Partie V : L'arrivée de Victoria

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Une rumeur avait commencé à naître dans le Derbyshire après le soir du bal. On disait que le nouveau propriétaire de Haunsford était fou, voir possédé par le Diable en personne. Le vieux manoir était déjà diffamé, mais ce fut pire après cet événement. Thomas ne reçut que des refus à ses invitations de boire le thé et réfléchit sur sa conduire de l'autre soir. Pourtant, il ne vit rien qui mérita un tel traitement, car il prenait la vaste d'Elizabeth et la disparition des alentours comme un effet de l'amour qu'il avait pour elle. Mrs de Haunsford, qui le haïssait déjà bien assez, décida d'aller occuper avec sa fille une aile du manoir inoccupée et d'engager ses propres domestiques afin de rompre tout lien avec cet homme qu'elle considérait comme un intrus. Thomas, consterné, ne répliqua tout de même pas et profita de la situation pour inviter Elizabeth à prendre ses repas avec lui. Elle ne mangeait pas beaucoup mais passait son temps à l'observer de son regard tendre et amoureux. Ils étaient si heureux à eux seuls ! Thomas allait parfois la rejoindre dans son lit ; ces nuits étaient les plus belles pour Elizabeth. Oh qu'ils s'aimaient ! Tous deux consumés par cette bête intérieure qu'était la passion, ils ne se quittaient plus, se murmuraient milles promesses et oublièrent l'écoulement du temps. Pourtant, le jeune homme se tardait de voir sa sœur. Celle-ci lui envoyait plus de lettres chaque semaine, lui demandait de décrire le manoir et les gens qui y vivaient. Il se résolut à l'inviter, mais à l'annonce de cette décision, Elizabeth s'énerva et s'enferma dans la salle de musique. Elle pourtant qui lui avait exprimé auparavant son désir de rencontrer Victoria ! Il se dit que cela lui passerait et le jour de l'arrivée de sa sœur arriva plus vite qu'il ne se l'était imaginé.

A son arrivée, Miss Lingsing se fit entendre. Elle poussa des cris de joie à la vue du manoir, s'enquit sur la santé de son frère et l'état de la décoration à la fois, donnait des ordres aux domestiques concernant tous les bagages qu'elle avait emmené jusqu'ici. Elle n'arrêta pas de parler jusqu'à ce que la nuit tombe et son frère l'écouta, trop heureux de l'entendre à nouveau pour répliquer. Puis soudain, elle s'arrêta de parler et dit :

-Mais n'avez vous pas parlé d'une certaine Elizabeth ? Où est-elle ?

-Elle est timide, ma chère sœur. Mais attendez ici, je monte la chercher.

Il lui suffit de pousser la porte pour l'apercevoir immobile devant son piano, plus pâle que jamais. Il lui demanda de se joindre à lui, lui prit la main pour la rassurer mais elle refusa, toute tremblante. Ce fut à ce moment que la porte s'ouvrit une deuxième fois et Victoria entra, les yeux grand ouverts de curiosité. Elizabeth se releva si rapidement qu'elle fit sursauter Thomas.

-Mais enfin mon frère, que faites-vous seul ici ?

Le sang du jeune homme se glaça. Seul ? Sa sœur était-elle donc devenue aveugle ? Il observa Elizabeth dont le corps n'aurait pas pu été plus tendu qu'en cet instant même. Ses yeux s'emplirent de larmes.

-Thomas ? Que regardez-vous ?

-Je suis désolée, souffla son amante, et elle s'enfuit en courant sans même que Victoria ne daigne de lui adresser un regard.

Thomas se confondit d'excuses envers sa sœur, prétextant un oubli de sa part et quelque chose d'important, et partit à la recherche d'Elizabeth. Il la retrouva dans le jardin, recouvrant ses bras nus de ses mains de pianiste, plus par panique que par froid. Elle était pâle, d'une pâleur cadavérique, inhumaine !

-Elizabeth ! l'appela-t-il entre les soufflements enragés du vent.

-Thomas !

Et elle s'élança vers lui, les joues glacées par les larmes froides qui ne cessaient de couler le long de sa peau. Ses longs cheveux étaient balayés par le vent, sa robe claquait sur ses genoux nus.

-Pourquoi ? Pourquoi ne vous a-t-elle pas vue ?

-Je suis désolée... Seigneur, mais qu'ai-je fait ?

-Qui êtes-vous, murmura-t-il en s'écartant légèrement.

Ce fut un geste qui brisa le cœur de la jeune fille. Elle tendit sa main, prit la sienne et entre deux sanglots, lui demanda :

-M'aimez vous ?

-Et vous me posez cette question ? Si je vous aime ! Je suis tombé amoureux de vous à l'instant où mes yeux ont rencontré les vôtres. Mon cœur n'a cessé de vous réclamer, mon esprit s'est embrumé de pensées vous concernant. Aimer est un mot bien trop faible pour décrire ce que je ressens pour vous. Douteriez-vous de mes sentiments ?

-En aucun cas mon amour, mais je suis juste effrayée à l'idée de vous voir partir à la connaissance de ma véritable nature.

-Je suis tombé amoureux de votre âme, Elizabeth. Tout le reste est superflu. Mais j'aimerais juste savoir si...

Il y eut un silence que seul le sifflement du vent brisa.

-... si vous êtes réelle ou si je suis fou.

Elle posa une main à plat sur sa joue, un sourire triste ornant son visage.

-Fermez les yeux, Thomas, et je vous raconterai mon histoire. Et alors, même la mort ne pourra nous séparer.

Il fit ce qu'elle dit, et entre la tempête glacée d'une nuit d'hiver, les deux figures ce tinrent immobiles, unies malgré la terrible histoire qui les séparait.

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