Chapitre 3

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Ash

J'observais Orion et l'humaine s'envoler. Le regard troublé qu'elle m'avait lancé me laissait une drôle d'impression. Comme si mon numéro de métamorphe enragé ne l'avait pas plus impressionné que cela. Il faut dire que mon acolyte ne m'avait pas trop aidé sur ce coup-là. Comment avait-il fait pour s'enticher aussi vite d'elle ? Et elle de lui ? Pourquoi n'était-elle pas terrorisée ? Elle semblait vouloir nous aider, mais dans quel but ? Après m'être assuré que j'étais seul, je descendis prudemment de mon perchoir. Il était temps que je me dégourdisse les pattes et explore ce nouvel environnement. J'avais été dans le brouillard ces deux derniers jours. J'espérais sincèrement que Orion nous avait déniché un endroit sûr. J'étais vraiment lasse de fuir pour sauver ma peau et la sienne. Une fois au sol je suivis leurs traces. Elles me menèrent en dehors de la forêt de pins. Là sur la falaise, se trouvait un bâtiment rouge de forme arrondi percé de plusieurs fenêtres. Un peu à l'écart, l'odeur m'indiqua un poulailler. Au bas de la falaise, la mer était agitée. Je suivi un sentier qui semblait souvent emprunté. L'odeur de l'humaine était présente ainsi que celle d'un chien. Je ne détectais pas d'autre odeur m'annonçant la présence d'une autre personne. Je poursuivis mon exploration. Hormis une colonie d'oiseaux et quelques rongeurs nocturnes, je ne trouvais pas âme qui vive. Ceci me rassura en partie. Mais ma plus grande surprise fut de découvrir que nous étions sur une île. Un rocher de quelques kilomètres carrés au milieu de l'océan. Orion s'était bien débrouillé, personne ne nous retrouverait ici.

L'esprit un peu plus tranquille, je retournais sur la branche. Orion m'y attendait.

- Comment tu te sens mon chaton ?

Il savait pertinemment que je ne pouvais pas lui répondre sous cette forme. Mais nous nous connaissions si profondément l'un l'autre, qu'il savait interpréter parfaitement le moindre de mes frémissements. Tout comme je savais lire en lui sans qu'il ait besoin de parler. Ce qui, à mon grand désespoir, arrivait rarement. Orion adorait déblatérer. Je m'allongeais sur le flanc et il vint immédiatement se glisser contre moi. Cette habitude datait de nos jeunes années. Quel drôle de duo nous formions. Un Métamorphe taciturne et un Brownie exubérant. Malgré tout, je ne l'échangerais pour rien au monde. Je préférais éviter de me souvenir de ma vie avant son arrivée.

- Nous n'avons rien à craindre de Zola tu sais. Je l'ai observé ces deux derniers jours, elle vit seule ici. Elle passe ses journées à observer ces drôles d'oiseaux avec des jumelles, elle prend des photos d'absolument tout. Elle ramasse des plantes, prélève de l'eau et de la terre. Elle parle aux poules et à sa chienne et elle chante... Fort ! Le soir elle lit et elle observe le ciel. Elle semble apprécier ce mode de vie, cette solitude. Tu sais qu'elle n'a même eu peur en me découvrant ? Et si tu t'étais comporté un gentil minou ronronnant elle t'aurait sûrement sauté au cou ! Et ça je peux te dire que c'est quelque chose, elle fait des supers câlins !

Je relevais la tête, intrigué et fixait mon ami. Il rougissait légèrement et un doux sourire illuminait son visage. Comment diable en si peu de temps avait-il pu se rapprocher autant d'elle ? Nous avions passé la majeure partie de notre vie ensemble sans jamais atteindre ce genre d'extrémité. Je baissais le regard. C'est moi qui évitais ce genre de rapprochement. J'acceptais que Orion se glisse contre moi lorsque j'étais sous ma forme animale mais cela s'arrêtait là. Il respectait toujours mes limites et moi les siennes. Un sentiment doux-amer remonta à la surface. J'étais heureux qu'il puisse enfin trouver du réconfort et de la douceur, il le méritait. J'aurais aimé pouvoir lui en accorder, ne serait-ce qu'un peu, mais je m'en savais tout bonnement incapable. Un long soupir m'échappa et je sentis sa petite main tapoter mon flanc comme pour me réconforter. Pas besoin de mots avec lui.

- J'ai dit à Zola que je retournerais la voir demain, tu pourrais venir avec moi si tu veux.

Je reniflais de façon hautaine. Peut-être qu'il faisait confiance à l'humaine, mais ce n'était pas mon cas. Il était hors de question de baisser la garde. Je ne pouvais pas empêcher Orion de faire ce qu'il voulait, il était parfaitement capable de se défendre. Mais en ce qui me concernait, j'allais éviter tout contact avec elle.

- Sois sympa Ash, elle est vraiment adorable, un peu folle, mais adorable. Elle m'a fait manger un chili végétarien à se damner et elle a préparé des provisions sans hésiter pour toi. Elle voulait même que je t'apporte une couverture pour cette nuit.

Une couverture ? Je lâchais un feulement réprobateur. Elle savait que j'étais un lynx, pas une petite chose fragile ? Une fois de plus je m'interrogeais sur ses motivations à vouloir nous aider. Les gens ne font jamais rien gratuitement, Orion et moi en avons, plus d'une fois, fait l'amère expérience. J'allais tenir cette humaine à l'œil.

- Je te connais Ash, tu es méfiant de nature et généralement ton instinct se trompe rarement. Mais pour une fois j'aimerais que tu le mettes en sourdine. Fais moi confiance sur ce coup. Je nous ai trouvé un endroit sûr et Zola c'est la cerise sur le gâteau. Nous fuyons depuis longtemps, je ne supporte plus cette vie à ne dormir que d'un œil, se méfier de tout le monde et ne plus jamais rire.

Je me crispais et baissais les oreilles, honteux. Sa dernière remarque me fit réagir instantanément. J'attirais Orion entre mes grosses pattes et frottait délicatement mon museau sur ses boucles violettes. Il se figea un court instant, ne sachant pas comment réagir. Je ne m'étais jamais comporté ainsi avec lui. Il poussa un long soupir, ses épaules se détendirent et il se laissa aller contre moi. Nous restâmes un long moment ainsi, savourant ce moment de paix et de complicité. Il avait raison. Il méritait de mener une vie facile et de rire à gorge déployée. Il riait souvent avant. La violence de notre vie et mon foutu caractère avaient éteint sa joie de vivre. Quelques heures avec Zola avaient rallumé sa flamme. Une douce chaleur m'envahit, dissipant un peu la tristesse de mon âme. En baissant le regard je le découvrais endormi, blotti entre mes pattes, ses ailes délicates repliées sur lui. Cette vision apaisa quelque chose en moi. Il semblait serein pour la première fois depuis très longtemps. J'avais tendance à oublier sa fragilité et son grand cœur. Il me protégeait, bien souvent de moi-même, tel un garde-fou. Il était temps de le laisser profiter de ce bonheur qu'il avait recherché toute sa vie.

Je sentis le sommeil me gagner à mon tour. En prenant garde de ne pas déranger Orion, je m'installais dans une position plus confortable et me laissait bercer par les bruits de la nuit. La voix de l'humaine, Zola, résonnait encore dans ma tête : » Bonne nuit Ash ». Elle s'était pourtant adressée à moi peu de temps avant. Mais elle parlait au lynx qu'elle avait sous les yeux, sans vraiment comprendre que j'étais bien plus que cela. Sa dernière phrase, avant de partir, m'étais destinée à moi, Ash. Elle avait compris, je l'ai lu dans ses yeux. Je ne sais pas ce que l'avenir nous réservait, mais pour une fois il ne me semblait plus si sombre et oppressant. Comme si un rayon de lumière avait percé les lourds nuages noirs de ma vie. Je levais les yeux au ciel, décidément cette île et son habitante n'avaient pas fini de me surprendre.

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