24. Le monde à nos pieds
Carly
Dans l’ascenseur, Ryan nous conduit quelques étages plus bas, avant d’ouvrir la marche à travers des couloirs, un nouvel élévateur, une passerelle… Enfin, à l’aide de leur carte magnétique, Lukas et lui déverrouillent une porte sécurisée par des caméras accrochées un peu partout au plafond.
— Vos bureaux, Monsieur.
Les lieux sont modernes, les murs remplacés par des vitres, les meubles imposants, fonctionnels et raffinés. La moquette, blanche, aussi moelleuse que celle du corridor de l’appartement, me porte dans une douce rêverie où je me roule dessus, en charmante compagnie.
— La couleur te déplait ? demande ladite charmante compagnie, étonnée de me voir fixer le sol, bouche ouverte.
— Non, pas du tout. Ton garde du corps va rester à l’entrée ?
Lukas observe l’homme tranquillement assis, puis, perplexe, cherche à comprendre où je veux en venir :
— Oui, pourquoi ?
Je mordille mes lèvres, cache tant bien que mal mes joues rouges et chaudes de la main et réponds d’un air gêné :
— C’est que… il voit tout, d’ici.
Mon amant a compris. Il sourit, mutin, jette un dernier regard à l’employé musclé, plongé sur l’écran de son téléphone, avant de me guider vers une porte aussi barricadée que celle de son logement. Cette pièce-là est cachée par d’épaisses cloisons, à l’abri des regards.
Elle est très spacieuse, magnifiquement éclairée par les lumières de la ville, immense derrière une baie vitrée à l’image de la suite Lukas Sullivan.
— C’est quoi, là-haut ? m’informé-je, le bras et l’index tendus en direction de spots multicolores sur le toit du bâtiment voisin.
Mon homme se rapproche, tourne à peine la tête et explique, alors qu’il m’enlace avec douceur :
— Ce sont nos amis qui s’éclatent dans l’eau ou sur la piste de danse. Tu voulais admirer la vue, qu’en penses-tu ?
— Elle est époustouflante, pourtant, tu n’en profites pas, ta table de travail lui tourne le dos.
— Parce que je me régale de la tête de mes interlocuteurs quand ils pénètrent ici. Surtout quand la nuit est tombée, et qu’ils assistent à ce spectacle. Ne bouge surtout pas.
Malgré la pénombre, je distingue sa silhouette sur la vitre. Il se précipite vers la porte, s’assure qu’elle est bien verrouillée puis s’y adosse.
— Imagine que je suis l’un de tes collaborateurs, reprend-il, sérieux. Tu as demandé à me voir et je suis là, impressionné par le respect que tu m’inspires alors que tu me tournes le dos, en pleine contemplation du panorama. L’élégance raffinée de ton bureau m’effraie, c’est à peine si j’ose avancer, de peur de te faire sursauter au moindre froissement d’un brin de moquette. En même temps, je suis ébloui par l’éclairage que fournit la ville à elle seule. Tu vis au sommet de tes bâtiments, pour ton travail, comme chez toi. Tu es une femme inaccessible à mes yeux, ton pouvoir m’intimide, autant que ton statut et tu en es pleinement consciente. N’est-ce pas jouissif ?
Il se tient maintenant juste derrière moi et m’enlace avec tendresse. Amusée par ses efforts pour me prouver l’utilité d’une richesse comme la sienne et de sa suzeraineté, je fais mine de réfléchir avant de répondre :
— Possible, mais je préfère quand c’est toi qui me fais jouir.
Son souffle chaud caresse mes cheveux, puis mon cou. L’une de ses mains glisse sur mon ventre, entre mes seins, jusqu’au décolleté en V de mon tee-shirt. Là, ses doigts s’infiltrent lentement sous le tissu, où ils éveillent mes sens par d’exquises taquineries de part et d’autre de ma poitrine. Son autre paume remonte la jupe de ma robe alors que le bout de ses phalanges effleure ma cuisse. Les sensations provoquées par mon amant lorsqu’il joue autour de mes lèvres, sur les bords de ma culote, m’électrisent et m’arrachent un soupir de bien-être.
La tête contre son torse, je m’abandonne au désir grandissant. Je me cambre tandis que son érection appuie contre mes fesses et que je me tortille sous le divin touché. Mon corps en réclame davantage. Mon Adonis ne me laisse pas le choix, de toute façon. Ses gestes suivent mes mouvements et ne m’accordent aucun répit. Sa bouche et sa langue dévorent les contours de mon visage, provoquent un nouveau vertige. Maquiavéliquement habile, il volète sur la dentelle qui recouvre mon sexe, alors qu’il recouvre mon sein et le presse avec une infinie douceur. Je gémis, insiste sur sa main, plus bas, un peu trop timide à mon goût. Il accède partiellement à ma requête et appuie avec un peu plus d’insistance sur le sous-vêtement. Le souffle de mon partenaire, sous mon oreille, m’apporte d’autres sensations et je meure d’envie de sentir ses lèvres humides sur ma peau. Hélas, je suis transportée par les papillons qui m’envahissent et me vois incapable d’émettre autre chose que des lamentations. Je tente de me retourner pour partager ces émotions et l’embraser en retour, mais ses bras me maintiennent avec fermeté alors qu’il me dit d’une voix rauque :
— Reste comme ça. C’est parfait. Je veux t’entendre et te voir jouir. Je contemple déjà ton reflet sur le verre, ma chérie.
Sa bouche sur mon épaule provoque des milliers d’étincelles qui courent dans mes veines. Mes jambes en coton menacent de se dérober. Incapable de me dérober, je reste offerte, la respiration suspendue, quand il s’écarte doucement pour faire glisser ma robe le long de mon buste et la passer au-dessus de ma tête. Ses paumes enrobent alors avec délicatesse mes seins libérés avant de dégrafer mon soutien-gorge et de le laisser tomber au sol dans un doux frémissement.
Perfection explore chaque parcelle de mon corps pendant qu’il me coince contre la vitre dont la fraicheur, contre ma peau en feu, entraîne de merveilleux frissons. Ses mains glissent le long de mes flancs, je tressaille. Sur mes hanches, mes poumons se bloquent. Dans l’aine, de chaque côté, je gémis. Mes ongles griffent la glace, essaient de s’y agripper. Aveugle face aux lumières extérieures, la joue appuyée sur le panneau transparent, je n’ai pas plus conscience de mes mamelons écrasés contre la paroi. Mon amant s’assure une dernière fois du niveau de mon exacerbation à l’aide de ses doigts agiles, puis il se rapproche encore, et s’immisce entre mes lèvres trempées. Je remue autant que je peux, excitée au point de chercher à les introduire en moi. Mais le malin n’est pas d’accord, il sourit, je le sais, quand il murmure :
— Pas maintenant, petite coquine.
Il se régale encore et encore de mon impatience, chatouille l’entrée de mon vagin, insensible à mes supplications. Soudain, Monsieur se retire, recule et m’entraine vers le bureau. Il déplace d’un coup de pied son fauteuil à roulettes et contourne le meuble en m’invitant à le suivre, nos mains serrées. Son ordinateur décalé, il dégage les dossiers, pots à crayons, et cadres d’un rapide geste du bras. Les objets s’écrasent au sol alors qu’il plaque ma poitrine contre le plateau et me maintient ainsi, la paume entre mes omoplates. Enfin, je perçois le tintement d u métal et devine qu’il déboucle sa ceinture, de son autre main. Maladroitement, vu les cliquetis qui n’en finissent pas !
— Lukas, laisse-moi t’aider.
— Non.
Il ne va pas faire sa tête de mule maintenant ! Je râle, agacée :
— Tu es trop long !
— Ok, approuve-t-il, la voix rauque en me libérant.
Empressée, je me retourne, me jette sur ses lèvres et me dépêche de faire sauter la fermeture éclair puis le bouton de son jean. Par chance, il était venu à bout de la sangle en cuir.
À peine débarrassé de ses vêtements, il m’ordonne de me réinstaller sur le bureau, impatient.
Je ne demande que ça !
Au lieu de me pénétrer comme je m’y attendais, il embrasse mes fesses, caresse mes lèvres avec lenteur, puis de manière plus appuyée, tourne autour de l’entrée vaginale. Je gémis et gesticule, profondément émoustillée, en vain. Sa langue prend le relais, elle s’agite d’abord avec lenteur avant de s’énerver et de s’affoler. Mon Cro-Mignon, en véritable expert, exacerbe mes sens. Des flammes s’élancent dans mon corps, des papillons s’entrechoquent dans mon bas-ventre, et plus bas encore. Mon sexe crépite, comme ces bonbons de mon enfance qui éclataient au contact de la salive. Quelques dérapages éraflent l’entrée de mon sanctuaire et m’arrachent de petits cris. D’espoirs ? De dépit ? Je ne sais pas et je m’en fous. Seul le plaisir compte.
— Lukas, tu attends quoi pour venir ?
— Tu vas jouir de cette manière, et je te pénétrerai après.
Je le veux maintenant.
— Non.
— C’est encore meilleur la deuxième fois, chuchote-t-il.
— Tant pis. On aura d’autres occasions.
Il poursuit son petit jeu et c’est vrai, je pourrais me laisser aller. Mais je ne suis pas d’accord. Il me manque son contact. J’ai besoin de lui. Ce sera encore meilleur quand il sera en moi.
— Lukas ! Viens !
Une dernière caresse sur mon derrière et enfin, son sexe s’enrobe de mon humidité, avec lenteur, jusqu’à ce qu’il rencontre le seuil de mes profondeurs. Progressivement, à son habitude, la nôtre, il s’y introduit alors qu’un nouveau vertige me transporte. Enfiévrée, je vais au contact, à la recherche du bien-être total, de la délivrance de cette douce torture.
Mon amant s’enflamme, ses gestes deviennent plus rapides, plus désordonnés, plus forts. Je me cambre en gémissant, les mains accrochées au bord de la table. Ses coups de reins se font si animaux que le meuble se déplace de quelques millimètres. Soudain, le plat de sa main revient me plaquer contre le bois.
— Carly… prononce-t-il d’une voix pleurnicharde, impatiente, avant d’attraper mes cheveux et de les tirer avec force vers lui.
Il m’oblige à me cambrer davantage et à redresser la tête.
— Regarde, Carly, regarde la ville. Je veux que tu la regardes et que tu vois à quel point tu la domines, à quel point nous les dominons tous. Nous sommes les maîtres du monde !
Je ne l’entends plus. Prisonnière de cet homme, enfermée dans un corps fébrile, je suis parcourue d’un spasme qui m’immobilise complètement. Un taser de volupté. Quelqu’un cri. Moi, je crois. Une autre voix se mêle à la mienne. Celle de Lukas. Un séisme déferle dans tout mon corps, me laissant pantelante et en sueur sur la table de travail.
Je souris, essoufflée. Aux nuages roses et cotonneux, aux lumières de la ville, aux gens, en bas. Puis je ris, sans trop savoir pourquoi, alors que Lukas est affalé dans mon dos, les bras le long des miens. Un rire nerveux lui échappe tandis qu’il se reprend, lui aussi.
— Retourne-toi, demande-t-il en se décalant.
Il me permet d’obtempérer et de m’asseoir, rien de plus.
Campée sur le plateau en bois, les jambes autour de ses hanches, je pose la tête sur son épaule.
— Tu l’as ressentie, l’euphorie de la puissance ? s’assure-t-il en déposant de petits baiser sur ma peau nue.
Je réfléchis quelques instants avant de répondre :
— C’était… bluffant.
Il s’écarte et me dévisage comme si j’avais perdu la raison, avant de m’interroger :
— Bluffant ? C’est tout ? Pour moi, c’était comme si… toi et moi, on était tout en haut, sur notre nuage et qu’on observait la ville à nos pieds !
Je m’esclaffe, surprise qu’une telle vision lui vienne en un pareil moment. Peut-être est-ce l’inverse, en réalité, la ville, les gens, qui nous observaient de la rue. D’un autre côté, L’enchantement de la soirée me procure quand même un sentiment d’irréalité. Du coup, j’avoue en levant les yeux au ciel :
— Oui, c’était puissant ! Enivrant !
Il insiste, toujours pas satisfait :
— Jouissif ?
— Oui ! Tu as gagné ! Oui, c’était jouissif !
— Nous aurions le monde à nos pieds plus souvent, si tu venais t’installer ici.

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