Chapitre 1

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Zola

Je pensais sincèrement qu'accepter ce poste sur une île au Sud de l'Islande, serait la plus grande aventure de ma vie. Je veux dire, seule sur une île, pendant trois ans. Une île déserte. À faire des relevés météorologiques, des prélèvements et du recensement de la faune et la flore. Tout cela sous des conditions climatiques rudes. J'y croyais vraiment... Mais visiblement l'univers, ce gros fourbe, avait d'autre projet pour moi.

Mon arrivée sur l'île de Hjöx date d'il y a exactement trois mois. J'ai débarqué ici début Avril. En hélicoptère rien que ça! Le premier ravitaillement a eu lieu il y a seulement quelques jours, lui aussi par la voie des airs. C'est le rythme mis en place par mon employeur. Des rapports quotidiens, des relevés transmis directement par satellite chaque jour et des prélèvements stockés avec soin et embarqués lors du ravitaillement. Une routine bien rodée que j'ai vite intégrée. Disons que c'est la partie la moins fun du job. L'île est truffée de capteurs en tout genre dont je dois assurer la maintenance. Heureusement pour moi, j'ai bénéficié d'une formation intensive et complète pendant deux mois et le service technique répond vite. Heureusement vraiment car avant d'être envoyée sur ce rocher de l'Atlantique Nord, j'étais telle une poule devant un couteau face à la technologie, surtout une aussi spécifique. Mais parlons de la partie fun du job, qui est la raison pour laquelle j'ai postulée : l'observation de la faune et la flore. Une petite colonie de Macareux moines venait chaque année nichée sur les pentes enherbées de l'île. La période de nidification se déroule d'Avril à Mai. C'est vraiment fascinant à observer. Mon amour pour la vie sauvage prend une toute autre dimension ici.

Par chance, j'ai pu inclure une clause non négociable dans mon contrat : Tahnee, ma chienne. Elle est vraiment l'amour de ma vie. Avec sa mâchoire légèrement de travers, ses grandes pattes et ses yeux si expressifs, personne ne voulait l'adopter. En ce qui me concerne, quand j'ai vu sa photo, il n'y a eu aucun doute dans mon esprit : c'était ma chienne. Et nous voici, quatre ans plus tard, à vivre notre meilleure vie dans ce coin perdu du bout du monde. Nous rentrions d'une journée bien remplie passée sous un ciel bleu infini et un soleil plus que bienvenu après des semaines de pluie. Les premiers œufs de Macareux commençaient à éclorent et cela me fit penser que je devais aller ramasser la ponte du jour de mes poules, avant de les enfermer pour la nuit. Le poulailler était équipé d'un système de chauffage géothermique, comme le reste de la station, pour les longs mois d'hiver. C'est justement en me rendant au poulailler que l'univers a décidé que la vraie grande aventure allait commencer pour Tahnee et moi. Le domaine des poules se trouvait à moins de cent mètres de la station. Après avoir déposé mon matériel et mes prélèvements du jour dans le sas, je pris mon panier et me dirigeait vers mes copines à plumes. La première chose qui aurait dû m'interpeller, c'est qu'elle étaient particulièrement bruyantes. La deuxième chose c'est qu'un être pas plus haut qu'un pot de cornichons était en train de faire du rodéo sur le dos d'une de mes pondeuses! Je regardais ce spectacle complètement invraisemblable sans bouger, figée dans ma stupeur. Ce sont les pleurs et les aboiements de Tahnee qui m'ont sortis de ma transe. Les poules sont ses copines à elle aussi et elle a sentie la terreur qui suintait de l'enclos. J'ai lâché mon panier et hurlé .

- Lâches ma poule bordel!

Stupéfait et peut être apeuré, le petit être a lâché prise et m'a fixé longuement. En prenant garde à ne pas laisser la chienne se faufiler, comme à son habitude, je me glissais dans l'enclos. L'intrus me fixait toujours. Non pas avec peur mais avec une grande curiosité. J'aurais dû moi même avoir peur. Un corps humain minuscule, peut être une trentaine de centimètre, une peau brune, de grands yeux verts menthe et des cheveux bouclés d'un violet profond magnifique et une paire d'ailes qui semblaient être faites de fils de soie et de perles de rosée. Elles semblaient briller dans la lumière du soleil couchant. Je n'étais pas apeurée non. J'étais complètement fascinée.

Nous nous sommes fixés pendant ce qui sembla durer une petite éternité. Soudain une voix bien trop puissante pour un si petit être me demanda

-Tu comptes me fixer encore longtemps? Je n'ai pas que ça à faire! Décides toi, soit tu me tues, soit tu viens m'aider.

Visiblement mon cortex cérébral qui aurait dû me dire de paniquer avait d'autres projets.

- Tu as besoin d'aide pour quoi faire?

La surprise puis le ravissement passèrent dans les yeux verts du petit chevaucheur de poule. Il pencha la tête pour m'observer attentivement. Une lueur malicieuse dans le regard me fît craindre le pire.

- J'ai besoin de tuer une poule mais ça sera plus simple si c'est toi qui le fait car tu comprends je suis végétarien et ça me dégoute de devoir le faire moi même.

- Alors premièrement il est hors de question de toucher à mes poules, deuxièmement pourquoi vouloir en tuer une si tu es végétarien?

- Ce n'est pas pour moi mais pour un ami. Il est souffrant et a besoin de nourriture.

- Cet ami il est comme toi? D'ailleurs qu'est ce que tu es? J'aurais sans doute dû m'en inquiéter plus tôt mais est ce que tu me veux du mal ?

- Je suis un Brownie, j'appartiens à la famille des elfes. Je ne te veux aucun mal. Je t'observe depuis quelques jours et tu sembles être inoffensive également. Quel est ton nom?

- Je... Quoi? Attends! Un elfe? Mais comment c'est possible? Vous êtes des créatures légendaires, en aucun cas réels.

- Et pourtant me voilà. Donc ton prénom? Le mien c'est Orion.

- Heu oui pardon, je m'appelle Zola. Orion c'est magnifique comme prénom. Mais vraiment il faut que tu m'expliques tout ce qu'il se passe là.

- Promis je t'expliquerais tout Zola, mais là il faut vraiment que tu m'aide. Mon ami...

- Oui d'ailleurs c'est un Brownie lui aussi?

- Ash un Brownie??? Je crois qu'il préfèrerait se faire castrer.

Orion se mit à glousser doucement mais il se reprit rapidement. Il semblait vraiment inquiet pour son ami. Une vague de compassion au fond de moi me poussa vers lui. Je m'accroupi devant lui.

- Je vais t'aider. Mais nous ne ferons pas de mal à mes poules. J'ai des provisions et une trousse de premiers soins. De quoi souffre ton ami? Est-il blessé?

Le Brownie me fit un grand sourire. Je lui tendit la main et il vola jusqu'à elle. J'étais complétement fascinée. Ses ailes qui semblaient si délicates et fragiles, comme si un moindre souffle d'air pouvait les briser, se révélèrent solides et puissantes. Tout simplement prodigieux.

- Il a besoin de reprendre des forces. Il faut qu'il mange. Il est dans un arbre par là-bas.

Orion m'indiquait la forêt de pins qui s'étendait sur la partie septentrional de l'île.

- Ok allons chercher ce qu'il nous faut et nous irons aider ton ami.

- Est ce que ton familier va me dévorer?

- Mon familier? Oh ma chienne tu veux dire? Non elle est adorable mais ne touche plus à ses copines les poules car elle risque de les défendre ok? Je vais vous présenter pour qu'elle se calme. Ma bébé vient ici!

Tout en discutant avec Orion, toujours perché sur ma main, je sortais de l'enclos. Tahnee s'approcha gaiement. Je l'a fit se mettre assise et lui recommanda d'y aller doucement. Orion était cramponné à mon pouce. Tahnee approcha sa truffe pour le renifler puis se mit à battre de la queue avec frénésie.

- Et bien te voilà adopté Orion!

Ce dernier tendit prudemment la main vers Tahnee. Elle lui mit un petit coup de langue et se mit à sauter tel un kangourou autours de nous. Le brownie était hilare. Son rire, tel un millier de clochettes, s'envola et je me surpris à mêler mon rire au sien. En arrivant à la station je récupérais quelques provisions. Sur les conseils d'Orion je privilégiais de la viande crue, deux cuisses de poulet en l'occurrence, de l'eau et la trousse de premiers secours. Je ne savais absolument ce qui m'attendait mais je n'hésitais pas un seul instant. J'étais visiblement complètement sous le charme d'Orion. Je décidais de laisser Tahnee à l'intérieur pour ne pas faire peur à son ami. En quelques minutes nous étions rendu au pied d'un pin gigantesque. Je levais le regard.

- Comment vas-tu faire pour porter tout ça là-haut? Ne le prend pas mal mais tu es trop petit Orion et moi je ne suis pas capable de grimper aux arbres.

- Je ne le prend pas mal, et ne t'en fais pas je vais nous transporter là haut sans encombres!

- Nous? Comment ça nous? Et comment??

- En tant que Brownie je dispose de quelques dispositions propres à mon espèce. Ne panique pas mais je peux modifier ma taille.

Sans me laisser le temps d'assimiler ses paroles, il sauta de mon épaule et se mit à grandir. Il atteint une taille qui devait frôler les deux mètres. Exactement le même mais en plus grand. Des muscles fins, une silhouette élancée, des traits androgynes. Et ses ailes mon dieu, encore plus fascinantes. Orion était tout simplement spectaculaire. Je vérifiais machinalement que ma bouche n'était pas grande ouverte sous le coup de la stupeur.

- Toujours pas apeurée Zola?

Son regard reflétait une fois de plus la malice mais également une légère crainte. Comme si il craignait mon jugement.

- Je sais que je devrais, et je ferais sûrement une crise de nerfs plus tard mais pour l'instant je suis surtout émerveillée. Tu es incroyable Orion.

Je vis ses joues s'empourprer légèrement sous sa peau brune. Visiblement il ne s'attendait pas à un tel compliment.

- Merci Zola. Bon tu es prête? On y va!

Sans attendre il s'approcha de moi et voulu me prendre dans ses bras. Je reculais vivement, stupéfaite.

- Mais qu'est ce que tu fais?

- Et bien je vais te porter pour monter là-haut.

- Mais non hors de question tu es cinglé ou quoi? Tu es assez grand maintenant tu n'as pas besoin de moi!

- Mais si nous ne serons pas trop de deux. S'il te plaît Zola.

Ses grands yeux verts me suppliaient. Bordel je savais que j'allais dire oui. Il dû sentir que je flanchais.

- Je te promet de ne pas te lâcher allez viens.

- Orion non, je suis trop lourde. Je n'ai rien d'un poids plume. Tu ne pourras pas aider ton ami si l'on s'écrase tous les deux.

Il fit glisser son regard sur moi, examinant mon corps.

- Laisses moi essayer sans voler ok? Je te prend dans mes bras. Si je te trouve trop lourde, je monterais seul, ça te va?

Sans même me laisser le temps de dire ouf, le voici qui glisse un bras sous les épaules et l'autre sous les genoux. J'ai juste le temps de passer mon bras autours de sa nuque que le voilà qui s'envole sous une floppée de jurons échappés de ma bouche. Cet imbécile ailé se marre en fonçant vers la cime des arbres. Il me dépose délicatement sur une énorme branche. J'en profite pour lui assener un coup de poing dans l'épaule qui bien évidemment ne lui tire même pas une grimace

.- Je le savais, légère comme une plume Zola!

- Ouais un gros sac de plumes alors. Imbécile j'ai eu la trouille de ma vie!

Soudain mon regard fût attiré par une forme velue roulée en boule contre le tronc. En me penchant légèrement pour apercevoir sa tête, je remarquais ses oreilles et là je percutais aussitôt... Un lynx, j'étais perchée à plusieurs dizaines de mètres, sur une branche avec un putain de lynx énorme et un elfe. La peur qui ne s'était pas manifestée jusqu'à présent, déboula tel un tsunami. Je reculais vivement, le cœur tambourinant comme un fou. Orion m'intercepta et d'une voix calme me dit que je ne devais pas avoir peur.

- C'est Ash, mon ami.

- Ton ami est un lynx géant comment veux-tu que je ne flippe pas?

- Alors c'est plus compliqué que cela. Ash n'est pas qu'un lynx. Actuellement c'est bien le cas. Il a prit cette forme pour pouvoir grimper ici.

- Tu veux dire qu'il peut changer d'apparence? Comme un métamorphe?

- Précisément. Ash est un métamorphe. Tu ne connais pas les Brownies mais les métamorphes oui? Je me sens vexé!

- Je ne connais rien du tout, tout comme ton espèce ils sont censés être des créatures légendaires que l'on ne rencontre que dans les romans ou les films de fantasy! Et sûrement pas ici en train de se balader sur mon île! Vous venez nous envahir? Vous êtes combien? On va tous mourir??

Ah ça y est la crise de nerfs arrivait enfin, ma voix partit dans les aigus et mes propos devinrent de plus en plus ridicules. Orion attrapa mes mains dans les siennes et capta mon regard. Je me surpris à caler ma respiration saccadée sur la sienne, bien plus calme. Progressivement le calme revint en moi.

- Voilà c'est bien Zola, respires calmement. Je t'ai promis de tout t'expliquer plus tard. Je peux déjà te dire que non nous n'allons pas envahir votre monde et nous ne vous voulons aucun mal. Il n'y a que Ash et moi. D'ailleurs je crois que tes cris l'ont réveillé. Dis bonjour Ash!

En me retournant je fût aussitôt happée par deux yeux aux iris dorées fixées sur moi.

Deux yeux furieux.

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