Le groupe reste figé. La photo qu'ils viennent de voir sur la tablette les laisse sans voix. Un silence pesant s'installe. On y voit un homme en train de vomir du sang noir en pleine rue... Une image dérangeante. Presque irréelle.

— Comment ?... Le vieux net était pas censé avoir disparu depuis l'évanouissement général ? demande Lucie, complètement dépassée.

Sophy, les yeux rivés sur l'écran, répond d'une voix grave, presque absente.

— À l'annonce de cette guerre, y'a 7 ans... guerre provoquée par les conflits d'intérêts de nos élites... le vieux net était devenu un déversoir. Beaucoup d'informations illégales ont fuité à ce moment-là. Des témoignages sur la Brume Noire, des photos, des vidéos des premiers contaminés... mais aussi... les premières théories sur la vraie nature de cette guerre. C'est à ce moment précis que le gouvernement a frappé. Ils ont instauré la censure absolue. Et les premiers massacres ont commencé. Les médias disaient qu'ils "désinfectaient". Mais en vérité, ceux qui ont fuité les infos... ont été abattu comme des chiens, C'était pas une opération sanitaire. C'était une purge... mais aujourd'hui il est encore possible d'y accéder par des anciennes sources qui circulent.. après la rupture des réseaux sociaux, le gouvernement a cherché tant bien que mal à supprimer le plus de fichiers possibles.. malheureusement pour eux, des gens talentueux et d'autres extrêmement dangereux arrivent à avoir encore accès.

Damians fixe Sophy, intrigué.

— Tu m'as toujours fasciné... Toi qui as bossé, même brièvement, chez FractionSide.

Sophy s'avance jusqu'à la fenêtre, près de la porte d'entrée. Elle ne tourne même pas la tête.

— À cette époque, les premières radios IA étaient déjà au stade avancé. Et j'ai vite compris que quelque chose n'allait pas... pourquoi vouloir crée des radios avec IA intégrer... Avec d'anciens collègues, on a commencé à capter des fréquences étranges... cherchez des pistes pour comprendre ce qu'il se trame, des choses que l'entreprise voulait cacher.. et nous avons donc commencé à parcourir cette endroit.

— Alors tu as participé aux fuites du vieux net, toi aussi... Ça explique pourquoi tu es là aujourd'hui tout comme Marks,murmure Damians.

Sophy regarde l'extérieur, le visage figé dans une tristesse profonde, des larmes commencent à couler.

— Ils nous ont retrouvés... moi et mes anciens collègues. Ce jour-là... j'étais avec mon fils.

Lucie s'approche, pose une main sur son épaule.

— On ne doit pas abandonner. Sinon, on abandonne l'humanité à un sort qu'elle ne mérite pas.

Sophy baisse la tête, les larmes aux yeux. Sa voix se brise.

— Je n'ai pas pu le protéger... comme j'aurais dû...

Arnaud se lève. Il allume une cigarette déchirée sur le bord. Marks, lui, éteint la tablette, se prend la tête entre les mains.

— On n'a aucune idée de quand cette photo a été prise. Aucun détail. Aucun tag. Si c'est réel.. tout ce que j'ai parcouru pour trouver cette image sont démentiel. D'ici quelques heures, on doit..

Soudain un bruit étrange surgit de la chambre où Clayd dort.

Tous se figent, le bruit n'est pas normal.

Arnaud s'élance vers la pièce, inquiet. Il entre lentement... et remarque la montre de Clayd, sur son poignet gauche, en train de se rallumer toute seule.

L'écran affiche des glitchs, des pulsations irrégulières, presque organiques.

Un message s'affiche.

Message anonyme :

NE T'APPROCHE PAS.

Et soudain, une voix mécanique et étrangère s'échappe de la montre. Arnaud sursaute, recule violemment, tombent au sol.

Lorsqu'il relève les yeux... Clayd est redressé dans son lit. Il le fixe. Ses yeux sont entièrement noirs.

Profonds.

Vides.

Inhumains.

Clayd se lève d'un mouvement saccadé, presque irréel. Il s'approche à une vitesse terrifiante, attrape le bras droit d'Arnaud.

Le contact glace son sang.

Des veines noires parcourent la main de Clayd et commencent à se propager sur le bras d'Arnaud, comme un virus rampant. Clayd le fixe dans les yeux. Son regard semble... briser quelque chose en lui.

Puis, sa bouche s'ouvre. Une voix démoniaque, distordue, incompréhensible, s'en échappe.

— ???!!!!!??!!!?!!i!!????l???!!!!!???!!?!?!??!??o???!!!!???i??!!???s?!!!!???f??'??!!!u??!!!!!!i!!!???

Arnaud est pris dans un maelström de terreur. Il hurle. Mais aucun son ne sort. Il veut crier, fuir, mais son corps est figé.

Un voile noir s'abat d'un coup.

Et puis..

Tout s'éteint.

17h46.

— Arnaud ? Réveille-toi.

Il ouvre les yeux d'un coup, haletant. Il est allongé sur son lit. La chambre est calme. Comme si rien ne s'était passé.

Lucie est à côté, assise sur le bord du lit.

— Ça va mieux ? T'étais bizarre depuis qu'on est rentrés au camp. Tout le monde s'inquiétait.

Arnaud se redresse brusquement, paniqué.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?! J'ai entendu un bruit étrange venant de la montre de Clayd, j'ai ouvert la porte et je suis aller le voir, il m'a pris le bras avec..

Lucie l'interrompt.

— Attends une minute. Je sais pas de quoi tu parles, mais... t'as juste ouvert la porte de la chambre et t'es tombé net, comme ça, sans raison. Clayd n'a même pas bougé.

Arnaud écarquille les yeux. Son cœur bat plus vite.

— Non... non, c'est pas possible... Je suis sûr... J'ai vu Clayd, il m'a attrapé, il m'a regardé avec des yeux noirs, il y avait un message sur la montre... dis-moi que t'as vu ça, Lucie ! Dis-moi que je suis pas fou !!

Lucie recule instinctivement, le regard inquiet.

— Arnaud... Tu me fais flipper, là.

Elle se lève lentement, recule vers la porte.

— Repose-toi. T'as juste eu un mauvais coup sur le moment.

Arnaud reste figé. Il ne cligne même plus des yeux. Il est... bloqué. Son esprit n'arrive pas à comprendre ce qu'il a vécu.

Ce qu'il croit avoir vécu.

Mais la peur... elle, est bien réelle.