Je manque de tomber. Où suis-je ? J'évalue mon environnement, comme on me l'a appris à l'école. La rue est sombre et étroite. Les bâtiments sont faits de bois noirci par de la suie. En somme, on est loin du grand luxe.

Je m'y connais peu en magie, c'est loin d'être mon domaine, comme tout le monde à Oflaria. Mais je sais reconnaître quand j'en vois, et surtout quand j'en subis. Comme là. M'a t-on déplacée dans l'espace ? Dans le temps ? Dans les deux ? Rien n'est sûr.

J'essaie de me connecter à Philp, mon frère. En tant que jumeaux, nous avons plus de facilité à la communication qu'on peut l'imaginer. Pourtant, rien, c'est le néant dans ma tête. Je ne comprends pas comment je n'ai pas pu remarquer ce vide avant. Je me suis habituée à sentir une autre présence dans mon esprit. La plupart du temps, ça m'agace plus qu'autre chose. Je ne peux jamais être en paix, à moins de bloquer sa présence, ce qui serait une sorte de trahison.

Je porte ma main à ma ceinture. Pitié, faites que j'aie mon couteau. Ouf ! Je ne sais pas ce que je ferais si je l'avais oublié.

À ce moment, une ombre surgit devant moi, manquant de me faire crier. Je dégaine mon arme en direction de la personne devant moi. Je suis Welmina Greyson, oui ou non ? Je ne me laisserai pas faire. À ma grande surprise, l'ombre éclate de rire.

Je le scrute, essayant de déceler des détails de son apparence. Peine perdue. Je ne peux que supposer qu'il s'agit d'un garçon, de par son rire.

— Qui êtes-vous ? je demande avec méfiance.

— Moody, répond-il avec nonchalance. Et vous ?

— Daisy, répond-je d'une voix froide, pour qu'il ne décèle pas la peur que je ressens.

Je sais, j'ai menti. Je ne souhaite pas donner mon nom à un inconnu, bon !

À mon grand étonnement, il s'avance à la lumière. Il est beaucoup plus jeune que je le pensais, il doit avoir mon âge. Ce qui m'étonne le plus, cependant, ce sont ses cheveux. Ils sont d'une couleur indéfinissable, d'un brun tirant sur l'orange. Oui, je sais. Je dois mal voir. Personne ne peut avoir les cheveux oranges! Et puis quoi encore? Verts ? Bleus ? Roses ? C'est ridicule.

— Daisy, vous dites ? D'où venez-vous donc, mademoiselle ? demande-t-il d'une voix douce.

— Pourquoi me demandez-vous cela ? je répond, interloqué. J'ai l'air si étrangère que ça ?

— Oh ! lance-t-il, embarassé. Eh bien, c'est peu commun de croiser une jeune femme respectable par ici. Aussi, quand elle porte un couteau et qu'elle vouvoie un gamin des rues, je crois être en droit de me poser des questions, continue-t-il avec un léger sourire.

— Et où sommes-nous, ici ? je relance, évitant sa question.

— Mais voyons, à Murkwell ! me lance-t-il comme si c'était une évidence.

Je reste choquée. Je vis à Murkwell depuis ma naissance. Il n'existe absolument aucune rue de ce genre. Et aucune personne aussi bizarre.

À ce moment, un grand bruit me fait sursauter. J'ai l'impression que le grondement remplit l'entièreté de l'atmosphère autour de nous. Je lève la tête vers le ciel, d'où semble provenir le bruit. Je vois une petite silhouette, comme un oiseau. Impossible que ce soit ça qui fait autant de bruit!

Moody suit mon regard et sourit en voyant la silhouette.

— Ah! Ces avions...

Avions? En quelle année suis-je rendue? Probablement il y a plus de 200 ans, pour qu'il y aie des avions.

— Allez-vous bien, mademoiselle? On dirait que vous êtes dans un autre monde.

Oui, je suis dans un autre monde. Un monde où la pauvreté existe. Un monde qui n'est pas le mien. C'est flippant.

Non, ce n'est pas mon monde, pas mon époque. Mon monde est égalitaire. Mon monde est juste. Mon monde est meilleur. Si seulement il n'y avait pas la guerre...

Je me réveille en sueur dans mon lit.