez toi le temps que je règle le problème.
- Je vois... Tu sais bien que je ne peux rien te refuser, allez entrer.
Il s'écarte pour nous laisser passer et nous découvrons un ravissant petit salon fait de meuble en bois clair, avec une cheminée en pierre contre le mur du fond dans laquelle brûlae un feu rassurant. Un canapé beige se trouve en face. Il y a également une table en bois sur laquelle repose des livres et deux fenêtres encadrés par des rideaux verts clairs :
- Je te le confie Imlach, prend soin de lui et surtout empêche Envie de lui faire du mal d'accord ? Enfin il ne devrait pas savoir qu'il est ici.
L'elfe se contente d'hocher la tête sans répondre... Mais cela semble convenir à Alasseï car il lui fait un sourire avant de me regarder :
- Et toi sois sage d'accord ? Je reviens aussi vite que possible.
Il effleure ma joue d'une brève caresse, ce qui ne m'empêche pas de frémir de la tête aux pieds à son contact qui répand une douce chaleur dans tout mon corps.
Il sort avant que j'ai eu le temps de répondre quoi que ce soit et je me tourne vers le bel elfe :
- Alors... Ça fait longtemps que tu connais Alasseï ? Je demande d'une voix pas très sûre.
Je me sens assez mal à l'aise avec lui, j'ai l'impression d'être indésirable :
- Oui, je crois que ça doit faire trois cent années humaines. Fais comme chez toi et ne sors d'ici sous aucun prétexte c'est clair ?
Je déglutis mais acquiesce. Sa voix est froide comme la glace et j'ai de plus en plus la sensation qu'il m'en veut personnellement. Pourtant Alasseï ne m'aurait pas amené ici si cet Imlach n'était pas digne de confiance... Enfin à ses yeux.
Il semble content de ma réponse et il me laisse en plan dans le salon. Je ne sais pas trop quoi faire et je n'ose toucher à rien de peur de m'attirer les foudres de mon hôte.
Je serais bien allé faire un tour dehors mais il semble tenir au fait que je ne sorte pas. Pourquoi ? Que risque-t-il de se passer si je le fais ? J'ai bien envie de désobéir, rien que pour montrer à « Monsieur je me pense meilleur que toi », que je ne suis pas un gentil toutou. Mais je me souviens que si Alasseï m'a amené chez cet elfe, c'est pour qu'il me protège et que s'il me dit de ne pas mettre les pieds dehors alors je dois l'écouter car c'est sans doute dangereux pour moi.
Je soupire et me laisse tomber sur le canapé présent dans la pièce. Je ne sais pas pourquoi mais mon petit doigt me dit que je ne vais pas vraiment m'amuser ici.
Je ne sais pas trop quoi faire et au bout d'un moment j'en ai marre. Je me lève et cherche l'elfe dans le chalet. Je le trouve dans un petit bureau fait de bois clair, avec une grande baie vitrée donnant sur l'extérieur et une cheminée qui diffuse une douce chaleur dans la pièce :
- Je peux entrer ?
Il lève les yeux vers moi, le fauteuil beige sur lequel il est assis grince un peu quand il se redresse pour me faire face :
- Bien sûr, que veux-tu ? demande-t-il d'une voix froide
- Quelque chose à faire, je m'ennuie, je ne pourrais pas avoir un livre ou un truc pour m'occuper ?
Il me regarde comme si j'étais en train de le déranger dans une tâche des plus importante. Il prend une grande inspiration avant de me répondre :
- Il y a une porte juste en face de mon bureau, c'est une bibliothèque tu n'as qu'à aller te chercher un livre là-bas.
Visiblement la discussion est close. Je me lève sans rien dire avant de sortir. En effet il y a bien une autre porte juste en face. Je l'ouvre avant d'entrer. Je me retrouve dans une petite bibliothèque, faite d'étagères en métal qui supportent tant bien que mal le poids d'épais volume de cuir relié.
J'ai l'impression d'avoir traversé le temps, d'être revenu à une époque entre le Moyen-âge et la Renaissance.
Je m'approche pour déchiffrer les titres... Et je les comprends ! Je sais qu'il n'y a rien de surprenant mais je vois bien qu'ils sont écrits dans une langue que je n'ai jamais vue avant et pourtant j'arrive sans problème à les lire !
Je regarde donc les ouvrages et l'un des titres attirent mon attention « L'Histoire des Péchés Capitaux ». Ça m'intéresse beaucoup ça, j'aimerais savoir comment je suis venu au monde.
J'attrape le livre à la couvertures noire et couverte d'étranges symboles que je ne parviens pas à comprendre.
Je m'installe sur l'un des fauteuils de velours rouge et ouvre le livre.
« Il y a fort longtemps, bien avant l'existence des êtres Humains dans le royaume de Midgard, deux frères entreprirent de façonner ce même monde ensembles. Le premier s'appelait Jéhova et le second Méphistophélès. Ils étaient jumeaux et se ressemblaient comme deux gouttes d'eau.
Ensembles ils créèrent la Terre, cela leur prit des milliers d'années mais une fois terminée, ils furent très fiers d'eux. Ils avaient fait une véritable œuvre d'art. Cependant il était dommage qu'une beauté pareille soit vide. Tous les autres mondes avaient leurs propres peuples, alors pourquoi pas Midgard ?
Les deux frères façonnèrent donc les Humains et leurs apprirent à vivre, à se nourrir, à s'adapter et à survivre.
Mais cela amena rapidement à une dispute entre les deux frères, en effet, Jéhova pensait qu'il valait mieux guider les humains vers la voie des choses vertueuses, qui n'empoissonneraient pas leurs âmes.
Méphistophélès quand à lui pensait que les humains devaient être libres de faire ce qu'ils voulaient, même des choses que son frère jugeait comme étant un péché pour eux.
Leur dispute se faisait de plus en plus forte jusqu'à ce qu'ils finissent par se battre entre eux pour savoir qui allait guider les humains.
Jéhova blessa cruellement son frère, le laissant ensuite pour mort après avoir prononcé ces mots « Si mon propre frère ne suit pas le chemin de la vertu, aucun humain ne le fera, alors pour leur Salut, il vaut mieux que tu périsses ».
Méphistophélès fut donc ainsi abandonné sur le champ de bataille. Fou de rage et de douleur, il se promit de corrompre les petites créatures que son frère aimait tant.
Il descendit sous Terre où il soigna ses plaies en puisant dans la magie démoniaque, sa peau, ses cheveux et ses yeux devinrent aussi noirs que son cœur. De sa rancœur mêlée à sa sombre magie naquit les péchés Capitaux, il leur donna une forme attirante à laquelle personne ne pourrait résister. Il leur donna la Vie Éternelle pour que leur décadence fasse sombrer les humains pour toujours. Puis il les envoya sur Terre afin d'exercer sa vengeance sur Jéhova, ne les faisant revenir près de lui que quand leur corruption eut contaminé tous les humains. »
Je cligne des yeux en termine ma lecture... Alors c'est comme ça que j'ai été créé ? Dans le seul but de venger le Roi des Démons ? Je ne sais pas vraiment comment je dois me sentir. Je n'ai jamais vraiment cru en Dieu ni même au Diable... Mais savoir qu'ils ont vraiment existé et que je ne suis vivant uniquement pour pourrir la vie de Jéhova c'est assez étrange. Je sais bien que je n'aurais pas pu servir à grand-chose d'autre mais quand même !
Je referme le livre en soupirant, je suis... Dégouté. Je ne sais pas pourquoi mais je trouve ça ignoble de faire une telle chose.
Je range l'ouvrage avant d'en prendre un autre, je n'ai pas fait attention au titre mais bon, au moins ça m'occupera l'esprit.
***
Cela fait maintenant deux jours que je suis ici et le climat entre mon hôte et moi est toujours aussi tendu. Il m'appelle à chaque repas pour que je vienne manger mais une fois à table il ne dit rien, nous dînons dans le silence. Il me souhaite bonjour et bonne nuit mais rien d'autre, c'est comme si j'étais... Une sorte de colocataire indésirable. J'espère qu'Alasseï va vite revenir parce que je n'en peux vraiment plus de ce mufle !
Je soupire en regardant le plafond clair de ma chambre. Je suis allongé dans un lit deux places avec des draps aussi verts que les rideaux qui sont accrochés à la fenêtre du mur d'à côté. Il fait nuit et je n'ai pas sommeil. J'ai envie d'aller faire un tour dehors, après tout qu'est-ce que je risque ? Ce monde est censé être calme est sans danger... Enfin d'après le livre que j'ai lu sur lui, et puis si Vilissë m'avait trouvé, il n'aurait pas attendu trois jours pour venir me chercher !
Bien décidé à aller faire une petite balade, parce que rester enfermé aussi longtemps va finir par me rendre fou, je sors du lit et m'habille.
Je parcours à pas de loup le chemin jusqu'à la porte en surveillant qu'Imlach ne se réveille pas, je ne tiens pas à l'avoir sur le dos. Surtout que la seule fois où je lui ai parlé de me laisser sortir, il a menacé de m'attacher à mon lit s'il me surprenait le nez dehors. Et connaissant l'elfe, je ne doute aucunement de sa capacité à mettre sa menace en œuvre.
Je reste plusieurs minutes à m'assurer je ne l'ai pas réveillé avant de pousser tout doucement la porte qui coulisse silencieusement sur ses gongs avant de sortir en prenant soin de la refermer derrière moi.
L'air frais me fouette le visage et les parfums de la forêt envahissent mes poumons. Qu'est-ce que ça fait du bien !
Un immense sourire étire mes lèvres, je me sens tellement... Libre !!! Je ne suis plus enfermé entre quatre murs et cela me fait un bien fou !
Je vois parfaitement devant moi, les plantes fluorescentes éclairent sans problème leur environnement même si l'éclat de la Lune est caché par le feuillage des arbres.
Je m'avance sur le petit sentier de terre en inspirant à plein poumon l'air frais de la forêt. Je marche quelques minutes avant d'arriver dans une petite clairière assez large avec un court d'eau qui la coupe en deux.
Je me sens bien ici, détendu. Je m'assois dans l'herbe fraîche sans être humide en poussant un soupir de bien-être.
Les bruits de la forêt m'apaisent et je ferme les yeux.
Je suis réveillé en sursaut par le craquement d'une branche. Je me suis assoupi, ce n'était pas mon intention mais je suis tellement bien ici que je n'ai pas pu m'en empêcher.
Un autre craquement retentit et je me redresse d'un coup, c'est peut-être un animal, POURVU que ce soit un animal !
Je regarde autour de moi avec méfiance mais je ne vois rien d'anormal parmi la végétation. Un vent glacial me traverse le corps. Ce n'est pas naturel, je le sens et j'ai l'impression de connaître cette sensation de Mort.
Je me lève rapidement, il faut que je rentre, je n'aurais même pas dû sortir. J'ai fait une bêtise en désobéissant à Imlach.
J'ai à peine le temps de terminer de me mettre sur mes jambes que quelque chose me saute brutalement dessus et me fait tomber sur le sol.
Je roule dans l'herbe avec la chose avant de m'arrêter. Je suis écrasé par le poids de son corps et un froid mortel gagne mes membres. Des points noirs dansent devant les yeux et la dernière chose que je vois avant de sombrer dans l'inconscience est le regard froid et meurtrier de l'Unqualë au-dessus de moi.
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